L'Infanterie au XVIIIe siècle - LA TACTIQUE

 

INTRODUCTION

LE COMBAT DEPUIS LES TEMPS ANTIQUES

 

Sommaire
La Grèce ancienne - Les armées romaines - Prépondérance de la cavalerie : le Moyen Âge - L’arme à feu : Arquebuses et mousquets - Apparition du fusil et de la baïonnette
Chapitre I - Chapitre II - Chapitre III - Chapitre IV - Chapitre V
Planche 1 - Planche 2 - Planche 3 - Planche 4 - Planche 5

I - La Grèce ancienne

A n’étudier les procédés de combat qu’avec les documents officiels ou les relations d’ensemble des batailles, on risque d’en fausser le caractère. C’est un fait général dans l’Histoire des guerres, par exemple, que les tirailleurs ont joué un rôle souvent essentiel, toujours important, et cependant on en fait peu mention. Les règlements de manoeuvre ont besoin de leur côté, d’être expliqués, complétés, par des traditions dont la trace est difficile à retrouver. On ne peut donc présenter l’histoire de la tactique sous son vrai jour qu’à l’aide d’une foule de documents de second ordre, inédits ou peu connus. Les archives de la guerre nous les fournissent en assez grand nombre pour aborder l’histoire de la tactique en France à partir du dix-huitième siècle.

On ne saurait, toutefois, se restreindre strictement à ce cadre, nous ne pourrions ni juger ni expliquer les transformations de notre tactique sans la comparer à celle des armées voisines, et sans rappeler, plus ou moins brièvement, les théories, les procédés et les faits de guerre qui ont exercé sur nos idées et notre manière de combattre une influence considérable. Le sujet perdrait aussi beaucoup de son intérêt si nous ne montrions ce qu’a été, dans ses grands traits, l’évolution de la tactique depuis ses origines, de manière à bien fixer le sens des transformations subies durant le dernier siècle et la place qu’elles tiennent dans l’ensemble. Cette façon de présenter la question permet seule aux tacticiens modernes de discuter rationnellement ce que la tactique peut devenir au début du vingtième siècle, et c’est là, on en conviendra, le but pratique que peut se proposer l’historien.

Pour l’étude des doctrines modernes elles-mêmes, il est utile de remonter à des époques assez anciennes. On a invoqué l’exemple du combat antique, dans des discussions qui ne sont peut-être pas closes, et où bon nombre de nos contemporains ont pris parti avec passion ; pour suivre ces débats et se prononcer en connaissance de cause, il faut revenir aux sources, à ce que nous savons de positif sur l’art militaire des anciens. Qu’on se rassure : ce sera peu de chose. Ce retour à l’antiquité présente encore d’autres avantages : les conditions matérielles et morales du combat y sont plus simples, l’analyse plus facile, et les conclusions s’imposent avec plus d’évidence. N’est-ce pas à l’antiquité qu’a recouru Ardant du Picq, homme d’action cependant, et de préoccupations exclusivement pratiques, lorsqu’il a voulu fixer les règles du combat moderne ? Essayons cette étude, disait-il, non point d’abord dans le combat moderne, trop compliqué pour être saisi d’emblée, mais dans le combat antique, plus simple, plus clair surtout (01). Les changements dans la tactique sont dus à des causes assez diverses : la situation politique et sociale des nations exerce une influence très sensible sur leur organisation militaire et leur manière de combattre ; leur état moral, leur énergie, leur esprit de discipline, leurs qualités physiques agissent plus fortement encore ; mais ce qui, dans les grandes lignes, détermine l’évolution de la tactique, c’est le progrès continu des armes et de leur emploi.

Les armes blanches ne sont guère susceptibles de grands perfectionnements ; ce sont les armes de jet qui, à travers les âges, gagnent sans cesse en puissance. Chaque période de l’histoire marque un nouvel avantage des armes de jet sur l’arme blanche, dont le rôle va diminuant ; le combat à distance prend une place de plus en plus grande aux dépens du combat rapproché ; c’est là ce qui détermine le caractère général de l’évolution tactique et fait l’unité de notre sujet. Pendant de longs siècles, l’arc, la fronde et le javelot sont restés les seules armes de jet. Les peuples de l’Orient et de la Grèce primitive les tenaient en honneur, et les chefs ne dédaignaient pas d’en faire usage ; mais bientôt elles se trouvèrent déconsidérées, et les républiques grecques jugèrent la lance et l’épée seules dignes d’armer des citoyens libres. L’arc et la fronde furent laissés à des gens de moindre condition.

Nous ne savons rien des causes et des circonstances de cette transformation, qui est définitivement accomplie à l’époque des guerres médiques ; nous nous bornons ici à la constater. Vers le sixième siècle avant notre ère, le guerrier-citoyen des villes grecques est armé de la lance et pourvu d’une armure défensive trop lourde pour lui permettre d’y joindre un approvisionnement de projectiles quelconques ; il ne peut donc combattre que de près. La lance des " hoplites " grecs est très maniable, n’ayant que 2 à 3 mètres de longueur. Chaque guerrier dispose d’un espace d’environ 1 mètre en largeur et en profondeur, ce qui concilie la cohésion nécessaire avec une assez grande liberté de mouvements. La phalange est formée sur huit rangs, quelquefois douze, très rarement davantage. Elle est assez vive pour l’attaque de front et se prête bien à l’offensive ; on la voit, à Marathon, charger à fond sans crainte de se désunir, et elle l’emporte aisément sur les Asiatiques, dont l’armure est insuffisante et le vêtement encombrant (02).

Dans cette phalange grecque primitive, la valeur individuelle, l’habileté du combattant trouvent à s’employer et jouent le rôle décisif ; une troupe d’élite, comme celle des Thébains à Leuctres et à Mantinée, réussit à faire la trouée dans la ligne ennemie. S’il n’y a pas une très grande différence de valeur entre les deux adversaires, le combat de front s’éternise. Les deux premiers rangs peuvent seuls y prendre part ; les suivants fournissent des remplaçants pour les hommes tués ou blessés. Les Grecs ne sont pas partisans, en général, des formations trop profondes ; c’est ainsi que Xénophon fait critiquer un chef lydien par Cyrus après la bataille de Thymbrée : " Crois-tu que des bataillons dont l’épaisseur fait que la plupart des soldats ne peuvent atteindre l’ennemi avec leurs armes puissent être d’un grand secours aux leurs et causer bien du mal au parti opposé ? Je voudrai que les piquiers égyptiens, au lieu d’être sur cent, fussent sur dix mille de hauteur : nous aurions affaire à beaucoup moins d’hommes. " Les Béotiens, cependant font exception : la profondeur de leur phalange va souvent jusqu’à vingt-quatre rangs et même davantage. Épaminondas cherche, à Leuctres et à Mantinée, à enfoncer la ligne relativement mince des Spartiates avec une colonne profonde de cinquante rangs, " comme avec l’éperon d’un navire " ; mais cette masse est inutile : la phalange lacédémonienne, avec ses huit ou dix rangs, arrête net l’élan des Thébains, dont les deux premiers rangs seuls s’engagent. Pour arracher la victoire à l’ennemi, Épaminondas doit payer largement de sa personne : il réunit autour de lui les plus braves de ses compatriotes, la troupe dorée de Pélopidas, et, avec cette élite, pousse énergiquement la lutte contre les Spartiates. A Leuctres, il réussit, après de longs et sanglants efforts ; à Mantinée, il est frappé à mort avant d’avoir fixé la victoire (03). Il semble donc que d’autres moyens auraient procuré des succès plus certains et plus rapides que l’attaque en colonne profonde. Mais l’antiquité grecque présente peu d’exemples de manoeuvres et de mouvements débordants. La rigidité des formations s’y opposait.

Les flancs de la phalange en étaient la partie vulnérable. La moindre atteinte pouvait y causer un désastre. Le combat livré devant Corcyre, en 373, en donne un exemple frappant : la phalange lacédémonienne prise en flanc, essaie de former un crochet défensif ; mais cette simple manoeuvre ouvre une brèche dans son front et détermine sa perte. Des réserves d'aile, même très faibles, sont le seul remède efficace ; on y emploie surtout la cavalerie.

Pour ne pas multiplier les flancs, la phalange ne se subdivise jamais. Cette habitude prise la rend impropre à se mouvoir aisément, à marcher en tous terrains, à manoeuvrer, à déborder et à poursuivre. On a longtemps parlé avec admiration d’un changement de front exécuté en masse par la phalange lacédémonienne ; c’était la seule évolution qu’on pût lui demander sur le champ de bataille.

Cette indivisibilité de la phalange, en ne lui permettant pas de se mouvoir vivement et à travers tous les terrains, donnait à la guerre ce caractère de lenteur et de convention que nous retrouverons au dix-huitième siècle. Pour que deux phalanges en vinssent aux mains, il fallait qu’elles eussent l’une et l’autre la ferme volonté de combattre : elles se présentaient face à face sur un terrain propice. Malgré l’exiguïté du théâtre d’opérations, il était rare qu’un général pût acculer son ennemi à la bataille. Il n’y a pas d’exemple de victoire écrasante ni de poursuite.

La même cause empêchait la phalange de tirer tout le parti possible de l’infanterie légère, considérée comme simple auxiliaire ; mais cette dernière acquérait une singulière puissance, quand elle était libre de toute contrainte. L’archer ou le frondeur ne pouvaient se laisser aborder par le guerrier cuirassé et armé de la lance ; i1 leur fallait combattre en se tenant toujours à distance, c’est-à-dire en se déplaçant toujours si l’ennemi marchait, à eux ; mais l’arme de jet prenait alors un tel avantage que l’on pouvait obtenir ce que ne procurait jamais le combat à l’arme blanche : infliger à l’ennemi de grosses pertes, malgré cuirasses et boucliers, et parfois l’anéantir ou le capturer. C’est ce qu’on vit en Grèce, dès que certains peuples, moins férus du point d’honneur que les Spartiates, engagèrent contre les phalanges de grosses troupes de mercenaires, peltastes (04), archers ou frondeurs, avec de petits soutiens très mobiles d’hoplites cuirassés et armés de la lance.

Il est très difficile d’écrire l’histoire des archers et frondeurs dans l’antiquité, car on a grand’peine à trouver la moindre mention des armes de jet et de leur emploi dans les combats. Pourtant, plus on approfondit l’analyse des faits, plus on se persuade que cette infanterie légère a dû jouer un rôle important. Il arrive enfin une époque où elle prend si nettement l’avantage qu’on ne songe plus à le dissimuler. " Pendant la guerre du Péloponnèse, remarque Droysen (05), on eut souvent l’occasion de constater l’utilité des troupes légères, leur supériorité sur les hoplites. Déjà des peltastes avec de la cavalerie avaient bousculé et malmené l’armée athénienne à Spartolos, en 429, et les akontistes étoliens avaient fort maltraité les hoplites athéniens en 426. En outre, le plus brillant fait d’armes de la guerre d’Archidamos avait été la capture des Lacédémoniens à Sphacteria, due aux dispositions prises par Démosthène, à l’habile combinaison de ses hoplites athéniens et de son infanterie légère messénienne : les Spartiates allaient charger les hoplites athéniens quand, pris en flanc et, à revers par les troupes légères, ils avaient subi des pertes énormes ; vivement harcelés, ils s’étaient retirés à la pointe nord de l’île ; les hoplites athéniens les avaient suivis, sans réussir à les forcer ; mais les troupes légères étaient parvenues à les envelopper eu se glissant dans les rochers, et à déterminer ainsi la catastrophe. Une trentaine d’années plus tard, en 392, Iphicrate anéantit une " mora " de Spartiates à Lechæon, avec ses peltastes, auxquels des hoplites athéniens servaient de repli ; ce combat, comme celui de Sphacteria, donna encore une preuve de l’impuissance de la simple phalange contre l’infanterie combinée. "

Il est essentiel de remarquer, dans ces deux exemples, que l’infanterie légère réussit à anéantir ou à prendre complètement la troupe ennemie ; jamais une phalange d’hoplites n’avait pu approcher d’un pareil résultat, n’ayant ni la mobilité ni la souplesse nécessaires. Dans les armées où la phalange était l’essentiel et les troupes légères l’accessoire, celles-ci se trouvaient paralysées, perdaient tous leurs avantages et ne jouaient qu’un rôle insignifiant dans les préliminaires de l’action.

L’armée et la phalange macédoniennes diffèrent foncièrement de celles des Grecs : tandis que la cavalerie grecque est peu importante par le nombre comme par la qualité, les cavaliers macédoniens sont nombreux et habiles, et il en est de même dans les régions voisines ; la phalange y est donc armée et organisée de manière à soutenir victorieusement le choc de la cavalerie. Ses lances (sarisses) ont de 6 à 7 mètres de longueur et sont tenues à deux mains ; les files sont serrées, la profondeur est de seize rangs et la phalange oppose ainsi à la cavalerie une masse compacte hérissée de lances ; mais le combattant y perd toute faculté de mouvement, toute initiative, et cette lourde machine est impropre à l'attaque ; elle est réduite à un rôle défensif. C’est la cavalerie, soutenue par l’infanterie légère, qui joue le rôle essentiel et qui est chargée de la mission offensive. Des fractions de cavalerie et d’infanterie légère protègent les flancs de la phalange, qui reste en soutien ou en réserve pour repousser, le cas échéant, une charge de l’ennemi.

A Gaugamela, par exemple, Alexandre prononce l’attaque décisive avec sa grosse cavalerie, soutenue par les archers et frondeurs. Cette attaque est accompagnée et protégée à droite par des troupes d’infanterie et cavalerie légères. A sa gauche, vers le centre de l’armée, elle est aussi accompagnée et protégée par des troupes d’infanterie mixte (pourvues de la lance, mais moins lourdement armées que les hoplites), puis d’hoplites en échelons. En arrière demeure une forte réserve. La gauche, qui ne participe pas à l’attaque et couvre le flanc des phalanges, est composée de cavalerie.

Cette tactique réussit parfaitement contre les peuples asiatiques, dont l’armement est peu propre à la défensive ; elle se transforme quand les successeurs d’Alexandre ont à lutter les uns contre les autres. La cavalerie victorieuse se heurte alors aux phalanges, qu’elle ne peut forcer et dont la résistance donne le temps aux troupes légères de se rallier. Ce sont les phalanges des deux armées qui, pour en finir, se trouvent en présence, et c’est par elles que la victoire est décidée. Elles reprennent donc le rôle prépondérant dans la bataille, au moment où elles vont se trouver en face des légions romaines.

 

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La Grèce ancienne - Les armées romaines - Prépondérance de la cavalerie : le Moyen Âge - L’arme à feu : Arquebuses et mousquets - Apparition du fusil et de la baïonnette
Chapitre I - Chapitre II - Chapitre III - Chapitre IV - Chapitre V
Planche 1 - Planche 2 - Planche 3 - Planche 4 - Planche 5

II - Les armées romaines

Les Romains ont, comme les Grecs, une infanterie de ligne et des troupes légères et, comme les Grecs aussi, ils font peu de cas de ces dernières et en parlent peu dans leurs chroniques (06). A l’origine, la formation de combat et l’armement de la grosse infanterie sont à peu près les mêmes en Italie qu’en Grèce ; mais les Romains les modifient dans un sens bien différent. Au cours des guerres contre les Samnites et les Gaulois, ils morcellent leur phalange en manipules de 200 hommes. Résolus à pousser jusqu’au corps-à-corps, ils abandonnent la lance pour ne plus combattre qu’avec le pilum et l’épée, faisant ainsi appel de plus en plus à la valeur personnelle du combattant. Cette même préoccupation se retrouve dans les formes tactiques : la profondeur reste limitée à dix rangs, se réduisant souvent à huit au cours d’une campagne, et la légion est organisée de manière à la rendre souple et mobile. Tandis que, dans la phalange, les sous-unités restent accolées sans intervalles ni distances, les manipules sont, jusqu’au moment où l’on aborde l’ennemi, séparés par de grands intervalles ; ils règlent séparément leur marche, leur direction. La légion peut ainsi se mouvoir et combattre en terrain accidenté ; elle peut se prêter, sans se rompre, à toutes les circonstances. Enfin, elle possède en partie les qualités de l’infanterie légère, dont elle se rapproche par son armement. C’est au pilum, lancé à 10 pas sur les boucliers ennemis, que le soldat romain doit la faculté de faire brèche dans une phalange ; et le pilum, arme de jet plutôt que de main, achève de donner à la légion les qualités offensives qui manquent à l’infanterie de ligne grecque ou macédonienne.

Cette disposition suffit tant que les Romains ont affaire aux petits peuples d’Italie ; elle échoue en face des manoeuvres d'Annibal. Les généraux romains sentent alors la nécessité de manier leurs troupes par masses un peu plus grandes que le manipule et ils créent la cohorte de 600 hommes, qui sera désormais l’unité tactique. La division en manipules avait donné aux légions la souplesse ; la division en cohortes les rend manoeuvrières ; c’est un échelon hiérarchique grâce auquel le général peut modifier facilement la répartition de ses forces.

L’ordre de bataille le plus habituel a été d’abord sur deux lignes de cinq cohortes ; mais on en vient bientôt à une formation sur trois et même quatre lignes. Les deux premières semblent avoir été inséparables ; les cohortes de la deuxième ligne venaient elles s’intercaler dans les intervalles de la première, ou restaient elles en soutien, les cohortes de première ligne s’épanouissant de manière à donner un front continu ? Ces deux hypothèses ont été soutenues et il semble bien difficile d’admettre que les légions combattaient en ligne tant pleine que vide. Peut-être le front était-il complété par les archers et frondeurs.

A vrai dire, nous ignorons comment les troupes romaines étaient disposées à l’instant même où elles abordaient l’ennemi. La troisième et la quatrième ligne, quand il y en avait, étaient à la disposition du chef pour manoeuvrer ou rester en réserve.

Les légions, comme les phalanges, étaient toujours accompagnées de troupes légères. Quelle en était l’importance, il est presque impossible de le savoir, car les historiens latins n’en font guère mention.

" Les troupes légères, dit Schneider (07), tiennent une place insignifiante dans les écrits de César. Un lecteur ignorant de l’état militaire des Romains pourrait lire bien des pages des Commentaires sans deviner que les armées de César comprenaient toujours un nombre considérable de troupes légères, jusqu’au moment où il les verrait tout à coup intervenir, et alors il ne saurait guère d’où elles sortent. Ceci n’est d’ailleurs pas spécial à César, mais c’était un usage courant chez les Romains de ne pas compter dans la force des armées les auxiliaires, qui étaient en général armés à la légère... Il s’ensuit que le silence des chroniqueurs ne peut être une preuve de l’absence des troupes légères dans tel ou tel combat ; il faut se garder de cette conclusion, même lorsqu’il s’agit des relations les plus détaillées, si l’on n’a pas d’autre élément de certitude...

" Dans le récit très circonstancié que César nous donne de Pharsale, par exemple, les troupes légères ne sont mentionnées ni dans la bataille même, ni dans l’ordre de bataille, et pourtant il y en avait. Appien le spécifie (Bell. Civ., II, 70) : " César avait un contingent de cavaliers gaulois et de Gaulois transalpins en " assez grand nombre ; et, comme Grecs, il avait avec lui des a Dolopes, des Acarnaniens et des Étoliens. " Et ces auxiliaires ont bien contribué au succès pour leur part, comme Stofrel l’a découvert justement : " César raconte qu’après la fuite de la cavalerie de Pompée, les frondeurs et les archers, se trouvant sans appui, furent taillés en pièces (B. C., III, 93) et il semblerait, à la lecture, que cet exploit eût été fait par les six cohortes de réserve seulement. Or les frondeurs et les archers étaient plus de 4 000, et les six cohortes de réserve ne comptaient guère que 1 800 légionnaires ; il faut donc admettre, pour expliquer le fait relaté dans les Commentaires, que les troupes auxiliaires de César accompagnèrent ces derniers dans leur mouvement offensif. "

" Les troupes légères, continue Schneider, ont certainement aussi été employées dans l’engagement de la bataille ; du moins Appien l’affirme-t-il en ces termes (B. C., II, 75) :

César et Pompée distribuèrent chacun leurs troupes romaines sur leur front de bataille en trois corps peu écartés les uns des autres. Ils placèrent leur cavalerie aux deux ailes. Des archers et des frondeurs étaient entremêlés dans les rangs. Telle était la disposition des légions, auxquelles les deux généraux accordaient toute leur confiance. Quant aux alliés, ils les rejetèrent sur les côtés, comme s’ils n’étaient là que pour la montre. "

A Rome, ainsi qu’en Grèce, le rôle des archers et frondeurs, et la place qu’on leur accorde, grandit de jour en jour. Sous l’empire, ils forment une partie considérable des armées, où paraît en même temps une artillerie de campagne de plus en plus nombreuse. L’organisation et la tactique légionnaires sont profondément modifiées. On a parlé de corruption, de décadence ; c’est juger bien vite et légèrement, lorsqu’il s’agit d’une armée qui n’a pas cessé d’avoir des chefs vigoureux et habiles.

 

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Planche 1 - Planche 2 - Planche 3 - Planche 4 - Planche 5

III - Prépondérance de la cavalerie - Le Moyen Age

Les changements qui se produisent dans l’organisation et la tactique sont dus surtout, comme autrefois en Macédoine, à la prépondérance acquise par la cavalerie. Déjà, dans des temps plus anciens, toute cavalerie passable s’est montrée en état de rompre l’infanterie de ligne ; elle permettait l’emploi, dans une large mesure, de mouvements sur les flancs et les derrières de l’ennemi. Les Grecs de Sicile, les Macédoniens, les Carthaginois ont fait usage de la cavalerie comme principal agent de l’offensive et de la manoeuvre. En particulier, c’est la cavalerie d’Annibal qui a vaincu à Cannes.

La cavalerie romaine était restée au dessous du médiocre jusqu’à la conquête de la Gaule ; du reste, à de rares exceptions près, elle n’avait pas eu à combattre de cavaliers très nombreux ni très vigoureux, et avant le temps des Antonins, les légions restaient à la hauteur de leur tâche, moyennant quelques soutiens de cavalerie gauloise et germaine. Il ne va plus en être de même à partir du. troisième siècle. Les Germains, les Huns, les Parthes, deviennent les ennemis ordinaires de Rome et l’obligent à modifier sa constitution militaire (08).

Parmi les adversaires que les troupes impériales ont à combattre, les plus importants et les plus redoutables ont une excellente cavalerie. Enfin, les armées romaines ont à se transporter rapidement d’une région à une autre pour repousser les envahisseurs. Aussi la cavalerie tend-elle à devenir l’arme la plus importante et, comme au temps d’Alexandre, elle prend le rôle offensif. L’infanterie de ligne, pour lui résister, s’éloigne de plus en plus de la disposition manipulaire : dès 136, Arrien revient à la phalange, que l’on retrouve encore sous Caracalla et Alexandre Sévère. Le dernier succès de l’infanterie romaine est la victoire de Strasbourg, en 357, mais c’est en phalange, et formant la tortue avec ses boucliers, qu’elle reçoit et repousse la charge de la cavalerie germaine, permettant ainsi à la nombreuse cavalerie romaine de se rallier et de reprendre l’avantage. Le rôle de l’infanterie de ligne est donc purement défensif. La bataille d’Andrinople, vingt ans plus tard (378), consacre la supériorité de la cavalerie sur l’infanterie, et au début du cinquième siècle, à l’heure où l’empire d’Occident succombe sous les coups des barbares, la cavalerie est décidément l’arme principale, l’infanterie n’est que son auxiliaire. C’est dans cet ordre d’idées que Théodose le Grand réorganise les forces de l’Empire en 380.

En même temps que la cavalerie, l’infanterie légère voit grandir son importance, autant à cause de sa mobilité que des effets de son tir. Les archers, combattant à distance, doivent combiner leur action avec celle de la cavalerie cuirassée pour prendre l’offensive et exécuter les manoeuvres auxquelles l’infanterie de ligne est impropre. Quant à celle-ci, on ne songe plus, avec Urbicius (vers l’an 500), qu’à l’employer défensivement en phalange ou à la supprimer.

Au septième siècle, les armées de Justinien laissent, venir les cavaliers ennemis au contact de l’infanterie, qui les accueille par une grêle de traits ; la cavalerie byzantine charge aussitôt et décide la victoire ; son succès sur les barbares est dû à ce que ceux-ci ne savent pas unir les efforts, des deux armes.

Les Francs, qui ont à peu près adopté l’armement des anciennes légions et ne sont propres qu’au combat rapproché, à pied, ne peuvent résister aux escadrons des Goths ou des Byzantins ; aussi en viennent-ils à leur tour, vers la fin du sixième siècle, à se faire cavaliers. Leurs progrès dans ce sens ne sont pas assez rapides, cependant, pour leur permettre de combattre à cheval contre les Sarrasins, en 732, et ils se bornent à attendre en phalange la charge des infidèles. Satisfaits de l’avoir repoussée, ils se gardent bien de compromettre leur succès en poursuivant.

La tactique ne subit pas de transformations importantes pendant les premiers siècles de la féodalité : la force croissante des armures ne fait évidemment qu’accentuer la supériorité de la cavalerie. A Hastings, aussi bien qu’à Bouvines (1066 et 1214), l’infanterie est écrasée par les hommes d’armes. Peu à peu, cependant, les troupes à pied reprennent quelque avantage ; mais, comme dans les derniers siècles de l’empire romain, c’est à condition de se borner d’abord à un rôle défensif.

A Crécy, les Anglais ont choisi une très forte position défensive : les Français, supérieurs en nombre, ne tentent aucune manoeuvre, et attaquent de front ; aussi nos chevaliers, d’ailleurs gênés par une grêle de traits, ne peuvent-ils forcer la résistance de la phalange ennemie. A Courtrai, nos arbalétriers infligent d’énormes pertes aux Flamands, réussissent à les aborder, et auraient pu en venir à bout à la longue ; mais nos hommes d’armes, au lieu de porter leur effort sur les flancs de l’ennemi, veulent encore l’assaillir de front, mettent le désordre dans notre infanterie, et les Flamands, s’étant postés alors derrière un marécage, notre attaque échoue. Les piquiers ennemis tombent sur nos cavaliers embourbés et en font un horrible massacre. A Cocherel, les Anglais ont pris, comme à Crécy, une forte position défensive, mais Duguesclin les attire en avant en feignant une retraite précipitée dès sa première attaque : nos hommes d’armes, pied à terre et en bon ordre, se retournant subitement, attaquent l’ennemi avec avantage et le battent, car le tir des archers anglais est sans effet sur cette espèce d’infanterie cuirassée. A Rosebeeke, les Flamands ont formé une phalange étroitement serrée, avec laquelle ils prennent l’offensive ; nos arbalétriers leur font subir de lourdes pertes, et, au moment où le départ des blessés, la chute des morts mettent le désordre dans cette masse compacte, nos hommes d’armes la chargent sur les flancs. De 50 000 Flamands, un tiers à peine échappe.

Il résulte de là qu’à cette époque, ni cavalerie, ni infanterie ne peut réussir dans une attaque de front ; l’infanterie, parce que sa lourdeur l’empêche de charger ; la cavalerie, parce que les rangs de piques de l’infanterie arrêtent son élan. La victoire reste à celui qui a reçu et repoussé le choc de l’adversaire et l’attaque à son tour lorsqu’il vient d’être rompu ; elle appartient plus sûrement encore (mais ceci est de tous les temps) à la troupe qui débouche à l’improviste sur le flanc ou les derrières de l’ennemi.

En même temps que les bourgeois de Flandre, les montagnards suisses ressuscitent la phalange afin de résister à la noblesse allemande. Ils sont les premiers à se fixer des règles pour la disposition de leur infanterie, que soutient un nombre infime de cavaliers. Les arbalétriers constituent à peu près le cinquième du total, et il y a en moyenne cinq piquiers pour treize hallebardiers. Les hallebardiers forment le gros de la troupe, et ce qui les caractérise, c’est qu’ils ont, une arme courte et maniable, hallebarde ou épieu, tandis que les piques ont 5 à 6 mètres de longueur. Dans le corps de bataille, dont la profondeur est de vingt rangs, il y a six hallebardiers pour un piquier, et les piquiers sont aux ailes, à l’avant-garde et à l’arrière-garde ; tous les arbalétriers sont à l’avant-garde et engagent le combat ; les hallebardiers, protégés de tous côtés par les piquiers, livrent le combat principal. Comme les hoplites spartiates, ils peuvent mettre à profit l’ardeur et la vigueur des combattants.

Telle est la phalange des Suisses pendant leurs guerres d’indépendance. C’est avec cet armement et cette formation qu’ils repoussent la chevalerie allemande et bourguignonne ; mais, au début du seizième siècle, ils ont abandonné la hallebarde pour la pique, et c’est en lourdes masses impropres à toute manoeuvre qu’ils figurent dans les armées françaises en Italie.

Leurs succès ont fait imiter leur constitution et leur tactique : notre infanterie, qui se formait sous Louis XI en carrés de 500 hommes, piquiers au centre et archers à la périphérie, adopte sous Louis XII une disposition analogue a celle des Suisses : une bande de 1 000 hommes a 200 piquiers et 50 arbalétriers à l’avant-garde, 400 piquiers et 100 arbalétriers à la " bataille ", 200 piquiers et 50 arbalétriers à l’arrière-garde.

Au moment de combattre, l’avant-garde forme la droite, la bataille le centre, et l’arrière-garde la gauche. Les piquiers sont en bataillon carré dans chacune des trois parties, et les arbalétriers, au lieu de couvrir toutes les faces des carrés, sont postés aux angles par groupes de vingt-quatre (six files et quatre rangs). Une armée composée de plusieurs bandes formait de chacune un carré de piquiers, avec les arbalétriers aux angles.

Cependant, les succès des Suisses, des lansquenets et de l’infanterie organisée à leur image sont infiniment plus rares lorsque, au lieu de chevaliers chargeant en désordre, ils ont, affaire à des compagnies d’ordonnance régulières. A Ravenne (1512), la cavalerie se montre nettement la maîtresse du champ de bataille.

 

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La Grèce ancienne - Les armées romaines - Prépondérance de la cavalerie : le Moyen Âge - L’arme à feu : Arquebuses et mousquets - Apparition du fusil et de la baïonnette
Chapitre I - Chapitre II - Chapitre III - Chapitre IV - Chapitre V
Planche 1 - Planche 2 - Planche 3 - Planche 4 - Planche 5

IV - L'arme à feu - Arquebuses et mousquets

Nous n’avons pas mentionné jusqu’ici les armes à feu, canons on arquebuses, parce que leur efficacité ne dépassait pas encore sensiblement celle des anciennes armes de jet et exerçait peu d’influence sur les formes tactiques et sur le sort des batailles. L’apparition des armes à feu date proprement des dernières années du quinzième siècle, et c’est seulement dans les guerres d’Italie qu’elle produit des résultats considérables, qui vont révolutionner la tactique de l’infanterie.

A Marignan (1515), la victoire est due en partie au tir de l’artillerie, qui met dans les carrés suisses assez de désordre pour faciliter la charge de nos hommes d’armes ; mais les arquebusiers jouent un rôle très secondaire (09). L’influence des armes à feu est plus apparente à Pavie (1525). Là, notre artillerie suffit à mettre en désordre et à faire reculer l’infanterie et la cavalerie des Impériaux ; mais, comme nos hommes d’armes chargent à leur tour et que notre canon se tait, l’ennemi se ressaisit ; ses armes à feu entrent en jeu ; Pescaire engage contre nous 200 arquebusiers, puis 400 ; leurs balles défoncent les armures de nos cavaliers, qui faiblissent, et la cavalerie impériale profite enfin de l’instant favorable pour charger et enlever la victoire.

Cette date est l’une des plus importantes dans l’histoire de la tactique : nous venons de voir, pendant des siècles, quelles difficultés rencontrait l’offensive contre les phalanges armées de piques, pour peu que les flancs de ces dernières fussent protégés ; désormais, grâce aux armes à feu, l’emploi combiné d’une batterie ou d’une troupe d’arquebusiers avec une troupe de choc permet d’enfoncer les bataillons de piquiers.

Cette transformation est tout en faveur de l’offensive ; elle se produit d’autant plus vite que l’arme de jet se multiplie en raison même de ses perfectionnements ; dans les troupes suisses, à la fin du quinzième siècle, on compte cinq piquiers ou hallebardiers pour un arbalétrier ; une centaine d’années plus tard, la proportion sera inversée. Dès le milieu du seizième siècle, il y aura environ deux mousquetaires ou arquebusiers pour un piquier.

Un autre résultat, secondaire à l’origine, mais qui ouvre la période moderne pour la tactique de l’infanterie, c’est que les gros carrés massifs font place à des bataillons allongés dans le sens du front. Désormais, chaque nouveau progrès de l’arme à feu produira un amincissement des bataillons : de vingt rangs, ils vont tomber en quelques années à dix, puis plus lentement à huit, six, cinq, quatre, trois et deux rangs, pour se réduire enfin à une simple ligne de tirailleurs.

Vers le milieu du seizième siècle, les piquiers se forment encore en gros " bataillons " de 2 000 hommes sur vingt ou vingt-quatre de profondeur ; les arquebusiers fournissent 500 " enfants perdus ", par groupes de vingt, en avant du front, et deux " manches  " de 200, sur cinq rangs, aux ailes du bataillon. Il reste une petite réserve d’arquebusiers, disponible pour des missions plus actives.

Pendant les guerres de religion, la composition et la tactique de l’infanterie se transforment rapidement. Les bataillons n’ont plus que douze, dix et même parfois quatre rangs de profondeur, comme c’est le cas en 1567 à l’armée de Condé. Le nombre des piquiers devient très inférieur à celui des arquebusiers, qui n’hésitent pas à combattre seuls, comme en 1568 à Jasménil. Deux tactiques sont en présence : dans l’armée royale, les arquebusiers s’éparpillent en tirailleurs et combattent ainsi avec succès un régiment d’arquebusiers protestants en ordre serré.

Dans les dernières années du siècle, les bataillons de piquiers, de plus en plus légers (quarante à cinquante files sur dix rangs) ne participent guère aux attaques : la cavalerie décide presque toujours la victoire, préparée par le feu des arquebusiers. Au combat de Coutras, par exemple, les deux armées ont pris la même disposition : la cavalerie occupe le centre, avec un soutien d’environ 250 arquebusiers sur cinq rangs ; l’infanterie forme les deux ailes, arquebusiers en tirailleurs, piquiers à quelque distance, en seconde ligne. Du côté des protestants, où l’infanterie se tient sur la défensive, les arquebusiers garnissent des haies et des lisières de bois. Leur feu arrête l'attaque de l’infanterie royale, qui se replie en désordre, mais c’est la cavalerie qui décide la victoire. Celle des protestants, dont le succès est préparé par ses pelotons d’arquebusiers, chasse les cavaliers royalistes et, se rabattant sur les ailes, met fin au combat d’infanterie.

La préoccupation des généraux est alors de mettre en valeur l’infanterie, qui est l’élément le plus nombreux des armées, en combinant l’action des piques et des armes à feu. Le mousquet à mèche, qui se substitue à cette époque à l’arquebuse à rouet, a une portée extrême de 300 pas. Pour faire croiser les feux des mousquetaires à bonne distance en avant d’une troupe de piquiers, il faut restreindre le front de celle-ci. Maurice de Nassau répartit son infanterie en demi-régiments de 500 hommes, dont 250 piquiers sur dix rangs, flanqués à droite et à gauche par deux manches de 125 mousquetaires. Il groupe six de ses unités de la manière suivante : une première ligne formée de deux demi-régiments accolés, par conséquent 12 files de mousquetaires, 25 de piquiers, 25 de mousquetaires, 25 de piquiers et 12 de mousquetaires. A 100 mètres en arrière, deux demi-régiments sont placés en dehors du front des premiers et, enfin, à 200 mètres plus loin, une troisième ligne formée comme la première. Ainsi, soit en largeur, soit en profondeur, les diverses fractions sont à portée de se soutenir efficacement. On ne peut approcher des piquiers sans essuyer le feu des mousquetaires, ni charger ceux-ci sans s’exposer à la contre-attaque des piquiers.

Cet ordre profond et un peu compliqué est simplifié pendant la guerre de Trente ans. La " brigade " de Gustave-Adolphe, forte de 1 200 hommes, ne comprend que les deux premiers échelons de la formation précédente, et la distance est réduite à une quinzaine de pas, tandis que le front est presque doublé, la troupe étant sur six rangs (10). L’infanterie ainsi disposée lutte avec succès, à la bataille de Breitenfeld, contre les gros bataillons des Impériaux, mais sans obtenir d’avantage décisif. C’est encore la cavalerie, entremêlée de pelotons de mousquetaires, qui, grâce au feu de ces derniers, bat la cavalerie impériale et, se rabattant sur l’infanterie, décide enfin la victoire. A Lutzen, le rôle de l’infanterie suédoise est plus brillant. Les Impériaux avaient posté leurs mousquetaires le long d’un fossé, assez loin en avant de leurs piquiers, toujours formés en masses compactes ; la ligne mixte des petits bataillons suédois charge d’abord les mousquetaires ennemis, dont elle a facilement raison, et, se portant ensuite sur les carrés de piquiers, elle parvient à les enfoncer, grâce aux brèches ouvertes par le feu. Un renfort amené à l’infanterie impériale fait reculer les Suédois à leur tour, mais ils ont enfin l’avantage dans une troisième et dernière charge.

Dans cette bataille, la formation mixte l’emporte sur des troupes séparées de mousquetaires et de piquiers. Les généraux français, disciples de Gustave-Adolphe, suivent cette méthode en la simplifiant, mais le succès n’en est pas toujours le même. L’infanterie espagnole est trop solide pour que ses carrés soient enfoncés comme ceux des Impériaux : à Rocroi, le combat d’infanterie reste indécis et, c’est encore la cavalerie qui, comme à Breitenfeld, comme dans les batailles du seizième siècle, décide la victoire en chargeant et mettant en fuite les escadrons ennemis, pour se rabattre enfin sur les carrés d’infanterie et achever la bataille en les éventrant.

Vers cette époque, on abandonne l’usage d’entremêler des pelotons de mousquetaires avec la cavalerie, qui, dégagée en partie de ses pesantes armures, prélude à la charge par une salve de coups de pistolet.

Après cette longue période de guerres, les troupes deviennent plus souples, plus mobiles ; les généraux, et Turenne surtout, les manient avec plus d’art, apportent dans leurs dispositions une très grande variété. Les batailles de 1674 et 1675 sont très remarquables à cet égard.

L’habitude est prise de prélever sur les régiments des piquets de 50 hommes, origine des futurs tirailleurs de bataillon, qui sont détachés en avant de l’armée, soit isolément, soit plutôt en troupes de quelques centaines d’hommes, pour remplir des missions spéciales, s’établir en des points importants et préparer par leur feu l’action du gros. Les régiments de dragons, qui combattent surtout à pied, jouent le plus souvent le rôle des tirailleurs en grandes bandes.

A Sinzheim, la force des deux armées consiste surtout en cavalerie, et les ennemis nous sont très supérieurs dans cette armé ; mais Turenne, ayant plus d’infanterie qu’eux, en profite pour se donner l’avantage. Il fait déloger les 1 200 fantassins ennemis qui occupent Sinzheim par ses 400 dragons et 1 500 hommes de divers régiments ; ces tirailleurs sont soutenus par tous les piquets et par les grenadiers de La Ferté. Une fois maître de la ville, il faut assurer le débouché de la cavalerie sur le plateau, opération délicate qui ne peut se faire que par un défilé très étroit. Nos dragons et les détachements d’infanterie s’établissent dans des vignes, derrière des haies et dans une abbaye. Le reste de l’infanterie est placé en divers postes, ou en corps, ou par détachements, selon la disposition du terrain, pour favoriser la cavalerie, lorsqu’elle viendra se mettre en bataille, et la soutenir lorsqu’elle sera chargée. Les grenadiers de La Ferté et les dragons se sont avancés au milieu du champ, couverts seulement. D’un petit rideau à portée des ennemis, avec lesquels ils escarmouchent de temps en temps. Turenne, voulant commencer à remplir le champ de bataille, y déploie ses trois régiments d’infanterie ; la cavalerie débouche et charge. La cavalerie des Impériaux a d’abord l’avantage, mais le feu de nos tirailleurs l’arrête ; après trois charges exécutées dans les mêmes conditions, les ennemis, décimés, se retirent en désordre ; nos cavaliers prennent l’offensive à leur tour et restent victorieux.

A Enzheim, Turenne envoie deux régiments de dragons, pied à terre, disputer à l’infanterie ennemie un bois qui devait fournir à l’une ou l’autre armée un bon point d’appui ; ces dragons sont successivement soutenus par plusieurs bataillons, et la lutte se prolonge, mais les nôtres ne peuvent profiter de leurs avantages. Se voyant menacés sur les flancs par la cavalerie ennemie, Turenne fait donc charger près de la lisière une partie de ses escadrons. Après une charge heureuse, ceux-ci ne peuvent se maintenir dans la plaine, où le feu de l’ennemi leur inflige des pertes trop sérieuses, et ils se rangent contre la lisière même du bois.

Quand nous sommes définitivement maîtres du bois, notre infanterie peut avancer " jusqu’au premier rideau, mais là il faut s’arrêter, et nous ne pouvons déloger les Impériaux du village ; il fallait, pour les y forcer, attaquer trois élévations de terre en forme de glacis (11). " Cette dernière expression prouve l’importance acquise parle feu de l’infanterie.

Au combat de Turckheim, Turenne poste d’abord les premières troupes de la brigade de Champagne dans des vignes à droite et à gauche de la ville ; son aile droite, au contraire, est déployée dans la plaine. Comme les ennemis avaient occupé un moulin près de la ville avec 200 hommes, Turenne en envoya 300 pour le reprendre et les fit soutenir par deux bataillons. Après la prise du moulin, " ces corps ne combattaient néanmoins qu’avec désavantage. Les ennemis étaient supérieurs en nombre, postés dans un terrain uni avec leur canon, au lieu que les nôtres étaient dans des vignes embarrassées d’échalas et de grosses perches, sans pouvoir se servir de leurs armes qu’avec peine (12). " Aussi le lieutenant général Foucault les fit-il descendre plus bas dans un pré, le long du ruisseau, qu’il leur fit border, et ainsi l’avantage devint égal pour le terrain. Pour en finir, Turenne fit avancer le reste de son infanterie et, faisant un plus grand front que les ennemis, les fit charger par les flancs, ce qui les décida à la retraite. Par malheur, la cavalerie n’étant pas encore arrivée, le succès ne put être décisif.

Il résulte de tous ces exemples que, vers le milieu du dix-septième siècle, l’arme à feu n’est pas encore assez puissante pour ôter à la cavalerie le rôle décisif, et ce n’est pas surprenant si l’on réfléchit qu’un mousquetaire peut tirer tout au plus sept fois dans une bataille, et que le maniement du mousquet est si compliqué que le soldat est embarrassé pour s’en servir dans des vignes. Néanmoins, des bataillons ou des piquets de mousquetaires font un feu assez efficace pour arrêter toute charge de cavalerie tentée contre eux ou contre les troupes voisines, et pour que le succès soit à peu près impossible à qui ne s’est assuré l’avantage dans le combat par le feu. C’est là la différence caractéristique avec ce qui se passait au siècle précédent, où la mousqueterie infligeait à l’ennemi des pertes sensibles, procurait parfois des succès partiels, mais n’avait qu’une influence secondaire sur l’issue de la bataille. Ce progrès est dû à l’allégement et au perfectionnement du mousquet.

 

Sommaire
La Grèce ancienne - Les armées romaines - Prépondérance de la cavalerie : le Moyen Âge - L’arme à feu : Arquebuses et mousquets - Apparition du fusil et de la baïonnette
Chapitre I - Chapitre II - Chapitre III - Chapitre IV - Chapitre V
Planche 1 - Planche 2 - Planche 3 - Planche 4 - Planche 5

V - Apparition du fusil et de la baïonnette

C’est dans les années qui suivent la paix de Nimègue que le combat par le feu devient la partie la plus considérable de la bataille (13). Le mousquet fait place au fusil à pierre, très lentement dans notre armée, plus brusquement en Allemagne, où le fusil est adopté dès 1689. Les inconvénients de la mèche disparaissent, la vitesse du tir est considérablement accrue ; la consommation de munitions est telle qu’il faut en régler le ravitaillement sur le champ de bataille. Enfin, la baïonnette à douille fait son apparition à partir de 1689, ce qui détermine la suppression prochaine des piquiers.

Leur nombre diminue rapidement : il n’y en a plus, d’après les textes officiels, qu’une centaine par bataillon ; dans la pratique, ils ont à peu près disparu, car ils sont devenus inutiles. Que pourraient faire, comme troupes de choc ou réserves, de petits corps de quinze à vingt files de piquiers sur quatre rangs ? Les soldats jettent leurs piques pour ramasser une arme à feu.

L’efficacité de la mousqueterie a produit, à cette époque de guerres incessantes, une impression si vive qu’elle détermine toutes les dispositions tactiques prises sur les champs de bataille. La lutte à l’arme blanche a paru si peu importante que les troupes sont rangées exclusivement en vue du combat par le feu. La profondeur des formations est réglée de manière à ne pas avoir d’interruption prolongée dans le tir : on s’arrête en principe à cinq rangs ; et, quand la force des bataillons a diminué au cours d’une campagne, on laisse tomber la profondeur à quatre rangs plutôt que de restreindre le front. L’infanterie remplissant désormais la plus grande partie du champ de bataille, on abandonne l’usage de ces petits détachements que Turenne dispersait en tirailleurs pour maîtriser la zone d’action de la cavalerie. A Fleurus, Luxembourg encadre la grande masse de cavalerie avec laquelle il exécute son mouvement tournant, en postant deux bataillons sur chacun des flancs et deux au centre. Sur tout le reste du front, l’on s’efforce d’avoir le feu nourri que donne une ligne d’infanterie continue.

De là, ces déploiements linéaires qui vont devenir caractéristiques des ordres de bataille pendant plus d’un siècle, et qui entraînent des conséquences si importantes au point de vue de la conduite des armées. Les troupes sont peu manoeuvrières, et c’est une opération très longue de les ranger sur le champ de bataille. Les grandes distances entre les rangs et les files, prises pour faciliter le maniement du mousquet, ne permettent pas d’évolutions précises, et il faudra un demi-siècle pour renoncer à des errements qui n’ont plus leur raison d’être dès que le fusil remplace le mousquet. Jusque-là, les troupes seront plus lourdes, moins manoeuvrières peut-être que les légions romaines.

Le bataillon est formé sur six rangs au début d’une campagne, puis sur cinq ou sur quatre (14), avec une distance de quatre pas entre les rangs, ce qui donne une profondeur totale de vingt pas. Si l’on veut rompre à droite ou à gauche par demi-manche de vingt files, chaque élément a ainsi une profondeur égale à son front, et l’on obtient une colonne continue. Si l’on rompt par manche de quarante files, il reste entre les deux manches une distance de vingt pas ; mais si l’on veut former une colonne par quart de manche (10 hommes de front), la profondeur de chaque élément étant double de son front, l’on ne peut rompre par conversion ; il faut porter le premier quart de manche en avant et faire déboîter chacun des autres à son tour. Il en résulte, certes, peu de complication pour la rupture, mais il n’en est plus de même lorsqu’on en vient à déployer la colonne. Il est presque impossible de garder pendant la marche des distances aussi difficiles à observer et, même pour les colonnes par manche ou demi-manche, la conversion à gauche ou à droite de chaque élément ne constitue pas du premier coup le bataillon en ligne. Le déploiement d’une colonne de plusieurs bataillons exige un long alignement. Quant à déployer une colonne par quart de manche, où les têtes des éléments se succèdent à vingt pas, alors que leur front est de dix pas, c’est une opération longue et peu exécutable sur le champ de bataille.

Les marches sont lentes et difficiles, car toute conversion se fait à pivot fixe, et chaque élément doit s’arrêter en attendant que le précédent ait conversé.

Il ne peut être question, naturellement, de ploiements ou déploiements d’une troupe sur une de ses subdivisions, face en tête.

Pour marcher en colonne par fraction de vingt files au moins, il faut éviter les chemins et passer à travers champs suivant des itinéraires étudiés d’avance. De là une grande lenteur dans les mouvements d’armée. La durée nécessaire aux déploiements, et plus encore, à une modification quelconque d’un ordre de bataille, rend très difficile d’imposer la bataille à l’ennemi. Pour toutes ces causes, les guerres sont lentes et la stratégie prend un caractère formaliste qu’elle conservera pendant un siècle encore.

L’infanterie se forme, pour combattre, en longues lignes de plus en plus minces. Elle tire sur l’infanterie ennemie jusqu’à ce que les pertes subies, ou un événement quelconque, produit sur les flancs, ébranlent l’un des adversaires.

Pour charger, la distance entre les rangs est réduite à deux pas (instructions de Catinat en 1690 [15]).

Alors on se porte en avant, et à pas lents, très doucement, on charge. La grande préoccupation est de ne pas rester privé de feu au moment d’en venir au contact, car l’expérience des dernières guerres a pénétré tous les esprits de cette conviction que, jusqu’au corps-à-corps, le feu seul est vraiment redoutable. Les généraux sont unanimement d’avis qu’une troupe marchant à l’ennemi doit réserver son feu. " L’on préparera les soldats à ne pas tirer et qu’il faut essuyer le feu de l’ennemi, dit Catinat, attendu qu’un ennemi qui a tiré est assurément battu quand on aura son feu entier. Il est bon d’insinuer cela dans l’esprit des soldats et des sergents, afin qu’ils s’en entretiennent ; cela fait que dans les occasions ils y sont préparés sans embarras. Cet ordre n’est que pour les batailles, y ayant d’autres occasions où il faut tâcher de tirer plus que l’ennemi. " Ce principe restera en honneur jusqu’au dix-neuvième siècle, mais, faute de préciser la distance à laquelle on peut tirer et se précipiter sur l’ennemi, on s’exposera à de cruels mécomptes. L’instinct du soldat s’est d’ailleurs souvent montré opposé à cette pratique, et les troupes mêmes de Catinat ont tiré avant d'essuyer le feu de l’ennemi, à La Marsaille.

Il y a trois genres de feux : le feu par rang, le feu par files et le feu par division. Le feu par rang s’exécute de pied ferme, en marchant en avant ou en retraite. Dans le feu de pied ferme, le premier rang se porte trois pas en avant, tire, puis, faisant demi-tour, passe entre les files des autres rangs et recharge ses armes. Chacun des rangs, successivement, en fait autant. La manoeuvre est à peu près la même pendant la marche en avant ou en retraite, et les mouvements successifs des divers rangs qui se traversent causent du désordre. On avait essayé de faire tirer toute une manche à la fois, en faisant mettre les premiers rangs à genou ; on y avait renoncé à cause de la longueur de la charge, pendant laquelle le bataillon restait dégarni de feux.

Le feu par files ne peut s’exécuter que de pied ferme. Il est exécuté par groupes de deux files, qui se portent à six pas en avant du front, se déploient sur un rang, tirent, et reprennent leur place.

Le feu par division s’exécute par division de quatre ou de six files ; on en fait sortir une, deux ou trois à la fois, et elles se déploient sur deux ou trois rangs. Ce feu est employé surtout quand le front du bataillon est couvert par un obstacle, haie, ruisseau ou retranchement.

La guerre de la ligue d’Augsbourg est la dernière où l’infanterie soit armée de mousquets. Les Allemands avaient adopté le fusil depuis 1689, et à la bataille de Steinkerque, en 1694, notre infanterie souffrit beaucoup du feu plus rapide de l’ennemi ; elle ne put y échapper qu’en chargeant, l’épée à la main. Aussi une ordonnance du 15 décembre 1699 prescrit-elle l’adoption définitive du fusil avec baïonnette à douille en remplacement du mousquet.

La vitesse du tir est, en 1700, d’environ un coup par minute; elle augmentera dans d’assez grandes proportions ; mais le fusil de 1699 ne subira plus que des modifications de détail jusqu’au milieu du dix-neuvième siècle. Ce qui suit n’est que l’histoire des progrès successifs accomplis dans l’ordre tactique pour arriver au meilleur emploi de ce fusil et de l’artillerie lisse.

Sommaire
La Grèce ancienne - Les armées romaines - Prépondérance de la cavalerie : le Moyen Âge - L’arme à feu : Arquebuses et mousquets - Apparition du fusil et de la baïonnette
Chapitre I - Chapitre II - Chapitre III - Chapitre IV - Chapitre V
Planche 1 - Planche 2 - Planche 3 - Planche 4 - Planche 5

 

Note 01 : Etudes sur le combat, 2° édition, page 2.

Note 02 : Voir pour l’histoire de la tactique en Grèce les ouvrages suivants :
   
Handbuch der klassischen Altertumswissenschaft, herausg. von J. v. Müller. A. Die griechischen Altertümer. 3. Die Kriegsaltertümer, von Dr A. Bauer, 2° édition, Munich, 1893 ;
   Hermann's Lehrbuch der Griechischen Antiquitäten. IIer Band ; 2. Abteilung. Die griechischen Kriegsaltertümer, von Dr H. Droysen. Fribourg-en-Brisgau, 1888 ;
   Legion und Phalanx, taktische Untersuchungen, von R. Schneider. Berlin, 1893 ;
   Geschichte der Kriegskunst im Rahmen der politischen Geschichte, von H. Delbrück. Berlin, 1900-1902 ;
   Geschichte der Infanterie, von W. Rüstow. Gotha, 1857 ;
   Précis de l’histoire militaire de l’antiquité, par B. Renard. Paris, 1875 ;
   Handbuch einer Geschichte des Kriegswesens von der Urzeit bis zur Renaissance, von Max Jæhns. Leipzig. 1880 ;
   Geschichte der Kriegswissenschaften, vornehmlich in Deutschland, von Max Jæhns. Munich et Leipzig, 1890 ;
   Histoire de l’art de la guerre, par E. de la Barre-Duparcq. Paris 1860 ;
   Œuvres de Thucydide, Xénophon, Diodore, Polybe :
   Antike Schlachtfelder in Griechenland, von .J. Kromayer. Berlin, 1903.

Note 03 : Diodore de Sicile, LXV, 85 à 87.

Note 04 : Guerriers armés de lances et de javelots, mais moins lourdement équipés que les hoplites. Les akontistes sont une infanterie légère du même genre.

Note 05 : Page 96.

Note 06 : Pour l’histoire de la tactique romaine, voir entre autres :
   Schneider, Delbrück, Rüstow, Renard, Jæhns, ouvrages cités.
   Triarer und Leichtbewaffnete, von H. Delbrück, dans le Historische Zeitschrift de Sybel. Vol. LX. Munich et Leipzig, 1888 ;
   Manuel des antiquités romaines, par Mommsen et Marquardt, t. XI: De l’organisation militaire chez les Romains, par Marquardt, trad. Brissaud. Paris, 1891 ;
   Das Krieqswesen Caesars, von F. Fröhlich. Zurich, 1891 ;
   L’Armée romaine au temps de César, par Kraner, trad. Baldy et Larroumet. Paris, 1884.

Note 07 : Page 139.

Note 08 : Voir pour cette partie, outre les ouvrages déjà cités de Rüstow, Jæhns, Delbrück
   A history of the Art of War : the Middle ages from the fourth to the fourteenth century, by Ch. Oman. London, 1905 2e édition ;
   Origines de la tactique française, par E. HARDY. 1881 ;
   Delbrück. Geschichte der Kriegskunst im Rahmen der politischen Geschichte ; 3e Teil : " Das Mitelalter ". Berlin, 1907.

Note 09 : Voir pour cette partie, outre Rüstow, Jæhns, Hardy :
   Histoire de l’infanterie en France, par le colonel Belhomme. Paris, s. d. ;
   Vorlesungen über die Taktik
, von Griesheim. 3. Auflage. Berlin, 1872 ;
   Manuel historique de la technologie des armes à feu, par M. Meyer, trad. Rieffel. Paris, 1837 ;
   Histoire de Gustave-Adolphe, roi de Suède
, par D. M. Amsterdam, 1764 ;
   Essai historique sur l’art de la guerre pendant la guerre de Trente ans
, par J. Mauvillon. Cassel, 1784 ;
   Histoire du vicomte de Turenne
, par Ramsay. Paris, 1735 ;
   Mémoires des deux dernières campagnes de M. de Turenne
, par Deschamps. Paris, 1678 ;
   Histoire des princes de Condé
, par le duc d’Aumale. Paris, 1896 ;
   Batailles françaises
, par le général Hardy de Perini. Paris, s. d. ;
   Pratique et Maximes de la guerre
, par le chevalier de la Vallière, 1675 ;
   Les Fonctions de tous les officiers de l'infanterie
, par M. de Lamont. Paris, 1675

Note 10 : Montecuculli donne très clairement, dans ses Mémoires, la raison des dispositifs adoptés dans le milieu du dix-septième siècle :
"  La mousqueterie seule, sans piquiers, ne peut pas faire un corps capable de soutenir de pied ferme l’impétuosité de la cavalerie qui l’enveloppe, ni le choc et la rencontre de piquiers... La mousqueterie ne doit pas être rangée sur un trop grand front, comme de 70, 80 ou 100 hommes, parce que, s’il arrivait qu’elle fût chargée parla cavalerie ennemie, ou choquée par les piquiers et obligée de plier, elle laisserait un grand vide par où l’ennemi pourrait entrer, prendre en flanc les autres corps et les rompre. Pour éviter cet inconvénient, on ne doit pas étendre les 500 mousquetaires des ailes sur un seul front...
" La mousqueterie se range à 6 de hauteur, parce qu’ils peuvent se régler de manière que le premier rang ait rechargé quand le dernier aura tiré, et qu’il recommence aussitôt à tirer, afin que l’ennemi ait un feu continuel à essuyer. "
Montecuculli place les hommes à rangs ouverts, pour qu’ils puissent faire l’exercice sans s’embarrasser l’un l’autre avec leurs armes, ou à distance serrée, où ils ont juste la liberté des bras pour agir. Cet ordre est naturellement impossible à adopter pour les mousquetaires, entre lesquels subsistent des intervalles de 4 ou 5 pieds.

Note 11 : Deschamps, page 96.

Note 12 : Idem, page 166.

Note 13 : Voir pour cette période :
   Journal des marches, campements, batailles, etc. depuis 1690 jusqu’à présent, par Vaultier. Paris, 1695 ;
   Histoire militaire du règne de Louis le Grand, par Quincy. Paris, 1726 ;
   Histoire militaire des Flandres, par Beaurain. Paris, 1784 ;
   Mémoires de Feuquières. Londres, 1737 ;
   Puységur. - Art de la guerre. Paris, 1749.

Note 14 : La profondeur est réduite officiellement à cinq rangs par une ordonnance de 1693, ce qui donne à penser qu’elle l’était pratiquement dans les années précédentes.

Note 15 : Belhomme, t. II, p. 307.