Retour - Introduction - Ordres - Récit - Ordre de bataille

 

Je partit de mon camp sous Wesel le cinq à 6 heures. J’avais projeté de partir le 4 au soir pour attaquer à la pointe du jour ; mais n’ayant pu passer la Lippe qu’à la nuit à cause de sa prodigieuse largeur qui égalait celle du Rhin et ayant à incorporer les milices dans les corps, je ne fus en pleine marche que vers les sept heures du matin : j’arrivai à 10 au village de Diersfordt où j’appris par le retour des espions que les ennemis, qui avoient levé leur camp de Mehr pour se rapprocher de Rees, avaient marché de Rees sur les hauteurs du village de Mehr dont ils occupaient les haies et derrière lequel ils avoient deux redoutes. Je vis en effet des hauteurs en avant de Diersfordt, leur colonne se former, et fis en conséquence mes dispositions d’attaque.

Mon projet était comme on a pu le voir de me faire précéder à Rees par M. de Chavigny tandis que j’occuperais l’ennemi à Mehr ; mais la crainte bien fondé d’aventurer les troupes et de les engager dans un combat inégal me décida à marcher immédiatement à la suite de son détachement ; dès que je fus assuré des dispositions de l’ennemi, je le fis entrer dans les enclos du village de Mehr par le chemin de Rees.

M. de Chavigny eut ordre de débusquer l’ennemi d’une maison isolée et d’un poste baraqué de 2 à 300 hommes et qui était à l’entrée du village ; pendant l’opération, j’ordonnai à la brigade de Brancas de se mettre en bataille, appuyant sa gauche autant qu’il serait possible au débouché de Mehr, et à celle de Reding de se former en appuyant sa droite au même débouché, l’ennemi ayant abandonné la maison et le poste de l’entrée du village et M. de Chavigny s’étant posté à environ 300 pas au-delà.

J’envoyais ordre à la brigade de Brancas de pénétrer devant elle pour envelopper l’aile gauche de l’ennemi, et une cense en avant de son centre d’où partait un feu très vif de mousqueterie et de canon ; cette brigade trouva des obstacles qui l’obligèrent de déboucher par sa gauche, partie à travers une langue de bois taillis qui longeait la droite du chemin pendant environ 500 pas, partie par des haies fourrées dépendantes de la 1ère maison abandonnée.

Les bataillons de Périgord, Royal Lorraine et Foix arrivèrent les premiers dans le chemin, et se portèrent entre la gauche du corps de M. de Chavigny qui était en avant, et à la droite de la brigade de Reding.

Les trois compagnies de grenadiers de ces bataillons marchèrent en avant de la droite de M. de Chavigny, en côtoyant le bois pour contenir une troupe d’ennemis qui était ventre à terre dans cette partie.

Pendant cette disposition j’avais fait revenir le régiment du Roy Dragons qui était à la droite derrière le village. J’avais aussi envoyé ordre au régiment de Brancas, qui commençait à déboucher, de se resserrer par sa gauche sur ce que les ennemis paraissaient se renforcer sur la notre : ce fut dans l’instant que tout le régiment de Brancas exécutait cet ordre, qu’il se reformait, et que j’allais en faire usage pour soutenir mon centre, que j’aperçu quelques uns des miliciens aux ordres de M. de Chavigny qui se retiraient un à un sur les derrières.

Comme je m’occupais des moyens de remédier à ce premier désordre, j’entend commencer l’attaque de la gauche : elle fut très vive de la part de l’ennemi ; nos troupes y répondaient mollement, et immédiatement après leur première décharge qui fut faite malgré les ordres et beaucoup trop haut, je vis la brigade de ma gauche lâcher le pied et se replier dans la plaine avec assez de désordre.

M. de Voyer vint à bout de les rallier environ à 200 pas, mais comme les ennemis s’emparaient des haies qu’elles avaient abandonnées, et que l’on faisait sur les fuyards un feu assez vif, il ne fut pas possible de reporter cette brigade jusqu’à son premier poste et au lieu de marcher la baïonnette au bout du fusil, comme l’ordre en avait été donné, on se contenta d’essuyer et de faire une nouvelle décharge qui fut suivie d’un nouveau mouvement rétrograde plus précipité et plus indécent.

M. de Voyer crut y remédier en portant un drapeau de la brigade dans le camp des ennemis mais cela ne produisait qu’une nouvelle répétition de ce qui venait d’arriver, et il n’y eut qu’une trentaine de braves gens qui se sacrifièrent pour rapporter le drapeau.

Le détachement de M. de Chavigny, que la fuite des miliciens avait considérablement diminué, ayant en même temps été repoussé par des forces supérieures et cet officier ayant reçu une blessure dangereuse, ce qui restait commença à faire par la trouée du village une retraite inégale, les grenadiers s’étant conduits avec bravoure jusqu’à la fin de l’action.

Cependant la brigade de Brancas qui n’avait plus de point d’appui ne tarda pas à suivre le mauvais exemple de la gauche et du centre et la supériorité du feu des ennemis contre lequel M. de Jence fit des efforts réitérés pour la ranimer, l’obligea à se replier partie par la trouée à la droite du village, partie par la gauche du village vers laquelle 2 bataillons s’étaient prolongés pour se joindre à la droite de la brigade de Reding.

Ce fut là l’époque où je portai le régiment du Roy Dragons dans la petite plaine derrière le village de Mehr et où par sa bonne contenance ils arrêtèrent les ennemis qui se présentèrent sur différent points pour déboucher.

Cela donna le temps à toute l’infanterie de regagner les hauteurs qui sont dans la bruyère du village de Diersfordt à un quart lieue de celui de Mehr.

On établit sur ces hauteurs 2 pièces de canon qui tirèrent quelque temps sur les différentes têtes que présentèrent les ennemis au delà des haies de Mehr.

Si les ennemis ne s’étaient pas emparés de dix de nos pièces, dont les paysans qui les conduisaient s’étaient enfuis à la première décharge, et dont presque tous les chevaux avaient été tués, peut-être qu’en établissant tout notre canon sur ces hauteurs, il eut été possible de rentamer un nouveau combat, mais l’inégalité du poste, et la supériorité de leur artillerie, jointe au peu d’espérance de réussir dans une seconde attaque, me décida à ordonner la retraite qui s’est faite depuis le village de Diersfordt, où l’on fit halte pendant une heure pour attendre les traîneurs et l’hôpital ambulant que l’on a ramené à Wesel avec près de deux cens blessés.

Nous avons eu environ 200 hommes tués sur le champ de bataille, et peut-être cent prisonniers : notre perte monte au total à cinq cens dix sept tués, blessés où pris.

Si les ordres et le bon exemple qu’ont donné MM. le Chevalier de la Marck, d’Hamilton, marquis de Molac, Chavigny, Castella, Lerat, de Courten, Bonnevan, d’Andermy et Boisclaireau ainsi que toutes les compagnies de grenadiers qui se sont distinguées, avaient été suivis, la victoire nous eut été bien assurée.

 

Retour - Introduction - Ordres - Récit - Ordre de bataille