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Source :
SHAT - Archives du génie, article 15, section 1, paragraphe 4, carton 2, pièce 8.

 

Relation de la bataille de Raucoux, donnée le 11 octobre 1746

par Duliens.

 

M. le Maréchal fit passer le Jaar à toute l'armée le 10 de ce mois sur 10 colonnes, et la fit camper sur 2 lignes entre les chaussées qui aboutissent à Liège, venant de St Tron et de Tongres, la droite appuyée au village d’Hognoul et la gauche à celui de Paire, ayant celui de Schendermal dans le centre.

Les brigades de Seedorf et de Wittmer campèrent, la 1ère sur notre flanc droit et la seconde sur notre flanc gauche.

La réserve, composée de la Maison du Roi avec le régiment d'Alsace, celui des Cantabres et les Volontaire de Saxe campèrent en troisième ligne et M. de Contades, avec un corps de 31 bataillons et de 16 escadrons, campèrent en 4e ligne. M. le Comte de Clermont, avec un corps de 16 bataillons et de 32 escadrons, appuya sa gauche au village d’Hognoul, où était notre droite, et sa droite au village de Houasham. M. le comte d’Estrées, avec un corps de 18 bataillons et de 56 escadrons, appuya sa gauche à la droite de M. le comte de Clermont et porta sa droite vers les bois de Viersay.

M. de Clermont Gallerande, avec un corps de 14 bataillons et 36 escadrons, sa droite appuyée à la brigade de Wittmer, parallèlement au ravin qui abouti à Vilers St Simon, et M. de Mortagne, avec le corps des Volontaires Royaux et la brigade de la Couronne se campa à la gauche de M. de Clermont Gallerande

Toute l'armée ainsi campée eut ordre de se mettre en marche le 11 au point du jour, le corps de bataille marchant sur 10 colonnes, savoir celle de la droite composée de la brigade de Seedorf et du régiment de Baussobre, les ailes droites des 1ère et 2e lignes formaient les 2e et 3e colonnes, les 2 lignes d'infanterie formèrent les 4 du centre, les ailes gauche furent pour les 8e et 9e colonnes et la brigade de Wittmer forma la 10e et la dernière. La 3e, composée de la Maison du Roi, suivait les quatre colonnes du centre de notre marche, et le corps de M. de Contades, qui fermait la 4e ligne, suivait les 6e 7e 8e et 9e colonnes.

Les deux chaussées de Tongres et de St Tron furent destinées pour ce qui restait à nos deux parcs d'artillerie, car chaque colonne d'infanterie et chaque corps détaché avait une brigade de canon à sa tête.

Les corps détachés et campés sur nos flanc marchèrent dans le même ordre où ils étaient campés ; ceux de la droite aux ordres de M. le comte de Clermont et de M. d'Estrées furent destinés à attaquer la gauche des ennemis, et celui de M. de Clermont Gallerande fut destiné à attaquer leur droite.

Toute l'armée se mit en marche dans l'ordre ci-dessus à 7 heures du matin, et les têtes de toutes les colonnes furent, vers midi, à la même hauteur à un quart de lieue des ennemis et à la porté du canon.

L'armée des ennemis était en bataille, savoir :

Leur droite à hauteur et en arrière de Feache et Sling, la gauche au faubourg de St Valburge, l'un des faubourg de Liège, et en potence jusqu'au village d'Ance, le débordant un peut ; elle occupait une hauteur qui régnait depuis Houtain jusqu'à Liège, à la vérité fort étroite dans des endroits vis-à-vis le village de Milmont, qui pourrait être son centre. Les ennemis avaient dans le front de leur champ de bataille, sur la même ligne, 4 villages et une cense détachés : celui de la droite étroit Enick, la cense venait ensuite à 800 pas de Raucoux ; ces trois derniers étaient pour ainsi dire liés ensemble par des haies vives ; à 1000 pas de Raucoux était un ravin qui séparait leur gauche d'avec leur corps de bataille, où ils avoient cependant des communications ; depuis ce ravin jusqu'au faubourg de Ste Valburge, il régnait une hauteur qui tombait en pente douces jusque vers le terrain que nous occupions, sur laquelle hauteur les ennemis avaient plusieurs redoutes et batteries.

M. le Maréchal ayant reconnu cette position, ordonna que M. le Prince de Clermont et M. d'Estrées attaqueraient la gauche des ennemis par le village d'Ance, que M. de Clermont Gallerande attaquerait le village de Liers et que M. d'Hérouville, qui menait une colonne d'infanterie de notre corps de bataille, attaquerait le village de Raucoux.

Les dispositions de toutes ces attaques furent très lentes ; M. de Clermont Gallerande fit représenter lui-même qu'il n'avait pas assez d'infanterie pour attaquer le village de Liers qui était farci de troupes et qui était soutenu d'ailleurs par une ligne d'infanterie dont la droite débordait ledit village.

Apres plusieurs représentations qui différèrent l'attaque, M. le Maréchal consentit que M. de Clermont Gallerande n'attaquerait pas Liers mais qu'il attaquerait, conjointement avec M. d'Hérouville, le village de Varoux, et que M. de Maubourg attaquerait celui de Raucoux qui était contigu ; dans cette entrefaite et vers les deux heures après midi, on entendit un feu considérable de mousqueterie sur notre droite, car l'artillerie tirait partout depuis longtemps et l'on vit que le feux des ennemis cédait au notre.

Dans ce moment, M. de Maubourg attaqua le village de Raucoux, M. d'Hérouville attaqua celui de Varoux et M de Clermont Gallerande se joignit à cette attaque. Ces deux villages furent emportés avec toute la valeur possible par nos troupes. Elles s'emparèrent du canon des ennemis, traversèrent le village très légèrement et furent se mettre en bataille dans les haies de l'autre coté du village pour le mieux disputer aux ennemis au cas qu'il voulussent le reprendre.

Dès que ces villages eurent été forcés, M. le Maréchal s'avança avec une colonne d'infanterie et une de cavalerie, passant entre l'intervalle qui était entre le village de Raucoux et le ravin qui séparait la gauche des ennemis ; ensuite, montant sur la hauteur où ils avaient abandonné leurs redoutes et leurs batteries, il y joignit les troupes légères de M. le comte d'Estrées qui poursuivaient une petite partie de la gauche des ennemis qui fuyait vers leur droite, car la plus grande partie s'était retirée très vite par les faubourg de Liège, pour aller passer un pont qu'ils avaient sur la Meuse au-dessous de la ville.

M. le Maréchal se contenta alors de faire suivre par nos troupes légères, la cavalerie des ennemis qui se retirait fort en désordre et fort vite, mais qui nous fit cependant faire, quand elle fut à hauteur de Milmont, ce village que nous crûmes gardé (et) garni d'infanterie, arrêta un peu nos troupes légères, alors l'on fit avancer beaucoup d'artillerie et après les premiers coup de canons, cette cavalerie s'enfuit.

Dans le même instant, l'on vit une petite colonne d'infanterie à 200 pas du village de Liers qui n'avait pas encore été attaqué.

Ce fut dans ce moment que l'infanterie du village attaqué par des Volontaires, et presque coupée, prit le parti de se retirer ; elle fut pendant un moment incertaine du parti qu'elle prendrait, mais voyant qu'elle n'était harcelée que par 200 Volontaires qui étaient entrés dans Liers quand elle en était sortie, elle prit le partie de se former en bataillon carré, et de se retirer dans cette ordre le long des villages d'Enick et de Feache.

Le jour qui commençait à finir quand cette cavalerie se forma auprès de Liers nous empêcha de la suivre et même de la prendre ; nous nous contentâmes donc de la canonner jusqu'à la nuit, à laquelle M. le Maréchal ordonna que l'armée se mit en bataille dans le vieux camp des ennemis qu'il venaient d'abandonner, dans l'ordre où les troupes s'y trouvait placées. Il est très sur que si la nuit ne fut arrivée que 2 heures plus tard nous aurions pris ou tué 20 mille hommes de plus.

La perte des ennemis peut être justement évaluée à 8000 hommes, dont 3000 prisonniers ; 50 à 60 pièces de canon, 12 drapeaux et un étendard, 4 obusiers et 12 pontons qui formaient le pont au-dessus de Liège où les Hollandais ont passé la Meuse

Il faut remarquer que les alliés seuls ont fait les frais de la bataille.

Mons de Vilaret doit envoyer aux premiers jours le plan de la bataille.

 

J'ai l'honneur d'être avec un très profond respect

Monsieur

Votre très humble
et très obéissant
serviteur

DULIENS

Fait au camp de Tongres ce 15 octobre 1746

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