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Le mouvement du 7. fut protégé par un gros détachement qui fe pofta au point du jour à Halle aux ordres de M. le Marquis de Bauffremont. Le Régiment de Lamorliere fut envoyé ce même jour à Gravenvezel, & les Volontaires de Saxe à Merxem avec quelques Compagnies de Grenadiers Royaux pour leur protection. En même tems que l'Armée fit fon mouvement, le corps de M. de Berchiny s'avança entre Santhoven & le Benard. S. A. S. M. le Comte de Clermont eût dès ce jour-là le commandement de ce corps-ci, auquel on joignit quatre Bataillons de la Brigade d'Eu, & auquel peu de jours après M. le Maréchal envoya quatre piéces de canon.

Le 6. les ennemis avoient fait marcher un détachement pour enlever le Régiment de Boffobre à Itéghem : mais bien loin de réuffir, ils s'étoient retirés précipitament, parce que M. le Maréchal, inftruit de leur deffein, avoit renforcé M. de Boffobre d'un détachement de Grenadiers & de deux-cens Graffins, avec ordre de marcher à eux.

Pour mettre le Régiment de Boffobre hors de toute infulte, l'on fit cantonner avec lui cens Graffins, & deux-cens Fufiliers.

Le 10 de Juin, le Roi partit pour Verfailles, M. le Maréchal de Saxe accompagna Sa Majefté, jufqu'à la Barriere, qui eft à la jonction des deux chauffées de Lier & de Malines : le Roi affura M. le Maréchal de Saxe qu'il feroit bientôt de retour. Sa Majefté alla coucher ce même jour à Malines. Elle fe rendit le 11. à. Bruxelles, le 12e. à Lille, le 13. à Roye, d'où elle arriva 14e. à Verfailles : l'on avoit difpofé pour la fureté de fa marche des efcortes, depuis Anvers jufqu'à Lille. Comme le Roi comptoit revenir dans peu, fon Guet eut ordre d'aller attendre fon retour à Deinfe, Harlebek & Courtray : fa Maifon domeftique fut envoyée à Gand.

M. le Maréchal de Saxe qui jugeoit fainement que l'arrivée des renforts des ennemis l'obligeroit dans peu de quitter le Baffin d'Anvers, fe hâtoit d'en confommer les fubfiftances. Cette précaution étoit d'autant plus néceffaire, qu'il étoit vraifemblable que l'ennemi feroit des efforts du côté de l'Efcaut, attendu qu'en fe rejettant du côté de la Meufe, il réuniffoit ainfi nos forces, & nous donnoit une fupériorité décidée.

Pour remplir plus promptement fon objet, M. le Maréchal envoya ordre à M. du Chayla de paffer la Nethe, pour venir camper à Contik. Son inftruction portoit qu'il mangeroit les bords des rives gauches de la Ruppel & de l'Efcaut, pendant que nous devions fourager le plus en avant que faire fe pourroit jufqu'aux Bruyeres : toutes les troupes avoient vécu jufqu'alors des magafins, ou des fourages qui s'étoient trouvés dans l'enceinte de leur camp.

Le 14. Juin, l'Armée fit le premier fourage général en regle : M. le Duc de Chaulnes, Maréchal de Camp de jour, en fut chargé.

La ligne de défenfe de ce fourage appuyoit la gauche à Braxhaten, où l'on mit deux-cens Carabiniers ; elle paffoit par S. Jopingor qui fut occupé par quatre-cens Fufiliers de la Morliere & par fept-cens chevaux de ce Régiment, ou de Saxe Volontaire : quatre-cens Maîtres mafquoient la plaine du Moulin d'Heydemeulle, ayant derriere eux fix-cens Grenadiers embufqués dans les brouffailles ; feize-cens Grenadiers ou Fufiliers gardoient la tête des bois d'Hoyendonck & Zoerzel : & fept-cens Dragons ou Huffarts protégeoient la droite & Velkelerzande. M. le Duc d'Harcourt qui commandoit tout ce corps de troupes, avoit été dès la veille reconnoître le terrein de leur emplacement ; il avoit fous fes ordres M. le Duc de Chaulnes & M. le Duc de Chevreufe : le premier chargé en même tems du détail de ce fourage, fe tint à portée du centre ; M. le Duc de Chevreufe étoit à la droite, vers les bois d'Hoyendonck. La chaîne du fourage de l'Armée fut formée par vingt compagnies de Grenadiers, & mille Fufiliers ; elle s'étendoit depuis Schilde jufqu'à Gravenvézel, d'où elle continuoit le long de la petite Schinne, jufqu'au pont de bois à hauteur de Vinéghem, au-deffous duquel elle fe fermoit.

Le corps de S. A. S. M. le Comte de Clermont fouragea en même tems que l'armée, dans la plaine de Puderbos, fans paffer le Benard.

M. le Maréchal de Saxe monta à cheval ce même jour à quatre heures du matin ; il fe rendit au moulin d'Heydemeulle, d'où il fit pouffer par fa garde d'Hullans quelques Huffarts qui paroiffoient dans la plaine. Il fit venir de Saint Jopingor les fept-cens Dragons ou Hullans qui y étoient : il avoit réfolu de les embufquer derriere des efpeces de dunes qui font dans cette plaine, & d'y attirer les Huffarts, par la fuite d'un petit détachement qu'il devoit pouffer en avant ; mais un Hullan qui déferta rompit fes mefures : tout paroiffant tranquille dans le fourage, Monfieur le Maréchal rentra chez lui. Il n'y avoit pas un quart-d'heure qu'il étoit parti, que deux détachemens de fes Dragons ou Hullans qu'il avoit envoyés du côté de Brecht, & qui étoient entrés dans ce Village, d'ailleurs fort étendu, fur l'affurance que leur avoit donné un payfan, qu il n y avoit point d'ennemis, y furent attaqués, & en partie tués ou pris par un corps nombreux d'Huffarts qui les y enveloppa, & qui de-là vint fondre fur les Dragons de la Morliere, & fur les Volontaires de Saxe, qui avoient marché pour les foutenir. Malgré le défordre qu'il y eut d'abord dans ces troupes, cette affaire n'eut point d'autre fuite, les ennemis s'étant retirés précipitamment. Nous y perdimes en tout quatre-vingt hommes tués, bleffés, ou prifonniers.

Les ennemis ayant appris le départ de M. le Comte d'Eftrées d'Herental, avoient pouffé un corps de troupes légeres tant d'infanterie que de cavalerie à Tongerlo : ce corps s'étoit rabattu fur Dieft pour y paffer le Demer, & aller vers les fources des Gettes ou de la Dille, fans doute pour y obferver nos mouvemens. M. d'Armentieres, qui depuis le départ de M. Dumuy commandoit dans Louvain, ayant été informé de la marche de ce détachement, fe donnoit tous les foins poffibles pour l'éclairer. Perfuadé qu'on ne peut avoir des nouvelles certaines des ennnemis que par le moyen des partis, il en avoit fans ceffe en campagne. Celui qu'il envoya le 13. au foir rencontra le 14. au matin les ennemis : le Commandant en donna avis à Monfieur d'Armentieres, qui y marcha fur le champ avec quatre compagnies de Grenadiers, quatre-cens Fufiliers, & deux-cens Chevaux. Il les atteignit au Village de Kerckem ; a fon approche, les ennemis occuperent le hayes de ce Village, mais M. d'Armentieres les fit attaquer de front, pendant qu'il faifoit tourner le Village pour les envelopper. Ils s'apperçurent de fon deffein, & fe retirerent precipitamemt fur Dieft, quoique fort fuperieurs à nous, laiffant fur la place beaucoup de morts, & une vingtaine de prifonniers : nous y eumes trente?deux hommes tant tués que bleffés, & entr'autres, fix Officiers bleffés légerement.

L'Armée fit le 22. Juin un fecond Fourage général dans l'enceinte de la grande & petite Schinne, fous la protection de treize cens Grenadiers, de douze cens Fufilliers & de quatre cens chevaux, le tout aux ordres de M. de Rofen Maréchal de Camp : outre ces Troupes, S. A. S. M. le Comte de Clermont avoit envoyé au Village d'Halle fur la droite du Fourage, cent hommes à pied, & cent cinquante Dragons ou Huffarts, avec ordre de fe communiquer par des patrouilles avec des détache mens du Regiment de la Morliere qui occupoient S. Jopingor ; ce Fourage fut tranquille. M. le Maréchal monta à cheval ce jour-là ; il fut fe promener jufqu'à Gravenvezel, longea la petite Schinne juf-(qu’à) Merxem, & revint chez lui par Anvers.

Les ennemis fouffroient du défaut de fubfiftances ; ainfi comme ils venoient d'être renforcés d'un corps de Troupes Hanovriennes, & que nous nous étions affoiblis il y avoit lieu de penfer qu'ils ne tarderoient pas à faite un mouvement ; bien des gens croyoient qu'ils viendroient camper vis-à-vis de nous, & même qu'ils nous attaqueroient ; mais il n'étoit gueres poffible qu'ils puffent fubfifter dans ces bruyeres, & encore moins qu'ils puffent nous battre ; le ruiffeau qui couvroit le front de notre Camp avoit en partie fes bords marécageux, & pouvoit être rendu encore plus mauvais au moyen d'une tenue d'eau, fes approches étoient défendues par de bons poftes que nous occupions, & nous avions établi des communications tout le long & en dedans de ce ruiffeau : il n'y avoit que notre droite un peu fufceptible d'infulte ; l'on n'y avoit point travaillé, paroiffant peu vraifemblable que l'ennemi fut affez téméraire pour nous attaquer par un feul point ; ce n'étoit donc pas pour notre pofition actuelle que M. le Maréchal étoit inquiet ; il craignoit plus, que l'ennemi lui dérobant une marche, & que fe faifant joindre enfuite par les renforts qui lui arrivoient fucceffivement fur la Meufe, il ne fe mît entre lui & l'Armée deftinée executer les operations projetées ; ce fut même pour fe tranquilifer fur cet article, qu'il fit faire quelques jours après un mouvement à l'Armée.

L'on fe difpofoit cependant à ouvrir la tranchée devant Mons : Mrs. d'Eftrées & de Boufflers avoient d'abord invefti cette Place, devant laquelle S. A. S. M. le Prince de Conty avoit raffemblé une partie des Oficiers Généraux de fon Armée ; plufieurs Bataillons & Efcadrons de cette même Armée s’y rendoient fucceffivement de la Mofelle & du Rhin ; l’on observera que ne fervant point dans cette Armée, je ne peux parler que par oüi dire du détail de fes opérations jufqu’au moment qu’elle nous a joint.

La tranchée fut ouverte devant Mons la nuit du 24. au 25. il y eut deux attaques, l'une du côté de Betthamont : l'autre étoit à la porte de Nimy.

L'Armée du Roy fit fon troifiéme fourage général aux ordres de M. de Montmorin maréchal de camp, fubordonnément à M. de Clermont -Tonnere, Lieutenant général ; ce fourage appuyoit fa droite à la petite Schinne, proche Gravenvezel, d'où bordant les bruyeres jufqu'à Braxhaten, il revenoit par la Chauffée de Breda fe terminer à la digue de Ferdinand, au-deffous d'Anvers ; M. le Maréchal de Saxe monta à cheval pour voir ce fourage qui fut tranquille, n'y ayant point paru d'ennemis : comme ce fourage avoifinoit leurs Corps avancés, l'on y avoit à tout événement mené du canon.

Quelques jours auparavant, un détachement du Regiment de Graffin avoit été invefti par les Ennemis dans le Château d'Ooftmale ; & il s'étoit fait jour l'épée à la main. Un de nos partis s'étant embufqué dans ce même tems dans le Village de Zoerzel, avoit pris plufieurs Huffards, & nombre de leurs chevaux. C'étoit par cette petite guerre dont j'obmets bien des avantures peu intéreffantes, que M. le Maréchal de Saxe affuroit notre tranquillité, & qu'il accoutumoit nos foldats à prendre le deffus fur les Troupes légeres des Ennemis. Quoique le détachement que M. d'Armentieres avoit battu à Kerkem fût retourné fur Turnhont, M. le Maréchal craignoit toujours pour le côté des Gettes, il eut bien voulu y faire un établiffement folide, capable d'affurer ce centre, mais il n'y a aucun pofte de deffenfe ; cependant fur ce qu'on lui dit que celui de l'Eau en feroit fufceptible, au moyen de quelques réparations, il envoya ordre le 5. Juillet à M. d'Armentiere de l'aller vifiter, & s'il le trouvoit foutenable de le faire occuper : M. d'Armentieres devant y marcher avec quafi toute fa Garnifon, le Regiment de Noailles eut ordre d'aller dans Louvain jufqu'à fon retour : mais il trouva le pofte de l'Eau fi mauvais qu'il n'ofa point y laiffer de Troupes.

S. A. S. M. le Prince de Conty à méfure qu'il recevoit des Troupes de fon Armée, faifoit partir celles de l'Armée du Roy, que M. de Boufflers lui avoit conduit : en conféquence M. de Monin avoit marché à Braine-le-Conte & Soignies avec huit Bataillons & treize Efcadrons : cette pofition intermédiaire rendoit libre en quelque façon la communication de Bruxelles à Mons, d'autant mieux qu'on avoit pouffé un bataillon de la Garnifon de Bruxelles dans Halle. L'on avoit déja voulu l'affurer en tâchant de furprendre les Huffards ennemis, au moyen d'un détachement de l'Armée du Siége, & de la Garnifon de Bruxelles, qui avoient été fous les ordres de M. de Puiffegur, traquer la forêt de Soignies : mais l'on y avoit rien trouvé.

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