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Source :
Campagne de Monsieur le Maréchal Duc de Noailles en Allemagne, l’an 1743 - Amsterdam, 1755 ; p. 235-237

 

M. le Prince de Dombe à M. d’Argenson

Au camp de Seligenstadt le 28 juin 1743

Je ne vous fais point, Monsieur, le détail de la malheureuse aventure d’hier, parce que je ne doute point que vous ne la receviez de plusieurs personnes ; quoique l’affaire ait été engagée un peu légèrement, elle aurait pu être heureuse, si les ordres de M. le Maréchal eussent été bien exécutés ; malgré cela, & la plus grande confusion qui s’y est mise, je l’ai vu deux fois prête à tourner différemment, si l’infanterie se fût comportée autrement qu’elle n’a fait. Il y a cependant des corps qui ont fait des merveilles, comme le régiment d’Auvergne, qui a pris une pièce de canon aux ennemis, & l’a ramenée ici. M. le Duc de Duras s’y est comporté à son ordinaire, c’est-à-dire tout au mieux ; je sais qu’il y a encore d’autres corps, qui ont aussi bien fait, & je ne vous cite que celui-là, parce qu’il était de nôtre côté. La cavalerie en général a mieux fait que l’infanterie ; mais il y a des régiments qui se sont fort distingués ; le régiment Royal est de ce nombre ; je ne doute point que vous ne soyez exactement informé des autres qui doivent être loués ; les carabiniers n’ont point chargé, mais en récompense nous avons tenu ferme contre l’infanterie des ennemis, qui nous a fait plusieurs décharges bien fournies, & nous avons donné par-là le temps à nôtre infanterie de la gauche, de se rallier derrière nous, & de retourner à la charge ; nous avons fait plusieurs fois cette manoeuvre, entre autre une, où nos cinq escadrons seuls à la gauche, n’ayant rien du tout à nôtre droite, qui était allée se rallier plus loin ; quand nous avons vu que l’infanterie, qui avait retourné pour la seconde fois à la charge, était en fuite, aussi bien que nôtre cavalerie, il a bien fallu aussi nous replier, ne pouvant, avec nos seuls cinq escadrons, attaquer toute leur infanterie, qui était en force sur plusieurs lignes. Les carabiniers ont fait tous leurs mouvements au pas, & toujours en bon ordre. Nous n’avons point vu de cavalerie à portée de charger, dont nous sommes au désespoir ; voilà, Monsieur, ce qui s’est passé du côté où j’étais ; je souhaiterais de tout mon coeur avoir toute autre chose à vous mander, & je fais que vous n’aurez pas de peine à vous le persuader, de même que du sincère & véritable attachement avec lequel je suis &c.

P.S. Quoique je ne fasse mention, dans ma lettre, que de M. le Duc de Duras, on doit la même justice à tous les officiers généraux, & à beaucoup de commandants des corps, de la manoeuvre desquels j’ai été témoin, & dont je me ferai toujours honneur de rendre témoignage dans l’occasion. Je ne les nomme point ici, ne doutant pas que M. le Maréchal n’instruise S. M. de ceux qui méritent d’en être connus.

 

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