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ORDONNANCE

D  U     R  O  Y,

Portant déclaration de guerre contre
le
Roy d’Angleterre.

Du 15. Mars 1744.

D E    P A R    L E    R O Y.

D

ès le commencement des troubles qui se sont élevez après la mort de l’Empereur Charles VI. le Roy n’a rien omis pour faire connoître que Sa Majesté ne desiroit rien avec plus d’ardeur, que de les voir promptement appaiser par un accommodement équitable entre les parties belligérantes. La conduite qu’Elle a tenue depuis, a suffisamment montré qu’elle persistoit constamment dans les mêmes dispositions ; & Sa Majesté voulant bien ne former pour Elle-même, aucune prétention qui pût mettre le moindre obstacle au rétablissement de la tranquillité de l’Europe, ne comptoit pas d’être obligée de prendre part à la guerre, autrement qu’en fournissant à ses Alliés les secours qu’Elle se trouvoit engagée à leur donner. Des vûes aussi desintéressées auroient bien-tôt ramené la paix, si la Cour de Londres avoit pensé avec autant d’équité & de modération, & si elle n’eût consulté que le bien & l’avantage de la nation Angloise ; mais le Roy d’Angleterre Electeur d’Hanower avoit des intentions bien opposées, & on ne fut pas long-tems à s’apercevoir qu’elles ne tendoient qu’à allumer une guerre générale. Non content de détourner la Cour de Vienne de toute idée de conciliation, & de nourrir son animosité par les conseils les plus violents, il n’a cherché qu’à provoquer la France, en faisant troubler par tout son commerce maritime, au mépris du droit des gens & des traités les plus solemnels. La convention d’Hanower, du mois d’octobre 1741. sembla cependant devoir rassûrer Sa Majesté sur la continuation de pareils excès ; le Roy d’Angleterre, pendant le séjour qu’il fit dans ses Etats d’Allemagne, parut écouter les plaintes qui lui en furent portées, & en sentir la justice : il donna sa parole royale de les faire cesser, & il s’engagea formellement à ne point troubler les Alliés du Roy dans la poursuite de leurs droits ; mais à peine fut-il retourné à Londres, qu’il oublia toutes ses promesses, & aussi-tôt qu’il fut certain que l’armée du Roy quittoit entièrement la Westaphalie, il fit déclarer par ses Ministres, que la convention ne subsistoit plus, & qu’il s’en tenoit dégagé. Alors il se crut dispensé de tout ménagement, ennemi personnel de la France, il n’eut plus d’autres vûes que de lui en susciter par-tout ; cet objet devint le point principal des instructions de ses Ministres dans toutes les Cours de l’Europe ; les pirateries des vaisseaux de guerre Anglois se multiplièrent avec cruauté & barbarie ; les ports du Royaume ne furent plus même un asyle contre leurs insultes : enfin les escadres Angloises ont osé entreprendre de venir bloquer le port de Toulon, arrêtant tous les bâtimens, s’emparant de toutes les marchandises qu’ils portoient, enlevant même les recrues & les munitions que Sa Majesté envoyoit dans ses places. Tant d’injures & d’outrages répétez, ont enfin lassé la patience de Sa Majesté : Elle ne pourroit plus supporter plus long-tems sans manquer à la protection qu’Elle doit à ses Sujets, à ce qu’Elle doit à ses Alliés, à ce qu’Elle se doit à Elle-même, à son honneur & à sa gloire. Tels sont les justes motifs qui ne permettent plus à Sa Majesté de rester dans les bornes de la modération qu’Elle s’étoit prescrite, & qui la forcent de déclarer la guerre, comme Elle la déclare par la présente, par mer & par terre, au Roy d’Angleterre Electeur d’Hanower. Ordonne & enjoint Sa Majesté à tous ses sujets, vassaux & serviteurs, de courre sus aux sujets du Roy d’Angleterre Electeur d’Hanower : Leur fait très-expresses inhibitions & défenses d’avoir ci-après avec eux aucune communication, commerce ni intelligence, à peine de la vie ; &, en conséquence, Sa Majesté a dès-à-présent révoqué & révoque toutes permissions, passeports, sauvegardes & saufconduits qui pourroient avoir été accordez par Elle ou par ses Lieutenans généraux & autres ses Officiers, contraires à la présente, & les a déclarez & déclare nuls & de nul effet & valeur, défendant à qui que ce soit d’y avoir aucun égard. Mande & ordonne Sa Majesté à Mons.r le duc de Penthievre Amiral de France, aux Maréchaux de France, Gouverneurs & Lieutenans généraux pour Sa Majesté en ses provinces & armées, Maréchaux de camp, colonels, Mestres-de-camp, Capitaines, chefs & conducteurs de ses gens de guerre, tant de cheval que de pied, françois & étrangers, & tous autres ses officiers qu’il appartiendra, que le contenu en la présente ils fassent exécuter, chacun à son égard, dans l’étendue de leurs pouvoirs & jurisdictions : Car telle est la volonté de Sa Majesté, laquelle veut & entend que la présente soit publiée & affichée en toutes ses villes, tant maritimes qu’autres, & en tous ses ports, havres & autres lieux de son Royaume, & terres de son obéissance que besoin sera, à ce qu’aucun n’en prétende cause d’ignorance. Fait à Versailles, le quinzième mars mil sept cens quarante-quatre. Signé LOUIS. Et plus bas, M. P. de Voyer d’Argenson.

 

 

A   P A R I S,
DE  L’IMPRIMERIE  ROYALE.


M.   D C C X L I V.

 

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