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Source :
SHAT, A4 86, envoi Wagner, pièce 6D - Copie des archives de La Haye.

Relation du combat près du village de St Amand le 5 août 1745

 

Le mercredi 4e d’août vers le soir, le détachement hollandais de 300 hommes commandés par le major Harel s’embarqua à Anvers sur cinq bateaux, chacun contenant deux officiers et soixante hommes, conduits par un batelier et son valet. Peu avant que de partir, le major fit passer sur son bord les commandants des barques et leur dit que ses ordres portaient de se rendre à Dendermonde, coûte que coûte, et que les Anglais, dont nous vîmes le détachement embarqué, avaient les mêmes ordres, et qu’en cas d’attaque, son bateau étant le premier, nous devions faire tous nos efforts pour le suivre, et ne le point quitter. Nous réitérâmes ces ordres à nos pilotes, et leur recommandâmes leurs devoir, et de nous obéir ou que nous les y forcerions.

Vers les sept heures, nous mîmes à la voile et arrivâmes à onze au fort Ste Margueritte, où nous jetâmes l’ancre en attendant la marée, laquelle venue nous nous remîmes à voguer, les cinq barques se suivant aussi près (que) possible. Arrivés à une demi-lieue de St Amand, village situé à notre rive gauche, des paysans nous crièrent qu’il y avait quinze cent Français au dit St Amand, sur quoi, suivant les ordres que nous en avions, nous fîmes descendre nos gens au fond des bateaux, dans l’espérance de passer sans être découverts ; cependant, nous prîmes toutes les précautions imaginables, telle que de faire mettre nos armes en bon état et de tenir le soldat prêt, mais sur tout de rassurer nos pilotes qui se lamentaient, et nous obligèrent à les contraindre l’épée sur la gorge à ne nous point séparer les uns des autres et à faire chemin. Arrivé vis-à-vis de St Amand, nous vîmes beaucoup de monde se rassembler, que nous reconnûmes être du régiment de Grassin, lesquels avertis, comme nous l’avons su depuis, par un poste avancé qu’ils avoient à un quart de lieue de là, commencèrent à tirer sur nous ; une partie d’(entre) eux monta à cheval et, à toute bride, gagnèrent les devants pour rassembler leur monde et les troupes des environs et à se porter de façon à nous inquiéter sur notre passage.

Sur ces entrefaites idéales pour nous reconnaître, ils approchèrent fort près de la barque du capitaine-lieutenant Groofs en lui criant d’amener, lequel fit sortir le plus vite possible, vu que nous n’avions qu’une seule échelle par bateau, une vingtaine d’hommes ; il fit faire feu dessus. Ils répondirent vivement, mais ayant eu deux hommes tués, ils se retirèrent ; un quart d’heure ensuite nous vîmes, à un endroit où l’Escaut fait un grand coude à notre rive droite, dont on devait s’approcher pour gagner le courant de la gauche, une grande quantité de Grassins qui nous y attendaient derrière un retranchement naturel qui était une digue qui les couvrait jusqu’aux yeux. La barque du major, et celle du capitaine Boulanger franchirent le coude avec bien de la peine, mais celle du Lieutenant Thirion fut entraînée par le courrant et, en dérivant, alla échouer à notre rive gauche, dans des roseaux et si près de la digue qu’on aurait pu la toucher avec un esponton. Les capitaines Chalmot et Groofs, voyant cela et leur bateaux courir le même risque, firent faire par force tous les efforts possibles à leurs pilotes pour manoeuvrer de façon d’éviter cet accident et de suivre leur major, mais le malheur voulût que, le courant les ayant entraîné (à) environ soixante pas de la rive gauche, on leur fit une décharge par la quelle le pilote du capitaine Chalmot reçut deux blessures, et celui du capitaine-lieutenant Groofs tué. Ces deux barques, privées de leurs conducteurs, suivirent le courant et échouèrent au même endroit que celle du lieutenant Thirion, à vingt-cinq pas l’une de l’autre, où elles se trouvèrent ensablées et dans des joncs à n’en pouvoir sortir, le flux commençant à se retirer, et se trouvant presque touchant la digue bordée de plus de trois cent Grassins. Alors les coups de fusils recommencèrent avec beaucoup de vivacité de la part de l’ennemi, de la part du notre ayant voulu faire tenir quelques hommes sur le tillac pour tirer plus facilement, dans l’instant ils furent blessés et obligés de descendre dans la barque, ce qui nous obligea pour répondre aux feux des ennemis de nous servir des tonneaux pour y faire monter quelques soldats et faire tirer par couverture du tillac contre les retranchements, ne voyant que le haut de la tête des ennemis qui, à coup sûr, nous ajustaient dès que nous nous découvrions. Il y avait une heure ou plus que nous étions dans cette situation quand nous vîmes deux barques que nous croyons avoir tous bien reconnu pour celle du major et du capitaine Boulanger, sur lesquelles nous avions entendu tirer depuis longtemps, rebrousser et gagner la route d’Anvers passant près de la rive opposée ; nous entendîmes mêmes que de St Amand on tirait sur eux. Nous fîmes alors tous nos efforts pour les suivre, mais ayant tenté inutilement de remuer le gouvernail, et voyant que nous ne bougions point, étant à sec, il ne nous restait plus d’espérance d’être délivré, si non que le détachement qui nous suivait, instruit par nos coups de fusils, ne put nous dégager ; enfin nous restâmes dans cette situation, faisant feu pendant près de trois heures, au bout desquels un officier cria à la barque du lieutenant Thirion, puis à celles des capitaines Chalmot et Groofs, qu’il demandait à parler aux commandants des barques, et nous dit, qu’il allait nous brûler et nous aborder, ayant des vaisseaux prêts pour cela si nous ne nous rendions, et que les piquets de l’armée étaient arrivés ; que par contre ils nous offraient de la part de son général qui était près de là, une bonne capitulation, nous priant de sa part de descendre pour tacher de convenir, à quoi nous ne voulûmes pas consentir ni quitter nos bateaux à moins de la promesse solennelle et de la parole donnée de la part du général que, si nous ne pouvions convenir, nous aurions la liberté de rentrer dans nos vaisseaux, et de nous défendre comme auparavant, et qu’en attendant on resterait de part et d’autre dans l’inaction.

Deux capitaines de Grassin nous donnèrent sa parole, sur quoi nous crûmes, les trois commandants des bateaux sachant tous les trois le français, ne devoir nous en remettre qu’à nous même pour la capitulation. Nous fûmes menés chez M. Grassin par ces deux capitaines, et vîmes en arrivant plusieurs piquets de l’armée ; arrivés chez M. de Grassin, il nous tient exactement la parole donnée de pouvoir rentrer dans nos vaisseaux, car ayant insisté de nous retirer avec nos armes où bon nous semblerait, il nous dit que nous pouvions rentrer et recommencer à nous défendre, mais qu’il nous déclarait que, dans le moment, il allait nous brûler, et qu’il nous montrerait plusieurs tartanes chargés de monde prêt à nous aborder tant au dessus qu’au dessous de nous pendant que de la digue il mettrait le feu à nos barques ; nous répondîmes que s’il nous montrait les tartanes nous entendrions à une capitulation honorable ; il y consentit, et nous montra les dits bateaux qui étaient à deux coups de fusils de nous et qu’on avait fait avancer du village de Wasserade. Pour ces raisons, n’ayant aucun moyen de se sauver, ni aucun secours à attendre, nous avons crû devoir écrire la capitulation dont voici une exacte copie (01). Quant à l’article du canon, qu’il a inséré sans que nous l’ayons demandé, ce n’a point été un motif qui nous ait engagé à capituler, puisque nous ne l’avons point, comme les tartanes et les piquets, remarqués, quoi qu’il nous l’ait assuré sur sa parole d’honneur mais il pouvait nous brûler et prendre sans cela. La capitulation signée, accompagné de M. Grassin et des piquets, nous rejoignîmes les bateaux ; nous recommandâmes nos blessés, il nous promit d’en avoir tout le soin possible. Nous avons eu onze hommes tant tués que blessés ; les officiers de Grassin nous ont dit que nous leurs avons tué vingt hommes. On nous conduisit le même jour à Alost chez le Maréchal de Saxe ; nous le priâmes de nous envoyer à l’armée ; il nous dit, que pour des raisons relatives à quelques mouvements, il nous ferait conduire le lendemain à Ath, ce qui a été effectué avec toute la politesse et bon procédé pour nous et nos gens par Vinove et Grammont.

Voilà la relation exacte et positive en foi de quoi nous avons signé :

H. A. de Chalmot
H. Groofs
Thirion

 

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Note 01 : Le texte de cette capitulation ne figure pas dans les documents conservés au SHAT.