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SHAT - A4 29, pièce

 

Lettre de M. de Maillebois à Mme la marquise de Pompadour
sur la bataille d’Hastenbeck, livrée le 26 juillet 1757.

 

27 juillet 1757

 

Il ne m’a pas été possible de vous écrire hier du champ de bataille, ainsi que vous me l’aviez ordonné. Les détails que l’on fera de la journée d’hier varierons beaucoup ; mais au moins s’accorderont-ils dans un point singulier : c’est que nous faisions notre disposition pour nous retirer, tandis que les ennemis faisaient réellement leurs retraites sur Hameln, et sur Hanovre. Pour bien entendre le détail de cette bataille, il est nécessaire de reprendre les choses de bien haut : ce fut pendant notre long séjour de Bielefeld que M. le Maréchal fit ses dispositions pour passer le Weser ; on proposa de le passer à Rinteln, entre Minden et Hameln, et alors on se trouvait tout de suite dans un pays ouvert ; le parti le plus sur était de le passer à Höxter et ce parti fut préféré, mais les suites n’en étaient point prévues ; les débouchés se trouvaient si mauvais que M. le Maréchal ne crût pas possible d’y passer, et l’écrivit à la cour. Cependant la honte de retourner sur ses pas, l’incertitude que les autres chemins que l’on prendrait fussent meilleurs, firent qu’on tenta celui qu’on avait devant soi. La 1re marche se fit sans difficulté, le 2° nous porta à Halle où nous trouvâmes un corps de 4 à 5000 hommes qu’on n’osa pousser et qui fit sa retraite devant nous dans le meilleur ordre du monde. Le lendemain en arrivant à notre 3° camp, nous vîmes le même corps de troupes que nous avions vu la veille ; on ne l’attaqua pas d’avantage et on le laissa se retirer tranquillement derrière le bois et les défilés que nous avions devant notre camp. Ils parurent si importants, si difficiles à forcer qu’après un long conseil de guerre, il fut jugé impossible d’aller en avant et que le résultat du conseil de guerre fut qu’on se replierait quelques marches et que l’on tenterait de le passer par Cinbeck pour se porter sur la Leine, gagner Hanovre en s’éloignant du Weser. Ce parti était fâcheux à prendre, fort long et difficile pour la subsistance, cependant on était résolu de le prendre lorsque l’on vint avertir que les ennemis ne gardaient ni les bois ni les défilés et se retiraient dans la plaine de Hameln ; ainsi nous marchâmes encore et les passâmes le lendemain ; c’est après avoir attiré pendant cinq marches par le plus affreux chemin, avoir mis derrière nous des défilés et des bois que les ennemis nous attendaient dans la meilleure position qu’il soit possible de prendre : ils étaient en bataille en écharpe, sur une élévation, leur droite vers Hameln ; mais se repliant absolument au combat ( ?) d’ailleurs couverts par un ruisseau et par un marais. Leur centre était de même inabordable, leur gauche était appuyée à des bois fort élevés, remplis de ravines, dans les quels ils avaient jeté beaucoup d’infanterie, élevé des redoutes, et placé 4 batteries de canons qui défendaient en partie le bois et qui en partie dominaient la campagne. en avant de leurs droite ; ils avaient un village et un ravin. Ainsi, ils n’étaient abordables que par un front de cinq cens toises tout au plus, protégé encore par leurs redoutes, et par leurs batteries ; le nombre dans cette disposition n’était plus un avantage ; aussi n’y a-t-il eu que cinq brigades qui aient chargé, la position des ennemis a dû paraître bien respectable, mais on ne pouvait plus reculer ; on s’était enfoncé autant qu’on pouvait l’être, la retraite par les bois et ces défilés aurait été fort épineuse ; nos arrière-gardes toujours chargées, attaquées, et souvent battues. Une armée de 70 mille hommes aurait fuit devant 45 mille tout au plus et l’Europe avait les yeux fixés sur cette armée ; les considérations ont sans doute déterminé à attaquer malgré la force de la position des ennemis. La brigade autrichienne, celle de La Marine, Belsunce, Picardie, Enghien, la brigade Suisse commandée par M. de Chevert ont attaqué les bois, ont gagnés les hauteurs, ont forcé les ravins, et enfin ont pris à revers 2 batteries qui dominaient la plaine. On doit cet avantage à la faiblesse de nos ennemis, car nos troupes n’ont pas bien fait, dès quelles ont essuyé un feu un peu vif ; alors l’armée a pu marcher entre le village et les bois ne craignant plus d’être écrasée par le canon de l’ennemi ; elle marchait à la vérité par un bien petit front tant la disposition des ennemis était bonne, lorsqu’on vins dire que par les gorges qui étaient derrière ces mêmes bois qu’on venait de forcer, que nous avions à notre droite et derrière nous, les ennemis marchaient et débouchaient sur deux colonnes d’infanterie et de cavalerie ; en même temps la redoute fut attaquée et reprise. M. le Maréchal se crut alors perdu, il se croyait coupé par les derrières, et ayant les ennemis en face ; on fit marcher toute la cavalerie vers ces gorges, on y porta plusieurs des brigades destinées à se porter en avant, on retira l’artillerie, on envoya ordre aux équipages de partir. Par ces nouvelles dispositions, les agitations, les inquiétudes, les ennemis se retiraient en effet, ces prétendues colonnes ne débouchaient point, et ne paraissaient point ; on s’aperçut alors qu’elle n’avait d’autre fondement que la frayeur de quelques-unes de nos troupes et des valets qui avaient été poussés par 5 ou 600 hommes de troupes légères ; la redoute et la batterie occupées par le régiment d’Eu et abandonnées étaient attaquées et prises par nos propres troupes, par la brigade des Suisses qui étaient du corps de M. de Randan, et qui venant par un chemin différent fut prise pour les Hanovriens ; le feu fut très vif, et nous nous tuâmes réciproquement beaucoup de monde ; ce matin on veut rendre ce fait douteux on dit que l’attaque de la redoute fut en effet fait par 800 Hanovriens égarés dans les bois, et qui cherchaient une retraite, mais il parait constant que se sont nos propres troupes qui se sont méconnues ; cet accident, ajoutant à notre perte, la rend bien plus considérable que celle des ennemis qui ne va pas à 1500 hommes, tandis qu’on estime la notre à plus de 3000 ; nous avons ni étendards ni drapeaux, seulement quelques pièces de canon ce qui fait croire notre avantage peu considérable. Mais il n’y a jamais eu de bataille qui n’ait eu les suites les plus importantes, il suffit d’être maître du champ de bataille. Il en résulte toujours les avantages les plus grands ; les ennemis se sont retires fort tranquillement car lorsqu’on s’est aperçu qu’ils étaient en pleine marche pour s’en aller, comme nous nous trouvions alors dans une disposition à nous retirer nous mêmes, il n’a plus été temps de les poursuivre, et nous nous sommes contenté d’aller occuper leurs champs de bataille. Hameln va tomber, et nous marchons à Hanovre. M. de Leaurno est blesse, M. de Belsunce légèrement, M. de Laval, Le Menin tué ; il n’y a eu en tout qu’une cinquantaine d’officiers de blessés. Il me reste pour remplir ma page, à vous marquer

1° que ma lettre était écrite à neuf heures du matin, qu’il en est six et que le doute sur l’espèce des troupes qui a attaqué la redoute subsiste toujours. Ceux qui les conduisaient veulent s’excuser sur une faute si capitale ; mais ils ne prouvent pas qu’ils ne l’aient pas commise.

2° nos troupes commettent toutes les horreurs possibles, pillent les églises, et vont mieux à la maraude qu’au coup de fusil.

3° que c’est à l’artillerie qu’on doit principalement le succès de la bataille d’Hastenbeck.

4° que les ennemis se retirent sur Minden où on dit à l’ordre qu’ils nous attendent.

5° que M. de Cumberland, la nuit qui a suivi l’affaire du 26, a proposé de venir nous attaquer au point du jour ; si une armée battue osait se représenter ainsi, elle surprendrait souvent l’armée victorieuse. C’est par les déserteurs qu’on sait ce projet de M. de Cumberland qui ne peut que lui faire honneur. On a été trois nuits couché au bivouac, les jours ont été d’une chaleur excessive, plusieurs personnes sont en danger des coups de soleil qu’elles ont reçus.

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