Détail exact des mouvements des deux armées depuis le 8, à 2 heures,
jusqu'au 11, jour de l'affaire de Fontenoy.
M. le maréchal de Saxe ayant été informé le 8, par un exprès de M. du Chayla, lieutenant général détaché à Leuze avec un corps de cavalerie de 16 escadrons, 900 hommes d'infanterie de Grassin et 300 à cheval du même, que les ennemis se portaient en force au poste, M. le Maréchal lui ordonna de se replier, et envoya sur-le-champ l'ordre à la brigade Dauphin de se porter à la pointe des bois de Barry, avec quatre pièces de canon, pour faciliter la retraite de ces troupes.
M. du Chayla fit battre la générale à 4 heures; ses gardes avancées ayant été attaquées et leur ayant fait dire de se retirer, il se mit en marche à 10 heures du soir. Il différa jusqu'au moment pour être certain de la force des ennemis qui marchaient à lui. Il arriva au camp sous Tournay à minuit, et campa ses troupes à droite de la chaussée de Leuze, et mit le corps de M. de Grassin en avant dans les bois de Barry, pour éclairer les mouvements des ennemis. M. de Crémille, maréchal général des logis de l'armée, se porta le 9, à 4 heures du matin, sur le terrain reconnu et fixé par M. le maréchal de Saxe pour le champ de bataille de nos troupes; après que M. de Crémille eut fait arpenter le terrain et déterminée avec MM. le comte de Lowendal et d'Estrées, lieutenants généraux, des endroits avantageux pour y faire des redoutes et des postes à garder, il en vint rendre compte à M. le Maréchal, qui en conséquence donna l'ordre, le 9 mai après midi, pour que toute la cavalerie et l'infanterie, à la réserve de 26 bataillons et 13 escadrons, vinssent se porter à la droite de la cavalerie de la première ligne en avant d'Antoing, la gauche à la chaussée de Leuze, avec ordre de ne s'étendre que lorsqu'on leur ferait dire. Il fut commandé le même jour, à 5 heures du matin, 2,,000 travailleurs, moitié armés, pour travailler à deux redoutes tracées par M. des Mazis, ingénieur, à droite et à gauche des bois de Barry, embrassant l'angle de ce bois à gauche de la chaussée de Mons à Tournay; l'on travailla en même temps à retrancher le village de Fontenoy, droite de notre centre, on y envoya la brigade de Dauphin.
Le même jour, M. le maréchal eut des avis certains que les ennemis étaient assemblés à Lens.
Le 10, ils marchèrent par leur gauche et se portèrent à Brissoeil, petit village; dans la même journée, ils s'étendirent par leur gauche et vinrent camper sur les hauteurs; à 4 heures du soir, leurs généraux, avec un très gros détachement, vinrent reconnaître la position de l'armée française; ce détachement passa la nuit au bivouac dans la plaine.
L'armée du Roi coucha aussi en bataille, M. le maréchal de Saxe à la tête et les officiers généraux à leurs divisions. Le Roi vint reconnaître son champ de bataille. Le 11 à 5 heures du matin, à l'armée combinée, l'on tira un coup de canon qui parut être le signal pour le débouché de l'armée dans la plaine.
Ils marchèrent à 6 heures du matin dans la plaine d'Antoing sur deux colonnes, une de cavalerie soutenue d'une d'infanterie bordant le bois; cette dernière colonne se replia bientôt après et, marchant par sa droite, vint regagner, le long du ruisseau de Vezon, toute l'infanterie qui débouchait dans la plaine par le village de Vezon à leur droite, et les autres débouchés nécessaires; ils commencèrent alors un feu d'artillerie assez suivi. A 7 heures, ils avancèrent au village de Fontenoy au nombre de 25 bataillons en bataille sur deux lignes; alors leur feu d'artillerie redoubla et ils jetèrent plusieurs obus dans les retranchements des troupes françaises. A 7 h. 1/2, s'étant approchés du fusil, ils firent un feu de mousqueterie soutenu pendant un quart d'heure; alors il cessa et leur artillerie recommença; les Français y répondirent par un feu à peu près pareil, mais qui paraissait faire plus d'effet. Au village d'Antoing, quatre pièces de canon prenaient en tête la cavalerie qui voulait s'avancer dans la plaine, qui, formant un gros corps, en était plus incommodée. A la gauche de Fontenoy, centre de la ligne française, huit pièces de canon faisaient un effet à peu près égal; quatre pièces de 12 dans une redoute à gauche du centre et quatre en avant tiraient en partie au même endroit, et l'autre le long du bois où les Anglais paraissaient porter un bataillon soutenu de quelque cavalerie; ce corps se rejeta bientôt dans la plaine.
A 9 heure, l'armée combinée se remit en mouvement sur trois colonnes: la première à gauche de Fontenoy, plaine d'Antoing, marchant par leur gauche; la deuxième sur Fontenoy; la troisième vers le centre de l'armée française. Alors le feu de mousqueterie de la deuxième de leur colonne recommença; bientôt après il cessa et les deuxième et troisième colonnes n'en formèrent plus qu'une. Le maréchal de saxe, qui était à la gauche, se porta dans ce moment à la droite, où les ennemis paraissaient faire quelques mouvements. Il fit conduire à une redoute de la droite quelques pièces de canon qui firent faire halte à l'ennemi, et fit en même temps mettre en colonne sa cavalerie de la droite, faisant marcher les gauches, ayant en avant, appuyant à deux redoutes, une brigade d'infanterie soutenue de trois régiments de dragons, et à sa gauche une brigade d'infanterie. Dans ce moment, les Anglais, ayant passé un ravin au centre de la ligne, parurent sur la crête, formant une très grosse colonne et marchant toujours, mais lentement, se portèrent sur la brigade des Gardes françaises et firent un feu considérable; cette brigade en soutint le premier feu et fit en même temps un mouvement en avant, mais la vivacité du feu les força de se plier; la cavalerie s'ébranla et marcha pour la soutenir; elle fut elle-même contrainte de plier, et malgré la contenance assurée des brigades de la droite et de la gauche, la colonne anglaise dépassa la redoute et le village de Fontenoy. Alors les trois bataillons irlandais, Lally, Rooth et Berwick marchèrent par leur gauche et vinrent pour la charger en flanc, voyant la cavalerie se rallier. Mais les Anglais faisant halte, formèrent un bataillon carré; la cavalerie française, quoique se portant au grand trot et avec vigueur, fut reçue de pied ferme et contrainte de se retirer, ayant presque essuyé tout leur feu à vingt pas. les trois bataillons irlandais, à droite, et la brigade de Royal, à gauche, furent contraints d'en faire autant; l'armée combinée marchant toujours, mais lentement, se porta jusqu'au camp des Gardes, où ils mirent le feu.
M. le maréchal de Saxe se porta dans ce moment à sa gauche où, rassemblant les différentes brigades et la cavalerie, faisant marcher les gauches, il les porta sur le flanc droit de l'ennemi, qui avait en tête la Maison du Roi, les Carabiniers, la brigade de Royal et celle des Vaisseaux; à leur flanc gauche, le succès ne fut pas plus heureux cette fois que les autres; ces troupes, sans être pliées, ne purent forcer le bataillon carré des ennemis. Dans cet instant, le comte de Lowendal, quoique commandant ne réserve, s'était porté sur le champ de bataille et avait fait venir la brigade de Normandie. Il proposa au Maréchal une troisième charge; le Maréchal l'accepta; alors il forma les brigades irlandaises, que Milord Clare, maréchal de camp, avait tenues ensemble, et les porta sur le flanc droit des ennemis, leur faisant faire halte à un ravin; alors, passant à la maison du Roi, l la mit en bataille avec les soins du duc d'Harcourt, de Richelieu et comte d'Estrées et avec plusieurs autres; le marquis de Croissy, maréchal de camp, en fit autant des brigades de Royal et des Vaisseaux; le tout s'ébranla en même temps.
La Maison du Roi, piquée de la fermeté des ennemis, fonça avec fureur; ce choc, à des gens moins harassés et ayant moins perdu, eût été insoutenable; aussi, contraints de plier, ils furent écrasés, et le peu qui restait, trop heureux encore de ce que l'infanterie française ne pouvait contenir dans le terrain, passèrent entre la cavalerie et eux, et diminuèrent par ce mouvement involontaire la vivacité avec laquelle la Maison du roi les aurait pu poursuivre.
Le maréchal de Saxe fit faire halte au dernier ravin, dépassa la redoute de sa gauche et appuyant au village de Fontenoy; les ennemis formèrent dans le bas de cette plaine quinze escadrons pour assurer leur retraite. Le maréchal de Saxe fit filer de l'infanterie par sa gauche, le long des bois, précédée des Grassins. Les ennemis ont perdu un drapeau, laissé 30 pièces de canon, 100 chariots. Composée, leur perte a été estimé à 4,000 hommes, plusieurs officiers généraux, colonels et lieutenants-colonels et officiers particuliers, 200 prisonniers , 300 blessés.
Les Français ont perdu 2,500 hommes et 500 blessés. M. le duc de Gramont, tué; M. du Brocard, commandant l'artillerie, plusieurs colonels tués et blessés, et beaucoup d'officiers particuliers.
Source :
Archives de la Guerre - A2-17s - 125
Repris dans Colin : Les campagnes du maréchal de Saxe, vol. 3, p. 298 à 301.