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Source :
SHAT - Archives du génie, article 15, section 1, §5, pièce 24.

 

Relation de la campagne sur le lac St Sacrement pendant lhiver 1757

 

Monsieur de Rigaud gouverneur des Trois Rivières, après avoir reçu les ordres de Mr le Marquis de Vaudreüil serendit au fort St Jean pour y prendre le commandement de l’armée afsemblée en ce lieu, ayant pour sont lieutenant Mr de Longueuïl, lieutenant de Roy de Quebec, et pour major général Mr Dumas, capitaine d’une compagnie détachée de la marine. Mr de Pouthariée, capitaine des grenadiers au regiment de Royal Roussillon commandoit les troupes de terre, consistant en cinq piquets, dont un de grenadiers tirés de quatre compagnies, qui avec trois cents soldats de la colonie, et six cents miliciens mêlés ensemble et divisés en seize compagnies commandées par des officiers subalternes, une compagnie de cinquante volontaires commandés par le sieur Dufy de Sauniée, capitaine de milice de Monteal, et trois cents sauvages domiciliés, composoient cette petite armée montant en tout au nombre de quinze cents hommes.

Mr de Rigaud ayant jugé a propos pour rendre sa marche plus legere de faire partir en quatre divisions ; la première decampa a St Jean le 20 fevriée composée seuleument de compagnies mêlées de la colonie, comme plus propres abattre les chemins sur le lac, et des abenakis de St François de St Martin, lieutenant des troupes de la colonie, la commandoit.

La seconde division se mit en marche le 21 sous le commmandement de Mr Duchat, capitaine au regiment de Languedoc, de deux piquets des troupes de terre de trois compagnies mêlées de la colonie, des abenakis de Beccancoreu et des algonquins et nepifsnigues du lac.

La troisiéme division commandée par M Ducoin capitaine au regiment de Royal Roussillon sortit de St Jean le 22, composée comme la seconde avec les Jroquois du Sault St Loüis ; et ce joür la un degel extraordinaire etant survenu, même d’une maniere fort inquietante, les glaces de la riviére partant a vüë d’œil, Mr de Rigaud fut contraint de retarder son départ jusqu’au 25 avec la quatrieme division, composée du piquet des grenadiers, de la compagnie de volontaires, de quatre compagnies mêlées de la colonie et des iroquois du lac de deux montagnes.

Les divisions qui precedoient n’ayant pû marcher par les desgels, et ayant mouillé une partie de leurs vivres la premiére journée, l’on fut contraint de leur en envoyer un suplément. Mr de Longueiül avec les hurons de Lorelle se détacha de la derniére division au moment du depart pour aller joindre celle que commandoit Mr de St Martin, afin d’arrivée le premier à St Frederic et dy pourvoir aux besoins de l’armée ; après une marche souvent interrompüe par les mauvais tems les divisions arriverent succefsivement à St Frederic. Tout le monde si trouva rendu le 5 mars. Mr le chevaliée Lemerciée, capitaine commandant l’artillerie, avoit été detaché quelques jours avant pour le fort de Carillon par Mr Le marquis de Vaudrêuil pour y faire des preparatifs relativement aux operations projetées. Cet officiée qui vint au devant de Mr de Rigaud, luy rendit compte de ce qui concernoit l’armée de St Frederic le 7, et alla camper sous le fort de Carillon ou une grande quantité de fusils a reparer et les degels continuels nous firent sejournée jusqu’au 16. Ce jour la nous ne pumes que passer le portage et nous rendre au bord du lac St Sacrement. L’on tint conseil avec les sauvages pour prendre les mefures propres à nous faire evitée dêtre decouverts.

Le 16, cent sauvages partirent au point du jour pour faire la découverte. L’armée deboucha sur le lac deux heures après sur trois colonnes ; Mr de Longueuïl pere et fils, couvroient la droite et la gauche avec les sauvages qu’ils s’étoient partagés entreux ; la compagnie des volontaires de Montreal fit l’avant garde ce jour la et le reste de la route. Nos decouvreurs ayant battu les montagnes en avant de droite et de gauche et n’ayant appercu aucune piste, l’on jugea avec fondement quenous n’étions point decouverts. Le 17, les découvreurs etant partis a l’ordinaire, l’armée se mit en marche a trois heures après midy pour s’aprochée à la faveur de la nuit, et nous nous trouvames à sept heures du matin couverts par une montagne environ une lieue et demi du fort George.

Les jnstructions de Mr lemarquis de Vaudreüil portoient en substance de bruler les barques et bateaux que les ennemis avoient fait construire sous le canon du fort George ainci que les hangards pleins de vivres et un petit fort de pieux ou logeoit une compagnie franche. Mr le chevaliée lemerciée avoit preparé à Carillon des artifices propres à ces operations ainci que des echelles portatives, et Mr de Vaudreüil ajoutoit dans les ordres, que si les circonstances se presentoient afsés favorables pour faire une tentative sur le grand fort soit par surprise ou par sortie de l’ennemi faite mal apropos, l’on en profiteroit, mais que ce ne seroit qu’autant que le succés seroit certain ;

En consequence Mr de Rigaud détacha le 18 Mr Poutharié, Dumas, et Lemerciée, escortés d’un detachement de françois et de sauvages, pour aller observer le fort defsus une hauteur qui le domine a moins d’une demie lieu de distance ; la qualité du fort fut parfaitement reconnuë au moyen d’un bon télescope, il ne parut accefsible à léchelle que par la moitié dune face, et l’activité avec la quelle l’on vit travaillée fit soupçonneer que nous avions été decouverts. Ce compte ayant été rendu à Mr de Rigaud, et cette incertitude subsistant, il fit une double disposition pour escalader le grand fort si l’on n’etoit point decouvert, et que la securité de l’ennemi le permit ;
sinon pour ôperer dans le même moment sur le bord conformement à l’objet principal de ses instructions. Enconsequence l’armée se mit enmouvement à l’entrée de la nuit du 18 au 19. Mrs Dumas, lemerciée, Savournin et Charly, escortés de douze grenadiers, furent detachés pour aller reconnoître les approches du fort et observer de plus prés la facilité ou les inconveniens de l’operation projetté et determinée avec plus de certitude sinous avions été decouverts ounon. la glace etoit telle cette nuit la que lon n’y marchoit pas bruit, les housdee ( ?) commencerent de loin au bruit que faisoient inevitablement nos observateurs enmarchant sur le lac, amefure qu’ils approchoient. Ces qui vive redoublerent. L’on sapperçut de linquiete curiosité de la garde du fort, et ces Mrs jugerent qu’il falloit attendre apres minuit par âpprocher de plus près ; mais ce tems s’etant écoulé dans le silence la garde du fort n’en fut pas moins alerte au premiers pas que firent decouvreurs, et après avoir tourné de plus d’un côté ils jugerent qu’il falloit rendre compte à Mr de Rigaud de la vigilence des sentinelles et de la bonne garde qui se faisoit dans ce poste.

Ce commandant qui n’attendoit rien pour cette operation que de la fortune renonça de bonne grace à l’escalade du fort qui ne lui prût pas praticable, et en effet elle ne l’etoit point, et tournant ses vüs sur les barques et bateaux, il détacha des pelotons avec des facines, et des canoniers munis d’artifice pour bruler lamarine de l’ennemi ; par malheur les facines avoient été faites dans un lieu ou la qualité du bois n’est pas trop combustible. Les buchers qui en furent faits séteignirent, et le jour arriva sans que l’on eut pû parvenir à brulée autre chose que quelques bateaux, dont le feu faute d’alimentne peut se communiquer aux autres. L’ennemi fit un feu afsés nerveux cette nuit la ; nous eumes deux hommes de tués et un sauvage de blefsé. Le lendemain, 20, le fort George se trouva investide touts côtés, un détachement de fauvages fut se portér sur le chemin  du fort Lidius. L’armée soccupa à faire des facines plus combustibles, et Mr de Rigaud cherchant quelque expedient qui favorisat son projet que le feu de rempart pouvoit faire echouée, savisa d’un stratagême ; il depêcha le chevaliée Lemurcie au commandement anglois cette lettre :

Monsieur Je vous depêche Mr le chevaliér Lemerciér, commandant l’artillerie, qui vous fera part de mes resolutions. Vous pouvés donnér entière creance à ce quil aura lhonneur de vous dire dema part. Jai celuy d’être… Le double motif de nôtre general etoit d’amusér lennemi par cette maneuvre pour aller prendre connoifsance d’un lieu qui lui paroifsoit propre au debarquement dans ce cas que notre offensive se portat dans cette partie la campagne prochaine.

En même tems il fit faire un mouvement à son armée qui passa pour ainsi dire enrevuë devant l’ennemi, mais disposée avec l’art qui grofsit les objets en pareil cas ; les fauvages jouerent bien leur rolle dans cemanege, nous laifsames à percevoir les échelles. M Le chevaliér lemerciér ayant fait au commandant du fort une sommation verballe, M de Rigaud ne douta pas que l’ennemi, occupé du corps de  sa place, n’en négligeat le dehors, ce quine manqua pas d’arrivée. En effet, la nuit du 20 au 21, nous allumames nos feux avec une tranquilité merveilleuse. L’ennemi ne tira que quelques coups de canon, et quelques bombes. Jl fut brulé plus de 300 bateaux cette nuit lapar la compagnie des volontaires ; trois barques prises dans les glaces eurent le meme sort, un hangar plein de hardes, armes et ustencilles pour la campagne ainci qu’un bucher, de plus de trois cents cordes de bois pour le chauffage de la garnizon qui étoit à la porte du fort. Le moindre vent leut reduit en cendre mais par malheur il ne venta pas cette nuit la non plus que les suivantes pendant que l’on peut operér la nuit du 21 au 22 par le plus mauvais tems du monde. L’on recommença comme les precedentes, mais après des peines enormes, l’on fut contraint de se retirer sans avoir pu reufsir a allumer le feu nulle part, tant la neige fondüe abondamment par un orage affreux qui dura la nuit entiere. La derniere barque dont lemas de beaupré touchoit a un des bastions du fort fut manqué. Comme elle étoit la plus considérable qu’elle étoit encore sur les chantiers et prête à lancer à l’eau, elle tenoit à cœur à nôtre commandant, qui, malgré un degel menaçant et les representations reïterees de sauvages s’obstina à continuer fabesogne.

le 22 le fort toujours bloqué, l’on prepara de nouvelles facines. Plusieurs officiers s’étant offert comme les autres jours pour mettre le feu à divers endroits, M. Wolf, officier volontaire des troupes de terre, se chargea de la barque, plusieurs officiers de la colonie sattacherent à deux grands hangards pleins de vivres qui restoit à lhôpital, au fort de pieux qui contenoit, 17 maisons à un grand magazin remplis de bois de construction, un moulin a planche et plusieurs maisons qui formoient sous le fort une espece de bafse ville, deux especes de galères a 28 ou trente rames firent la cloture de l’expedition. Tout cela touchoit pour ainsi dire au fort. L’ennemi l’avoit disposé de manière à le protegér avec le plus petit feu du mousquet mais foit que l’audace avec laquelle Mr de Rigaud fit operer intimidat le commandant ou qu’il eut d’abort pris son parti de facrifier les dehors, son feu fut momentané et nous enfin n’avons eu que cinq soldats de tués, un officier et un sauvage de blefsés. Mr de Rigaud avoit pris le 20, par le mouvement dont il à été parlé, toutes les connoissances du lieu qui peuvent afsurer le succés d’un siége siles circonstances permettent de l’entreprendre l’êté prochain.

Le pillage fut bon. Pendant cette utille besogne les sauvages ne firent que charrier au camp. C’etoit des hardes de toute espece, des fusils, tentes, une grande quantité de chaudieres, coffres et caisses de medecine, vins de madere, liqueur et par malheur de l’eau de vie, car les fauvages se soulerent et cela nous donna beaucoup de peine et de souci parce qu’ils restoient autour du fort, ensevelis dans le plus profons someil de l’yvrefse et que, le jour venant à paroître, les anglois les eurent tirrés au blanc. M. de Longueüil s’occupa beaucoup d’eux ; il se servoit utillement des plus sobres pour retirés les autres et enfin nous n’en eumes qu’un de blefsé.

Un parti que Mr de Rigaud envoya pour frappér autour du fort Lideus, outre le détachement qui coupoit la communication, revin sans avoir pû lever une chevelure et raporta que les ennemis ne sortoient point de leur fort, que les portes étoient fermées et que l’on napercevoit des anglois qu’audefsus du parapet. Le 23, les degels continuant toujours, l’armée décampa pour s’en retourner à Carillon ou elle arrriva le lendemain, les trouppes de terre, à la referve des grenadiers, resterent en garnison dans ce poste conformement aux ordres de Mr Le Marquis de Vaudreüil, les soldats de la colonie a St Frederic, et les miliciens, après avoir pourvu les deux forts de bois de chauffage dont ils manquoient, reprirent la route de Saint Jean ou Mr de Rigaud arriva le deux d’avril et les congedia.

Ainfi à été détruit la marine angloise sur le lac St Sacrement avec tous les apprets d’une offensive des longtems projetée. Cette campagne ne peut manquée d’être regardée comme la plus fructueuse pour la colonie qui ait été faite depuis longtems. J’en excepte Chouaguen et la journée de l’Oyo. Ceux qui scavent pezer les circonstances et connoifsent bien celles ou le Canada setrouve jusqu'à l’arrivée des vaifseaux, estiment que la campagne de M. de Rigaud est le salut de la colonie.

La grande union dans la quelle ces differents corps ont vêcu pendant cette Campagne a beaucoup contribué à l’excellente besogne qui a été faite. M de Rigaud se loüe infiniment des troupes de terre. Celles de la colonie se sont piquées de neceder a personne du côté duzele et de lemulation.

M. de Rigaud, malgré sa bonté naturelle et la douceur de son commandement, à montré une manutention ferme quilui a fait beaucoup d’honneur et cela, joint à limpulsion que sa presence donne naturellement à tout ce qui est Canadien et fauvage, a aneanti toute difficulté dans l’exécution. M. de Longueuïl, à qui ce commandant confia d’abord le détail de sauvages, à fait voir les talens en ce genre et a scu tirér parti de l’avantage que M. de Rigaud luy donnoit pour cela en se trouvant le principal chef. Sa propre consideration a eû grand poids, et il les a si bien conduits que depuis longtems on ne les avoit vû faire si aveuglement tout ce qui leur etoit prescrit. M de Lusignan commandant à Carrillon à la tête desquels il a mis Mr de Langi montagron ( ?) la partie de Mr Le chevaliér Lemerciér à été parfaitementbien remplie et le detachement de canoniers qu’il avoit avec lui à fait merveilles. Cet officiér est excellent pour les refsources dont il ne manque Jamais.

 

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