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Source :
Archives du SHAT – 1V, Article 15, Section 1, pièce 19.

 

Relation de l’action qui sest passée au village de Laweld
entre l’aile gauche de l’armée alliée et les François le 2 juillet 1747

par un officier étranger

 

Le 30 du mois [de juin] l’armée fe mit en marche par la gauche en trois colonnes vers Lonaken et campa cette nuit la entre cette [ville] et Ghenk  en même tems les differens dettachemens de l’armée qui etoient aux ordres du Comte et du Prince de Volfenbuttle avec le corps du general Baronac passerent Bilsen et camperent a la grande Commanderie. Le corps du Cte de Clermont Prince ne fetant pas retiré derriere Tongres, mais occupant toujours le terrein élevé de Tongres a Tongelberg nonobstant laproche de nôtre armée, fit voir que le dessein des François etoit de foutenir ce corps de toute leur force et de gagner f’il etoit possible le camp de Bilfen.

Cette pofition de l’armée françoife rendoit impraticable l’interception du corps de Clermont ; c’est pourquoi S.A.S. le Duc, de concert avec le mal de Bathiani et le Prince de Waldeck, apres avoir ce matin la reconnu le païs vers le Jaar, refolut de prendre possession du camp de Bilfen, etendant la gauche a Millen ; pour cet effet toute l’armée eut ordre de marcher a la pointe du jour le per juillet N.S. S.A.R. et le Prince de Waldeck resterent toute cette nuit a la commanderie, et le mal Bathiani a Bilfen pour ne point perdre de tems le matin fuivant et faire les dispositions neceffaires pour l’arrivée de l’armée.

Le per juillet S.A.S. monta a cheval a la pointe du jour pour aller reconnoître l’ennemi, mais fur les 4 heures nous pumes voir la cavallerie de l’ennemi en mouvemt fur 2 colonnes setendant fur sa droite, d’ou nous jugeames immediatement que cetoit a dessein de gagner les hauteurs de Villez et de Helderen et de tomber f’il etoit possible fur la tête de nos colonnes qui etoient alors en marche de leur camp descendant ce chemin la. Avant 6 heures les troupes irregulieres de l’ennemi qui flanquoient le marche de fes colonnes escarmoucherent avec nos hussards et Litaniens qui etoient en avant.

Au moment que les colonnes de l’ennemi parurent S.A.R envoya ordre au chevalier Jean Ligonier d’avancer avec l’aile gauche de cavalerie auffi loin quil feroit possible, et a l’jnfanterie de preffez fa marche et en même temps il ordonna au Prince de Wolfenbuslle d’occuper les villages du grand et du petit Spauve avec l’jnfanterie du corps de referve et de former fa cavallerie fur la plaine entre ces villages et la grande Commanderie ; ces precautions ayant pour objet de maintenir notre poste a Bilsen, S.A.R. auroit voulu former nôtre cavalerie a tems fur les hauteurs d’Helderen pour la reception de l’ennemi ; mais avant que nôtre cavalerie put arriver l’ennemi occupoit déjà ces hauteurs et presentoit trois lignes de cavalerie fur la descente de la montagne ayant en avant des troupes irregulieres de cavallerie et d’jnfanterie, ce qui rendit necessaire de changer immediatement la position refoluë de la gauche, netant plus maitres de ces hauteurs, et en consequence il fus unanimement convenu d’etendre la gauche a Wisle, la droite occupant toujours Bilsen comme dans la premiere pofition.

Aussitôt que l’aile droite de cavalerie fut arrivée, elle fe forma dans la plaine au bas d’Herderen pour empecher l’ennemi d’avancer et donner le tems a nôtre jnfrie qui etoit dérriere d’arriver, ce mouvement fut executé avec grand courage par nôtre cavallerie aux ordres du chevalier Jean Ligonier qui a l’arrivée de l’jnfanterie fit une contremarche par fa gauche, fur le flanc droit de l’jnfanterie au travers de la plaine afin de fe ranger en bataille près du village de Wisle, couvrant le flanc de fa marche de 8 escadrons qui faisoient toujours front a la montagne d’Herderen.

Tout le jour fepassa a former l’armée et il fut resolu de recevoir lattaque de l’ennemi s’il jugeoit a propos d’y venir a vne action generale par ce qu’en avançant il auroit en quelque sorte abandonné l’avantage du terrein quil avoit fur nous ; en consequence de cette refolution on garnit les villages de la grande Commanderie et des deux Spawes de l’jnfrie du corps de referve et d’une partie du détachement du Comte de Daun, tandis que le reste faisoit vn flanc vers Bilsen ou il y avoit vn poste fort et du canon afin d’empescher l’ennemi de venir nous entourer. L’aile gauche prit poste dans le village de Vletinghem ou S.A.R. plaça la brigade des gardes anglaises, et dans le hameau de Laweld les lignes d’jnfanterie s’etendirent derriere les villages ayant laile gauche de la cavallerie dans une ligne avec l’jnfanterie, et la cavallerie jmperiale fe forma en deux lignes devant le petit Spauwe. tandis qu’on soccupoit aformer l’armée, ce qui fut achevé entre 4 et 5 heures apres midi ; l’ennemi ne ceffa point d’escarmoucher avec les troupes irregulieres dans la plaine, et fit avancer plus de cavalerie du côté dela montagne d’Herderen, ce qui fut fait pour masquer la marche de fon jnfrie quil faifoit marcher fur nôtre gauche a l’abri de la montagne qui fe trouve de l’autre côté.

Le corps de troupes irregulieres sous le commandement du general Trips qui avoit couvert la marche de l’armée depuis Liers, joignit alors et eut ordre d’aller a la gauche afin de couvrir ce flanc et d’examiner les mouvemens de l’ennemi de ce côté la ; la cavallerie hollandoife eut ordre de se former derriere la gauche de leur jnfrie et la droite des hessois par ce qu’on jugeat que c’etoit laplus foible partie de la ligne de bataille.

Ce soir la nous canonames vivement l’ennemi d’une hauteur dans le front du village de Laweld et lon tira aussi quelques coups de canon de la droite, mais il etoit si tard quil etoit evident que l’ennemi n’avoit point intention d’engager alors vne action generale. S.A.S. le Duc accompagné du marechal et du Prince de Waldeck visita les lignes et fit quelques changement dans les premieres dispofitions en avançant la ligne de front de la gauche dans une ligne avec le village de Laveld en approchant la feconde pour le foutenir ; le village etoit occupé par les regimens de Crawford Putteney, de Jean et Freudman, regimens hanoveriens avec de l’artillerie. Les gardes a pied setoient aussi retirées du village de Vlitinghem et firent vn flanc de la droite des grenadiers hessois vers les Bavarois du centre faisant face au village de Vlitinghem qui fut brulé pour empescher l’ennemi den faire ufage et de nous incommoder.

L ennemi durant la nuit avoit envoyé plus d’escadrons fur la montagne d’Herdereen, et l’on pouvoit voir quil avoit jetté quelques ouvrages fur le sommet mais la plus grande partie de nôtre jnfanterie qui defiloit fur notre gauche, gardoit pendant fa marche le flanc droit de fa cavalerie. On plaça plusieurs batteries de l’artillerie angloise le long de notre front afin d’emporter l’ennemi lorsquil descendroit de ces hauteurs.

A huit heures nous ne nous apercumes point que l’ennemi eut fait aucun mouvement de son Jnfrie et nous amusoit avec ses corps de cavalerie dans l esperance de nous couper avec Maestricht en faisant fondre sur notre gauche vne grosse colonne d’jnfrie ; c’est pourquoi lon donna ordre aux troupes irregulieres d’examiner avec la plus grande attention les mouvemens de l’ennemi vers la Meufe.

S.A.S. et les generaux etant retournés a la Commanderie afin de concerter quelles mesures lon prendroit au cas que l’ennemi ne voulut pas avancer contre nous, le chevalier Ligonier envoya le lieutenant colonel Forbes pour informer le Duc que par les mouvemens de l’ennemi, il paroissoit quil fe formoit pour attaquer l’aile gauche et quil avoit fait mettre tout fon monde sous les armes. S.A.R. f’y rendit immediatement. Le marechal et le Prince de Waldeck furent en même tems preparer leurs corps respectifs. Les batteries de l’aile gauche ne furent pas plutôt etablies pour la reception de l’ennemi que fon jnfanterie parut descendre dans vne plaine par vne valée entre les hauteurs qui conduisent de Rempst, formé dans une grande colonne de 9 a 10 bataillons en front et aussi profonde, compofée de fes meilleurs corps seportant directement au village de Laweld dans lequel et aux environs presque tout l’action qui a duré près de 5 heures s’est passée. Nos batteries ne cesserent de tirer pendant tout le tems que l’ennemi avançoit, aussi biensur son jnfanterie que fur ces escadrons de cavallerie qui soutenoient les flancs droit et gauche de fa colonne.

A 10 heures la canonade du côté de l’ennemi commença contre le village avec des pieces de campagne que son jnfanterie avoit amenées, du second coup de laquelle le Baron Zigesaer, ayde de camp allemand de S.A.R., fut tué ; elle fut immediatement suivie de l’attaque de ses premieres brigades. Elles furent aussitôt disperfées avec une perte prodigieuse, comme le furent aussi les 2 3e et 4e divisions. Surmontés par ce renfort continuel de troupes fraiches, les regimens qui etoient dans le village de Laweld furent obligés de fe retirer ; mais etant soutenus par les regimens de Wolf, Charles Howard, Coussay, Hauss, ils revinrent a la charge et reprirent leur poste. Les brigades de Navarre, la Marck, des Jrlandois, Monaco, Royal des Vaisseaux et plusieurs autres furent entierement ruinées. L’ennemi ne cessa point de jetter de nouvelles lignes d’jnfanterie de maniere que le village fut perdu et regagné des deux côtés differentes fois. Les bataillons de l’jnfanterie angloife et hanoveriene entrerent 4 ou 5 differentes fois dans le village, ce que les François nont fait qu’une, ne pouvant jamais être ralliés et etant toujours renforcés par de nouvelles brigades.

Au moment que l’ennemi fit fa premiere décharge de mousqueterie au village, S.A.R. donna ordre a vn de ses aides de camp d’aller immediatement au marechal de Bathiani pour l’informer que la gauche etoit attaquée, que l’ennemi paroissoit déterminé a porter  tous ses efforts contre Laweld et que, pour cette raison, il le prioit d’être attentif a le foutenir promptement et efficacement. Le marechal envoya pour reponse quil faisoit fon possible pour cet effet, et quil avoit donné ordre de faire marcher directement de la droite les 9 bataillons de l’aile gauche qui avoient eté detachés avec le comte de Daun et les 5 qui etoient avec le corps de reserve et quil soutiendroit aussi autant quil etoit possible. Outre cette jnfanterie, on ordonna a vne partie des escadrons du corps du Comte de Daun de joindre la gauche. La partie du detachement de Daun arriva assés a tems pour entrer dans le village et fit vn grand effet, mais les 5 du corps de reserve n’arriverent qu’après quils furent postés plus loin fur la droite.

Environ midi, les affaires alloient assés bien que S.A.R. ordonna a toute l’aile gauche d’avancer fur l’ennemi dont l’jnfanterie fuyoit si loin qu’il fut obligé de mettre de la cavallerie derriere et fur fes flancs pour la faire avancer avec le fabre. Le centre commença aussi a favancer fous les ordres du Prince de Waldeck qui fut a la teste de fon corps tout le jour et S.A.R. pria le Marechal d’avancer autant que fon terrein le permettroit vers Herderem et d’attaquer le flanc de l’ennemi, ce quil fit chassant l’ennemi du village d’Elcht qui est en front de la montagne d’Herderem ou il avoit pris poste la nuit précedente. L’aile droite ne put cependant avancer aussi loin que la cense par ce quen descendant vers le front du village de Vlitinghem, elle auroit exposé fon flanc a ce corps que l’ennemi avoit fur Herdereen qui êtoit tres confiderable, joint a vne batterie de 18 livres de bale ; et il etoit necessaire detre très attentif a Bilsen de crainte que l ennemi nentourat nôtre flanc droit ; cependant par son mouvement cette aile empescha lennemi de detacher davantage de troupes de fa gauche a fa droite.

L’ennemi commença alors a faire avancer plus d’jnfanterie de sa reserve de Rempst descendant toute a Laweld et partie de fa cavalerie de la droite descendit au centre afin de foutenir l’jnfrie ; alors par la mauvaife conduite de quelques escadrons du centre qui voyant l’jnfanterie devant eux fort preffée et fuir, au lieu d’y remedier en la foutenant tournerent vers la droite et renverserent 5 bataillons du corps de referve qui venoient de la droite vers Laweld. S.A.R. courut immediatement a la teste de la cavallerie et tacha avec lassistance du major general hollandois Cannenberg, qui fit tout ce qu’un homme peut faire, de les rallier, mais inutillement : les escadrons ennemis les avoient deja enfoncés et achevé de mettre la confusion et de diviser l’armée. Ce fut avec difficulté que S.A.R. rejoignit l’aile gauche dont le flanc droit et celui du village quelle foutenoit etoient exposés a deux feux.

Quoi que S.A.R. eut fouhaité plus d’jnfanterie de l’aile droite avant ceci et que fix autres bataillons etoient en marche pour le joindre, cette deroute inattendue derangea tellement touttes les mefures qu’on auroit pu prendre, quil etoit temps de penfer a faire une bonne retraite a Maestrick. Neanmoins la cavallerie de la gauche et quelques escadrons jmperiaux fous les ordres du major general Bournonville, qui s’est extremement distingué, qui avoient commencé a favancer auparavant conduits par le chevalier Jean Ligonier, avoient deja poussé fi loin quils etoient fur le point de charger la cavalerie françoife, ce quils firent en effet avec tant de fuccès quils renverserent tout devant eux, mais trop ardens dans la pourfuite de l’ennemi ils recurent un rude feu de l’jnfrie que l’ennemi avoit postée dans un chemin creux et quelques hayes pour favoriser la fuite de fa cavalerie, par ou ils soufrirent beaucoup et disperserent cependant cette jnfrie et quelques escadrons nouveaux que l’ennemi fit descendre fur eux ; mais tout cela etoit inutile tandis que l’armée etoit coupée en deux ; c’est pourquoi S.A.R. les rapella et fit dire au Marechal de se retirer vers Maestricht et qu’il fe porteroit vers Weltwesel et Lonaken pour favoriser fa retraite. Cecy fait l’aile gauche fe retira lentement et en bon ordre emportant toute la grosse artillerie de campagne quoi quelle fut avancée devant le village de Laweld. Jl etoit impossible demporter le petit canon que nous avons perdu, les roues de la plupart êtant caffées et dautres etant trop en avant lorsque nous avons commencé la retraite. L’ennemi nous cannona dans la retraite mais ne tenta rien de plus voyant le bon ordre dans lequel nous la faisions et fachant combien il avoit deja confiderablement foufert.

L’aile gauche arriva a Maestrich fur les 5 heures, les Hollandois et l’aile droite a 7 heures. L’ennemi paroissoit avoir envie dattaquer le Prince de Wolfenbuttle qui faisoit l’arriere garde, mais apres avoir tiré quelques coups de petit canon de part et d’autre, il trouva lentreprife trop difficile et fe retira.

Jl est impossible de louer asséz la conduite des generaux de cavallerie et d’jnfrie. Le chevalier Jean Ligonier, qui a chargé a la teste des dragons anglois avec cette habileté et ce courage quil a fait voir en tant d’occasions et enquoi il a êté fi bien fecondé, a eu le malheur d’avoir fon cheval tué dans la feconde charge de la cavalerie et dêtre fait prifonnier. Le major general Comte d’Jssembourg, qui commandoit la cavallerie hessoise, a êté bleffé et fait prisonnier. Le major general Bland est bleffé dans le bras, mais ce ne fera rien.

Le Lord Albermale a fait tout ce qu’on peut attendre d’un officier, comme la conduite de l’jnfrie angloise le prouve fufisamment. La conduite du major general Howard, des brigadiers Price, Houghton et Mordaunt qui etoient tous au village avec leurs brigades na pas besoin d’expressions pour l’etablir.

Le general Sommerfeldt, le lieutenant general Druchlebez, le major general Zastrow et le refte des officiers hanoveriens ont fait honneur a leurs corps.

Le Prince de Hesse a rallié fon jnfrie differentes fois avec toute l’intrepidite et le sang froid poffibles.

Jl feroit injuste au reste de dire qu’aucun corps des troupes royalles ou electoralles de S.M. ait mieux fait que les autres quoi que quelques uns ayent êté plus exposés ; en vn mot l’ennemi nous doit la justice d’avouer que fon fuccès luy a couté cher.

Notre perte en tués, bleffés et perdus monte a 4000 et quelques uns, et celle de l’ennemi ne peut aller a moins qu’a 10000 parmi lesquels on compte 4 lieut generaux. Nous avons pris au dela de 60 officiers et 700 hommes. Parmi les officiers font le brigadier Marquis de Blondel et le 4e frere de Mylord Dillon qui commande le regiment de ce nom.

Nous avons pris a l’ennemi 5 etandars et 7 drapeaux. Nous avons perdu 4 des premiers et les hanoveriens un drapeau.

N.B. : la liste exacte des tués, bleffés, perdu ou prifonniers fera publiée dans la gazette de samedy.

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