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Source :
SHAT - Archives du génie, article 15, section
1, § 4, carton 2, pièce 16.
Relation de la bataille près de Tongres donnée le 2 juillet 1747 entre les armées françoises et alliées.
Après que le Marêchal de Saxe fût informé le 29 que les Alliés avoient dirigés leur marche vers Mastrick, il donna ses ordres aux differents corps des trouppes qui étoient placés en echelle depuis Louvain jusqu'à Tongern d'y joindre M. le Cte Clermont Prince. Il donna le même ordre à la grande armée qui étoit entre Louvain & Malines de suivre à minuit ; pour lui il partit à 6 heures du soir & arriva le 1er à 7 heures du matin auprès de Tongers. Le Marêchal poufsa Mr le Cte d'Etrée & le Cte de Clermont Prince avec leurs corps de trouppes au delà du Tongerberg, & se rendit sur une hauteur où nous trouvames les Alliés en préfence. On étoit en doute si c'étoit toute l'armée ou un corps de 14 à 15 mille hommes que le Pr. de Wolfsenbuttel & le Gen. Taun commandoit, et dans la supposition que ce corps d'armée étoit separé de leur grande armée on s'arrangea à l'attaquer le 1er à 10 heures du matin ; mais quand on sût qu'ils étoient là avec toute leur force, on ne pafsa pas outre, on se contenta de rester en panne avec les trouppes que l'on avoit, & l'on s'appuya par l'aisle droite au village Remps qui fut soutenu par le Pr. de Clermont.
Les Alliés pour nous dépafser par leur gauche, & s'afsurer ce flanc là firent avancer vers les 6 heures du soir un corps de 12 mille homes avec du canon & de mortiers, canonnêrent et bombardêrent le village pendant une couple d'heures puis se repliêrent. Avant cette canonade le Roi arriva & se tint sur une hauteur au village de Vieux Elderen, où étoit le Mar. de Saxe. Pendant ce tems là on fit avancer & poster les trouppes à mesure qu'elles arrivoient, l'on renforca notre aisle droite, tant pour empêcher les ennemis en cas d'attaque d'y percer, que pour y commencer notre attaque le lendemain. La nuit vint ; le Roi se retira au village d'Herderen, le Marêchal & tout le monde pafsa la nuit sur cette hauteur, & les deux armées restêrent sous les armes. Pendant la nuit et vers la pointe du jour notre grande armée arriva, et l'on continua à la ranger selon l'ordre et la disposition que le Mar. avoit faite. Cecy dura jusqu'à 7 heures du matin, les ennemis sans faire aucun mouvement, firent mettre le feu à deux villages, qui couvroient leur front. Le Mal se posta après les 7 heures en avant de ses lignes pour recoñoitre et se decider sur son point d'attaque, il abandoña son premier defsein de les prendre par le flanc gauche, et se fixa à l'attaque d'un village au centre nommé Loeffelt ; il en chargea le Cte Clermont Prince. Quand les Alliés fûrent afsurés que c'étoit à cet endroit là qu'on voulût les entamer, ils firent mettre 50 pieces en batteries sur les flancs de ce village, & y mirent autant de monde qu'il pût en contenir. Notre attaque comenca à 8 heures du matin, mais elle ne reuïfsoit point, par ce qu'elle n'étoit pas afsés foutenue, on en fit une seconde plus forte, mais nous fûmes repoufsés & chafsés du village une seconde fois avec beaucoup de perte ; le Mal s'opiniatrant fît faire une troisieme plus forte, & ayant commandé un gros corps d'jnfanterie qui prenoit le village par son flanc gauche, & qui couppoit les corps d'jnfanterie qui venoient de leur centre & de leur aisle gauche, et qui nourifsoient toujours les trouppes de ce village, & qu'il eut fait avancer une batterie qui foudroyoit la droite du village, nous nous en rendimes maitre après 4 heures d'attaque. Les trouppes qui l'avoient defendu se repliêrent vers leur ligne d'jnfanterie, qui étoit à cent pas derriere le village, et nous debouchames avec jnf. et cav. à notre gauche du village où il eut force de choqs de cavrie et d'attaque de cavrie contre l'jnfrie des Alliés, qui commencoient dès lors à se retirer, comme il y avoit encore un grand feu à la queue du village, le Mal se posta à la droite et deboucha avec peu de monde à la droite du village ; nous y decouvrimes tout leur centre & leur aisle gauche, et vimes qu'ils se retiroient avec ordre faisans un espece de quarré à 3 flancs contre un autre village derriere Loffelt. Le Mal fit venir vite quelques pieces de canons qui les fouetterent de facon qu'ils se prefsêrent dans leur retraite, et la firent par deux collones, come cependant toute leur aisle gauche de cavrie étoit encore en ordre, il y eut là beaucoup de combats de cav. où un esquadron hefsois fit une très belle manoeuvre. Mr. de Ligonier, qui étoit avec la cavrie angloise à la gauche, se mit à la tête de 3 esquadrons de Royal Ecofsois, & prit avec le corps de Trips notre aisle droite de cavrie en flanc, le renversa et le mena fort loin en grand desordre. Le Mal arrivant avec des esquadrons frais fit donner les Carabiniers, qui culbuterent les Anglois, où Mr. le gen. Ligonier fût fait prifonnier, et notre aisle droite se remit.
Nous poufsames avec une vingtaine d'esquadrons les deux colonnes d'jnfrie qui se retiroient vers Mastrick, et après que nous fûmes arrivés avec ces esquadrons sur les hauteurs de cette ville nous restames en ordre de bataille, & le Mal retourna vers le Roi pour lui rendre compte de la victoire. Le Roi l'embrafsa tendrement et lui fit les plus sensibles demonstrations de la satisfaction qu'il avoit de cette journée. Mr le Mal en s'en retournant vers le Roi avoit donné ordre aux officiers generaux qui commandoient notre droite de donner dans les flancs des eñemis qui se retiroient pour les amuser, en attendant qu'il disposeroit son aisle gauche et le corps de reserve pour donner dans leur aisle droite composé d'Autrichiens. Etant donc arrivé auprès du Roi il fit ses dispositions dans le minute pour marcher sur la hauteur, & y marcha sur l'heure même avec canons, cavrie & jnfrie vers les Autrichiens. Il fût fort étonné étant en haut de remarquer que la partie de notre armée qui devoit donner dans les flancs des Alliés ne branloit point, il y envoya, mais quand nos gens se mirent en mouvement, c'étoit trop tard ; après donc que nous eumes canoñé leur arriere garde ils prefsêrent le pas, & cette aisle droite des alliés eut le bonheur d'echapper pour la negligence de quelques officiers gaux qui se conduisirent dans cette occasion trop mollement, on ne prit qu'une centaine de pandours. Après cela le Roi et le Mal se rendirent à la grande commanderie qui étoit le quartier du mar. Bathiany, où ils couchêrent & toute notre armée sur le champ de bataille. Les ennemis se retirêrent au delà de la Meuse où ils campent comme ils peuvent.
Cette journée a été des plus memorables qu'on aye vû long tems par le nombre des trouppes qui composoient les deux armées et le defsein le plus hardy qu'on aye peutêtre jamais formé. Les Alliés étoient avec leur armée de 100/m combattans postés d'une façon qu'il parofsoit impofsible de les entamer. Ils avoient le terrain le plus parfait pour la defensive, leurs aisles appuyés à des villages & ravins, tout leur front couronné de même par des ravins et des villages ; cependant, le jugement superieur du Marêchal, sa fermeté, l'activité de se porter partout où sa présence pouvoit donner de la vigueur aux attaques, et la valeur des trouppes ont surmonté tout cela. Je voyois des moments fort critiques, & si les Alliés en auroient sû prendre avantage, ils auroient pû nous mettre dans les plus grands embarras & nommêment les Autrichiens. La bataille a été extremement meurtriere. Nous avons perdu six mille homes tués et blefsés dont il y a mille officiers, les Alliés neuf mille. Nous avons pris des etandars, timbals & 23 pieces de canons. Les Alliés ont aufsi emporté des drappeaux & etandares. Il faut dire que notre jnfrie a fait des prodiges de valeur dans l'attaque de village, & la cavrie qui soutenoit l'attaque, a été battu en brêche pendant quatre heures de tems par 40 pieces de canons sans branler. Tous les colonels anglois qui étoient au village au nombre de six ont été tués avec un grand nombre d'officiers de marque. Nous avons perdu le Cte de Baviere d'un boulet de canon, et mille officiers tués ou blefsés. Nous avons appris aujourd'hui qu'il y a une grande animosité dans les nations qui composent l'armée des Alliés. Ils ont été obligé de séparer les corps.
Le Roi fera demain le revüe de son armée, & puis on fera la rejouifsance.
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