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Source :
SHAT - Archives du génie, article 15, section 1, paragraphe 4, carton 1, pièce 21.

 

Relation de ce qui s'est passé sur le Rhin depuis le 29 juin jusqu'au 5 juillet, jour de l'attaque de Weissembourg par l'armée française.

 

Le 29 Juin, 500 hommes de l'armée autrichienne, tant Pandours que Croates, passèrent le Rhin auprès du village de Scherck. M. de Skendorf qui avait son camp à Gemersheim en ayant été averti, ordonna qu'on envoya des troupes dès le soir même pour les chasser. Ses ordres ne furent point exécutés, et les troupes impériales bavaroises, au lieu de partir le soir, ne se mirent en marche que le lendemain matin. Ce retardement donna moyen aux ennemis de jeter un pont pendant la nuit et de faire passer un corps de troupes assez nombreux pour repousser la cavalerie que M. de Skendorff avait envoyé dans cet endroit et s'établir dans le village de Limersheim.

Le premier juillet, M. de Skendorff donna avis à M. le maréchal de Coigny de ce qui s'était passé la veille et, sans marcher aux ennemis, il envoya une partie de sa cavalerie sous Landau.

Sur cette nouvelle, M. le maréchal de Coigny fit partir à l'instant M. le Comte de Coigny et M. le marquis de Croissy avec tous les dragons suivis de 10 bataillons commandés par M. le marquis du Chatelet. Ils arrivèrent à Gemersheim le 2 au point du jour et trouvèrent les bagages de M. de Skendorff qui commençaient à se mettre en marche pour défiler vers Landau. M. le comte de Coigny, qui ne s'attendait pas à cette manœuvre, demanda à M. de Skendorff quel était son projet. Ce général lui répondit que les Autrichiens étant en force à Leimersheim, il ne voulait pas être fait prisonnier à Gemersheim. M. le comte de Coigny lui ayant fait entendre que les troupes qu'il amenait à son secours étant moins pour favoriser sa retraite que pour attaquer les ennemis, il le suppliait de marcher ensemble à lux afin de les chasser du poste qu'ils occupaient ; après beaucoup de pourparler, M. de Skendorff se détermina à aller reconnaître le terrain où étaient les ennemis. On y marcha avec ce qui était demeuré à Gemersheim de la cavalerie de l'Empereur, quelques compagnies de grenadiers, deux bataillons des troupes impériales et un bataillon de Royal Bavière : nous allâmes au village de Hert et, débouchant dans la petite plaine par delà Hert, nous poussâmes nôtre infanterie jusqu'au village de Kurl (Kuhardt) dont elle borda les hauteurs, faisant remplir la plaine par la cavalerie impériale. M. de Skendorff, ayant bien reconnu le terrain, parut consentir à attaquer les ennemis et dit qu'il allait envoyer chercher son infanterie. M. le comte de Coigny envoya aussitôt chercher nos troupes qui arrivèrent peu de temps après, mais les ordres de M. de Skendorff n'ayant pas été exécutés aussi ponctuellement qu'ils auraient dû l'être, l'infanterie impériale n'arriva que vers les 4 heures après midi, précédée par les 10 bataillons français. Nous nous croyons au moment d'attaquer, quand M. de Skendorff dit a M. le comte de Coigny qu'il avait des avis certains que les ennemis étaient plus forts que nous, qu'ainsi il pensât à sa retraite, et que, pour lui, il allait faire la sienne. Nous nous retirâmes et allâmes camper à Gemersheim. M. le maréchal de Coigny devait arriver le soir à Lingenfeld, d'Oggersheim où il était campé, et avait mandé à M. de Montal, campé à Gundelsblum, près d'Oppensheim, de se porter en diligence avec toutes ses troupes sur Landau.

Le 3 au soir, M. le maréchal de Coigny partit avec toutes les troupes qui étaient à Gemersheim et à Lingenfeld, étant suivi de l'armée impériale qui faisait l'arrière-garde, dans le dessein de gagner les lignes de la Loutre avant que les ennemis s'en fussent emparés. Notre marche se passa tranquillement et nous campâmes à Rokoback, près de Bellicum (Billigheim). M. de Montal arriva le même jour avec toutes les troupes qu'il commandait auprès de Landau.

Le 5 au matin nous nous mimes en marche pour aller gagner le moulin de Bewald (Bienwald) et rentrer dans nos lignes par le pont de ce moulin ; M. de Montal en fit autant marchant sur notre droite par la grande chaussée de Landau a Weissembourg.

En arrivant au village de Scheid, M. le Marchal apprit que les ennemis étaient maîtres de Lauterbourg, de Weissembourg et de toutes les lignes de la Loutre. M. le maréchal prit sur le champ son parti et, marchant par sa droite, il se porta sur Weissembourg. M. de Montal avait envoyé toute la nuit le régiment de dragons de l'Hôpital et celui de Saluces Cavalerie pour s'emparer de Weissembourg, mais ils ne purent y arriver avant les ennemis, et en voulant entrer dans le village d'Alstatt ou des Picards, ils furent chargés par un corps d'environ 2000 hommes tant Croates que hussards qui leur tua beaucoup de monde et les obligea de se replier sur nous. Sur l'avis que nous en eûmes, les dragons commandés par M. le comte de Coigny et M. le marquis de Coigny, qui faisaient la tête de la colonne, suivis des piquets de la gendarmerie s'y portèrent en diligence et chassèrent les ennemis de la plaine. Les régiments de dragons de Vibraye et de Nicolaï mirent pied à terre et s'emparèrent du village sur leur gauche, qui était occupé par un grand nombre de Pandours qui se retirèrent avec précipitation, ainsi que les autres troupes, derrière les lignes de la Loutre ; ce combat donna le temps à M. le maréchal, qui marchait à la tête de la gendarmerie, d'arriver sur le terrain : lorsqu'il reconnu que Weissembourg, le village d'Altstadt et la partie gauche des lignes de la Loutre étaient occupés par un corps considérable des ennemis, il résolut de faire attaquer le tout à la fois et quand ses troupes furent arrivés, il ordonna les trois attaques suivantes.

Celle de Weissembourg, commandée par M. du Montal, lieutenant général, MM. de Brumer, de Maulevrier, maréchaux de camp, avec les régiments de Champagne, Laval, Bouzobr, La Marck et deux bataillons du régiment de Royal Bavière et 4 pièces de canon, le tout soutenu par un corps de cavalerie.

Celle du moulin entre Weissembourg et Alstatt, commandée par M. de Clermont-Tonnerre, lieutenant général, M. de Reffuges et M. le Prince des deux Ponts, maréchaux de camp, avec les régiments de Montmorin, Bigorre, Cambrésis, Foretz, Alsace, Nice et les deux bataillons d'Enghien soutenus par la gendarmerie et partie de notre cavalerie.

Celle d'Alstadt, commandée par M. de Skendorff avec 10 bataillons impériaux, 3 bataillons français commandés par M. de la Brunie, lieutenant colonel de Bourbon Infanterie et soutenue par tous les dragons.

Vers les cinq heures du soir, les impériaux attaquèrent le village d'Alstadt et les deux autres attaques commencèrent un moment après. Les troupes s'y portèrent avec une valeur et une vivacité inexprimable. Weissembourg fut emporté l'épée à la main sans qu'on eut besoin du canon qu'on y avait conduit ; il en fut de même du moulin et des lignes dont les ennemis retirèrent leur canon avec beaucoup de précipitation, ce qui détermina les troupes qui défendaient le village d'Alstadt à faire aussi leur retraite. Toute notre armée, qui était pour lors arrivée, se porta sur trois colonnes dans les lignes et nous occupâmes la plaine appuyant notre gauche au village d'Alstadt et notre droite à la hauteur du Cockberg. Les ennemis ont perdu dans cette action plus de 3000 hommes. Nous avons fait de plus environ 600 prisonniers dans Weissembourg et pris deux drapeaux. Nous y avons perdu fort peu de monde. M. de la Tour du Pin, colonel du régiment de Bourbon Infanterie y a été blessé légèrement.

 

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