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Source :
SHAT - Archives du génie, article 15, section
1, paragraphe 4, carton 1, pièce 11.
Au camp de Seligenstadt
Le 30 Juin 1743
Sur le mouvement que firent les ennemis le seize et 17 en quittant leur camp de Hoeschst au dessous de Francfort, pour se rendre sur le haut Main, l'armée du Roi quitta son camp de Gereau et se porta en 3 marches dans la plaine vis avis la Ville d'Aschaffemburg.
Cette ville appartient à l'Electeur de Mayence ; elle est située sur la rive droite du Main, et les ennemis s'en étaient déjà emparés parce qu'elle était de leur côté.
Leur armée était campée le long de la rivière et n'en était éloignée que de deux portées de carabine ou environ, et leur camp était adossé à la montagne. Ils avaient leur droite appuyée au village de Kleinosthein et leur gauche à la ville d'Aschaffemburg. Ces deux endroits touchent à la montagne, et sont immédiatement sur les bords du Main.
Notre camp était vis avis du leur, le seul Main entre deux. Nous avions notre droite appuyée au village de Grossostheim, la gauche vis à vis le pont de pierre d'Aschaffemburg pour le masquer, telle était la disposition des 2 armées.
L'impossibilité de marcher aux ennemis qui étaient sur une rivière qui a au moins 60 toises de large fit prendre le parti à Monsieur le Maréchal (de Noailles) de les affamer dans leur camp.
Pour cet effet, il fit occuper sur le bas Main le Gross-Welzheim, Seligenstadt et Steinheim, et sur le haut Main Niedernberg, Obernburg, Beyberg, Wörth, Klingenberg, et Miltenberg. Cette dernière ville était pour nous d'une extrême conséquence à cause de la communication quelle pouvait donner aux ennemis avec les troupes de la Reine de Hongrie qui se trouvaient dans le Haut Palatinat de Bavière.
Par ce moyen toutes les subsistances qu'ils tiraient de Mayence par le bas Main ou de Franconie et du pays de Wurzbourg par le haut Main, leur furent entièrement coupées, de sorte que pendant 2 jours le pain manqua entièrement dans leur camp et que le soldat fut entièrement réduit à la demi ration. Les ennemis ne pouvant alors se soutenir plus longtemps dans une pareille position furent forcées de décamper la nuit du 26 au 27.
M. le Maréchal en fut averti à une heure après minuit, et monta aussitôt à cheval, et donna ordre aux troupes de se tenir prêtes à marcher.
Il se porta ensuite lui même en avant. En côtoyant le Main, il aperçut qu'effectivement les ennemis étaient en plaine marche sur 2 colonnes et qu'ils prenaient le chemin de Hanau, tant par la route ordinaire que par celles qu'ils s'étaient ouvertes sur la pente de la montagne à travers des bois.
M. le Maréchal, s'y étant ainsi assuré par lui même de leur marche, se rendit sur le champ de Seligenstadt où il y avait établi 2 ponts sur le Main, sur lesquels, aussitôt qu'il y fut arrivé, il fit passer les 3 brigades qui étaient campées, et les brigades furent jointes peu de temps après par celle des Gardes Françaises et celles de Noailles qui avoient reçus les premiers ordres de marcher.
Il fit aussitôt passer à des gués qu'il avait fait reconnaître 12 escadrons de cavalerie, 11 de dragons et environ 6 de hussards. M. le Maréchal forma aussitôt une première disposition pour ces troupes et plaça une brigade d'infanterie dans le village de Klein-Welzheim, sur les bords du Main, qui fermait notre droite. Notre gauche était appuyée à un bois, et nous avions la cavalerie dans le centre. Par cette position, la plaine se trouvait fermée, et M. le Maréchal laissa des officiers généraux pour placer, suivant cette première disposition, les troupes qui arriveraient et aux quels on avait envoyé ordre de marcher.
Il repassa ensuite le Main pour observer le mouvement des ennemis et leurs manœuvres sur leur flanc. Il vit qu'ils commençaient à se former, il envoya ordre qu'on occupa le village de Dettingen qu'on lui venait d'apprendre que les ennemis venaient d'abandonner.
M. le Maréchal était encore en-deça du Main lorsqu'il vit qu'au lieu d'exécuter cet ordre, les troupes s'avançaient au-delà du village de Dettingen par un défilé qui était formé par un ravin sur le quel il n'y avait qu'un seul pont. Cette démarche était audacieuse et ne pouvait être fondée que sur ce que l'on comptait ne trouver qu'une simple arrière-garde au lieu de toute l'armée qui y était. C'est à quoi l'on doit attribuer de n'avoir pas eu le succès que nous avions lieu d'attendre de notre première disposition.
M. le Maréchal y accourut bientôt, mais les cinq brigades d'infanterie et quelques cavalerie étaient déjà passées ; il ne songea plus alors qu'a faire la meilleure disposition, selon que le terrain le permettait, n'étant plus possible, pour plus d'une raison, de passer le défilé.
Les ennemis étaient déjà en bataille et à portée de nous. L'ordre fut donné de les laisser tirer les premiers et d'avancer sur eux. L'action commença à une heure. Le feu des ennemis fut des plus vifs et des mieux suivi. Nos troupes furent 3 fois à la charge en se ralliant même sous le feu des ennemis. Mais comme il n'était plus possible de les rompre, attendu qu'ils étaient sur plusieurs lignes, appuyés au Main et à des bois qu'on ne pouvait tourner, on pressa M. le Maréchal de Noailles, sur les 4 heures, d'ordonner la retraite. Il se rendit aux représentations qui lui en furent faites. Toutes nos troupes repassèrent le défilé en ordre et sans être suivies, se remirent ensuite en bataille et regagnèrent ensuite leur camp, l'infanterie en repassant le Main sur nos 2 ponts et la cavalerie au gué.
Les ennemis conviennent avoir perdu 1700 hommes de tués sur le champ de bataille, une grande partie par l'effet de notre canon. Ils ont encore eu plus de blessés que de notre coté. Nous n'avons pas perdu plus de 600 hommes et le nombre de blessés ne va pas a plus de 1200 dont on peut même regarder le quart comme n'ayant que de simples blessures puisque 350 soldats sont partis à pied pour se rendre aux hôpitaux qui sont sur les derrières.
Nous avons perdu 4 étendards, ceux qui les portaient ayant été tués avec leurs chevaux et nous leur en avons pris 3.
Le régiment d'Auvergne a prit une pièce de canon pendant le combat.
Les ennemis se retirèrent pendant la nuit et le firent avec tant de précipitation qu'ils abandonnèrent 2 de leurs pièces de canon avec un grand nombre de leurs blessés. Nous en avons actuellement ici plus de 600 que M. le Maréchal a fait retirer de dessus le champ de bataille et de quelques villages voisins pour les transporter dans des hôpitaux et dont il fait prendre le même soin que des nôtres.
Nous avons perdu entre autres M. le duc de Rochechouart.
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