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Source :
SHAT - 1M 1710, pièce 7

 

Observations sur le service de l’armée françoise en Allemagne

Cette armée ne peut remplir les vües de son général que par un travail raisonné, pendant l’hiver où les officiers généraux et particuliers préparent les troupes pour qu’elles puissent manoeuver avec intelligence et promptitude la campagne prochaine. Jl paroit donc essentiel que les évolutions des regimens soient dirigées par une instruction relative à l’usage qu’on se propose d’en faire ; que cette instruction soit donnée en entrant dans les quartiers, et qu’avant l’ouverture de la campagne, Mrs les majors et maréchaux des logis généraux visitent les exercices pour rendre compte au général des progrès des regimens, qu’il voudra bien voir, par lui même, à l’assemblée de l’armée, brigade par brige, annonçant qu’il rendra compte à la Cour des regimens qui se distingueront, pour qu’ils ayent des graces plus considérables ; mais il faut aussi que Mrs les officiers généraux étudient les grandes manoeuvres pour pouvoir les exécuter au milieu d’une action, lorsque les mouvemens de l’ennemi les obligeront de changer leur ordre.

 

Grandes manoeuvres.

Pour bien donner l’intelligence des manoeuvres dont on peut ordonner l’exécution pendant une bataille, il faut commencer par établir la force des divisions et le raport de leurs manoeuvres particulières avec le mouvement général de l’armée.

Vn lieutenant général attaché a l’jnfanterie doit avoir sous ses ordres 16 bataillons et 8 piéces de parc,

vn maréchal de camp 8 bataillons et 4 piéces,

vn brigadier 4 bataillons.

Vn lieutenant général attaché à la cavalerie aura sous ses ordres 24 escadrons, 8 piéces de parc ; vn maréchal de camp 12 escadrons et 4 piéces, et vn brigadier 6 escadrons.

Les manoeuvres d’une armée consistent en 4 principales :

1° déploïer les colonnes en bataille sur deux lignes,

2° charger l’ennemi en ligne où posté avec diferentes armes, et faire un quart de conversion des troupes victorieuses sur le flanc de l’ennemi,

3° former la retraite générale de l’armée,

4° reformer l’armée après une victoire.

En quatre de détail pour des divisions :

1° former des colonnes de retraite par division,

2° attaquer l’jnfanterie hors de ligne avec des divisions de cavalerie,

3° faire soutenir une attaque séparée par l’arme la plus propre a procurer le succès au corps qui attaque,

4° tourner un poste ennemi par une manoeuvre vive sur son flanc ou sur ses derrières.

 

Ordre de bataille en plaine

Na : de cet ordre on peut aisément former des colonnes pour attaquer des postes ou des villages ; et comme les dispositions varient à l’infini, on ne parle pas ici des attaques de poste.

L’jnfanterie au centre, la cavalerie sur les ailes ; l’jnfanterie du centre sera séparée en 3 sections de 1ere et de 2e ligne ; chaque section sera composée de deux divisions de lieutenant général ; chaque division sera en première et 2e ligne. Chaque division de lieutenant général ayant 8 bataillons en premiere ligne et 8 en seconde, aura en 3e ligne vis à vis de l’intervalle qui la sépare de l’autre, quatre escadrons de piquet en colonne pour charger l’jnfanterie ennemie au 1er désordre et l’empêcher de se rallier ; ces piquets ne seront point chargés et n’auront que leurs manteaux.

La cavalerie des ailes sera en muraille en première ligne et avec des intervalles en seconde ; chaque extrémité d’aile sera renforcée par une brigade d’jnfanterie en colonne, pour pouvoir, par un à droite où à gauche par bataillon, former un flanc, et faire feu sur ceux qui poursuivroient la cavalerie, après l’avoir enfoncée.

Les dragons et hussarts seront partagés en deux, la moitié en 3e ligne derriere la droite, et la moitié en 3 e ligne derrière la gauche ; ils seront en colonne par escadrons pour déboucher sur le flanc de l’aile de cavalerie ennemie si la premiere charge a du succès ; si au contraire notre cavalerie étoit battüe, ils pourroient faire un quart de conversion sur le flanc de la retraite de la cavalerie et charger les vainqueurs en flanc, tandis que la brige d’jnfanterie de l’aile feroit aussi une decharge sur le flanc.

La reserve sera composée des grenadiers, carabiniers, de la gendarmerie, de deux brige d’jnfanterie, et de deux de cavalerie ; elle sera disposée comme on peut voir sur le plan de l’ordre de bataille pour percer, soutenir le centre, les ailes et favoriser la retraite.

 

1er manoeuvre
Deploïement de l’armée

Les colonnes seront disposées de façon que les troupes puissent prendre sur le champ leur ordre de bataille en se formant par la gauche, l’jnfanterie au pas redoublé et la cavalerie au galop ; dés que les tetes des colonnes seront à portée du terrain où l’armée doit se déploîer, on avertira par une bombe de carton qui crevera en l’air ; aussitôt toute l’jnfanterie battra le drapeau, et la cavalerie fera son mouvement, après avoir sonné un appel ; Mrs les officiers généraux se distingueront par la promptitude avec laquelle leurs divisions feront leurs mouvements, par l’alignement des troupes qu’ils commanderont et la justesse des intervales.

 

2 manoeuvre
Charge de ligne où de poste

Les trompettes sonneront et l’on battra la charge sur tout le front ; l’jnfanterie marchera au pas redoublé, la cavalerie au grand trot, et l’jnfanterie conservera son feu le plus longtems possible.

Jnfanterie

L’objet de chaque commandant de division, doit être d’ébranler l’ennemi par le feu de sa premiere ligne et de l’attaque au pas redoublé la baïonnette basse. La 2e ligne d’jnfanterie doit marcher serrée et porter ses armes, mais au pas redoublé aussi. Les 4 escadrons de la division doivent déboucher ventre à terre sur la troupe rompüe, et la culbuter sur la 2e ligne ; l’jnfanterie victorieuse rappellant, se réunissant, et remarchant toujours au pas redoublé à la 2e ligne qu’il lui sera aisé d’emporter par le désordre où l’on aura mis la retraite de la premiere. Dès que les sections de l’jnfanterie auront percé et dispersé l’jnfanterie ennemie, elles se rassembleront, se remettront quelques instans et feront un quart de conversion sur le flanc de la partie d’jnfanterie du front de la ligne qui tiendroit encore pour achever la défaite.

Si les deux lignes ennemies sont battües, comme la bataille est gagnée, tous les bataillons de 1er et 2e ligne feront un quart de conversion à droite par bataillon pour laisser déboucher par leurs intervales toutte la cavalerie de la reserve qui se portera en colonne sur l’jnfanterie ennemie pour achever sa défaite.

Les principes de l’attaque des postes sont de s’y porter en colonne par bataillon ou demi baõn, selon le terrain, et de se deploïer le plus qu’il est possible le long des hayes où retranchemens dont on a chassé l’ennemi pour prendre de toutte part des flancs et des revers sur les troupes qui résistent, afin de gagner la tête du village où le parapet du retranchement, jusqu’à ce qu’on recoive ordre de déboucher. La cavalerie des divisions doit tourner le village pour tomber sur l’jnfanterie qui en sort en desordre.

Cavalerie

Si c’est une charge de ligne, la cavalerie des ailes laissera partir l’jnfanterie de la ligne, avant de faire son mouvement, et quand elle aura trente pas d’avance, elle s’ébranlera au grand trôt, et la 1ere ligne chargera en muraille la cavalerie ennemie ; la seconde suivra serrée ; dans le même moment les dragons et les hussarts déboucheront au grand galop sur l’aile de cavalerie ennemie et y mettront le désordre ; la premiere ligne de cavalerie victorieuse sonnera un appel pour se rallier et laissera aux troupes légéres le soin de maintenir le désordre et de rassembler les prisonniers. Le commandant de l’aile sera alors plus atentif à faire charger, sans autre ordre, toute l’jnfanterie et cavalerie qui voudroit se rallier, ce qui assurera le succès de la bataille et la grande perte des ennemis.

 

3e manoeuvre
Retraite

Si plusieurs attaques successives ne réussissoïent pas, le général fera tirer 20 bombes de carton qui creveront en l’air ; à ce signal, toutes les divisions d’jnfanterie se mettront en colonne par 2 bataillons, et laisseront leurs chasseurs et grenadiers dans les intervales des colonnes  on battra et sonnera la retraite ; on gardera les distances nécessaires pour former des flancs sur les colonnes, en faisant des à droite et à gauche par bataillon, pour que dans le cas ou l’ennemi voudroit percer entre les colonnes, il se trouvât à chacun des flancs de six bataillons, et deux à la tête et à la queüe. La cavalerie déblaïeroit par les ailes des divisions et formeroit 4 lignes d’escadrons par division, le centre soutenant et les ailes marchant. Les brigades des ailes d’jnfanterie et dragons marcheroient en retraite en colonne ; on auroit attention d’alligner la marche des colonnes, et la reserve se deploïeroit, son infanterie au centre et sa cavalerie aux ailes pour soutenir le choc des ennemis et faire l’arrière-garde. Les 4 escadrons de piquet de chaque division d’infanterie marcheroient à la tête de chaque colonne d’jnfanterie.

 

4e manoeuvre
Reformer une armée
apres une victoire

Dés que le général voudra faire arrêter l’armée, après une victoire, et se reformer, il fera tirer à poudre tout le canon de la réserve par trois salves. Alors tous les tambours rapeleront et les trompettes sonneront la marche, chacun se rendra à son drapeau, et se reformera avec la plus grande vivacité dans l’ordre de bataille ; la reserve, les dragons et les hussarts seulement se porteront en avant, ainsi que toutes les troupes légéres, et suivront l’ennemi, jusqu’à ce que le général leur donne ordre de se retirer.

Na : on pourroit ajouter pour cinquiéme grande manoeuvre l’ordre oblique qui consiste a refuser une droite où une gauche qui soutient l’attaque de loin en diagonale.

 

1ere manoeuvre de détail
Former des colonne de retraite

Ces colonnes auront lieu dans le cas où l’jnfanterie battüe craindroit d’être chargée par la cavalerie. Chaque division placera sur chaque flanc un 2 ou 4 bataillons, selon la circonstance et marchera en retraite dans cet ordre.

La cavalerie de premiere ligne battüe passera dans les intervales de la 2e qui s’avancera pour favoriser sa retraite ; la premiere ligne alors se reformeroit en seconde, les escadrons des lignes garderoient des intervalles pour y passer successivement comm’il est prescrit par l’ordonnance pour les retraites.

L’jnfanterie la plus prochaine, ainsi que les brigades d’artillerie favoriseroient cette manoeuvre par leurs feux.

 

2e manoeuvre de détail
Attaquer avec de la cavalerie de l’jnfanterie victorieuse

On suppose que l’jnfanterie commence a replier nos deux lignes, et fait une trouée dans le front, et qu’elle s’avance en ordre au delà du terrain qu’occupoit la seconde ligne.

Les deux divisions d’jnfanterie, les plus proches de l’jnfanterie ennemie victorieuse, se prolongeroient de droite et de gauche sur les flancs, cherchant a se couvrir de haïes ou de ravins, si le terrain le permettoit ; l’on rassembleroit le plus d’artillerie qu’il seroit possible vis a vis le front. Dès que les décharges successives d’artrie et de mousqueterie auroient causé quelques flottemens dans l’jnfanterie ennemie, le cavalerie de la réserve formant 4 colonnes, comme on peut voir dans l’ordre de bataille, partiroit au grand galop du point où elle se seroient avancée pour saisir ce moment, et elle fondroit sur cette infanterie un peu ébranlée, dont le feu seroient entierement épuisé sur les piquets et volontaires, ce qui faciliteroit l’entrée des escadrons et l’entière destruction de l’jnfanterie ennemie. Mrs les officiers généraux saisiroient le moment où cette manoeuvre doit s’exécuter ; c’est une affaire de disposition et de coup d’oeil.

 

3e manoeuvre de détail
Faire soutenir une attaque
separée par l’arme la plus propre à son succès

Si la cavalerie ne reussit pas a battre celle de l’ennemi, jl est certain qu’elle sera poursuivie chaudement, et par conséquent, non seulement elle ne peut se rallier, mais même elle court risque de rompre le seconde ligne. C’est donc aux officiers généraux commandant les divisions d’jnfanterie les plus prochaines, a faire faire les quarts de conversion nécessaires aux bataillons les plus proches de l’attaque pour pouvoir faire feu sur cette cavalerie, ce qui l’arrêtera certainement et la mettra en désordre ; et si la cavalerie qui étoit placée en colonne, fait son mouvement pour prendre en flanc les vainqueurs dejà ébranlés par le feu de l’jnfanterie, leur défaite est sûre, car ils ne seront pas en etat de se reformer pour peu que la charge soit vive ; mais il faut que ces divisions couvrent leurs flancs par un où deux baõns en potence, comme a fait Belsunce à la bataille de Minden.

De même, si l’jnfanterie est repoussée par l’jnfanterie ennemie, il faut que la cavalerie, placée en colonne par divisions, se porte sur le flanc de l’jnfanterie ennemie, qui vraisemblablement sera un peu dérangée par la charge.

Vne excelente manoeuvre dans de certains terrains, c’est de mettre une brigade d’infanterie dans un chemin creux, couverte par une ligne de cavalerie ; la ligne de la notre s’ouvre, et parõit fuir, ce qui engage l’ennemi a s’abandonner ; mais le feu de notre infanterie le met en désordre et l’affoiblit ; notre cavalerie retourne alors et acheve sa défaite ; c’est ce que fit le Prince héréditaire devant M. le Duc de Brifsau près de Minden.

 

4e manoeuvre de détail

Si un officier général s’aperçoit par la situation du terrain où des ennemis, qu’il peut leur dérober la marche de la division sur leur flanc, soit à la faveur des bleds, haïes, côteaux où autrement, jl est certain que cette manoeuvre l’étonnera d’autant plus qu’elle l’oblige a changer son ordre dans le milieu de l’action, et les troupes surprises sont toujours plus disposées a fuir qu’a prendre un parti ; il faut que cette marche soit sans avant garde, et que les 1er coups de fusil soient tirés par les grenadiers ou les coups de sabre donnés par les escadrons qui doivent alors être en muraille pour causer un plus grand désordre s’il s’agit comme à L’haufeld de couper une colonne qui rafraichit un village ; il faut disposer les divisions comme pour l’attaque de ligne sur un petit front.

 

Nottes particulières sur diferens sujets

Vne des plus grandes incommodités que les officiers éprouvent pendant la campagne, venant des mauvais valets ; on propose d’y remédier par le moien suivant : c’est l’établissement des Trabans ou soldats domestiques.

Les vaguemestres de chaque regiment qui auroient rang d’officier seroient commandant de la compagnie des Trabans de chaque regiment ; les Trabans feroient la fonction de domestiques, mais ils seroient armés et chargés de la garde des équipages ; ils porteroient l’uniforme du regiment, et seulement une éguillette des couleurs de l’officier auquel ils seroient attachés ; il seroit retenu sur les appointempens de chacun des officiers 12s par jour pour former la païe de leurs Trabans, 24s s’ils en avoient deux & sur ces 12s il en entreroit 2s en masse pour l’habillement et entretien de l’équipement de chaque Traban, et les dix autres leur serviroient pour l’ordinaire et la petite mafse ; dans la cavalerie et dragons, les officiers pourroient monter leurs Trabans, selon le nombre de chevaux qu’ils doivent avoir. On recruteroit pour les Trabans, comme pour les troupes ; ils serviroient beaucoup à la défense des équipages ; sur dix Trabans, on mettroit un sergent qui seroit attaché au capitaine ; un de ces sergens seroit commandé de piquet, par jour, pour voir si les chevaux des officiers seroient bien pansés, et pour conduire en ordre les domestiques au pain et à l’abreuvoir ; le vaguemestre capitaine des Trabans et tous les sergens marcheroient au fourage pour tenir la regle parmi eux ; par ce moïen jl n’y auroit pas tant de désordre, et les officiers en seroient mieux servis et à meilleur marché. Il faudroit donner à ces soldats Trabans les invalides en cas de blessures où de vétusté, et les instruire d’un exercice qui auroit pour objet la defense des équipages. par ce moyen les troupes légéres trouveroient partout des coups de fusil. Il faudroit 10 à 12 Trabans surnumeraires par bataillons, en cas que les autres soient malades où en prison ; on enrôleroit pour ce corps ceux qui seroient trop petits pour être soldats ou trop agés.

 

Compagnies franches

On pourroit créer, pour la guere, un certain nombre de compagnies franches qui ne seroient pas de plus de 80 hommes chacunes, jnfanterie où cavalerie ; elles seroient commandés par des bas officiers tirés de ces deux corps, et auroient des privileges semblables à ceux des armateurs sur mer, c’est à dire que les officiers n’auroient rang de capitaine d’armateur, et seulement celui d’officier des troupes du Roy s’ils faisoient de belles actions. On les puniroit sévérement s’ils pilloient les villages. Ces sortes de gens donneroient de grandes connoissance sur le païs.

 

Vivandiers

L’on pourroit établir, à la suite de chaque regiment, quatre vivandiers par 4 escadrons et par bataillons, qui auroient chacun un chariot attelé de trois forts chevaux ; ils seroient tenus de nourrir, à prix modique les officiers d’un bataillon ou de 4 escadrons de cavalerie ou dragons. Ils tiendroient trois tables sous une grande tente divisée en trois séparations ; la première seroit celle des aides majors et d’un certain nombre de capitaines ; la 2e celle des lieutenans et de l’aumonier, et la 3e celle des enseignes et du chirurgien major ; ils seroient chargés aussi de fournir les cantines pour les détachemens. Le pain et la viande leurs seroient livrés à un prix réglé par les entrepreneurs de ces deux parties. Chaque officier seroit tenu seulement d’aporter sa serviette, son couvert et trois assiettes de fer blanc. Par ce moïen, les équipages des officiers particuliers seroient considérablement diminués, et n’étant pas tant occupés des détails de leur ménage, ils le seroient davantage de leurs troupes.

 

Exercice du corps nécessaire aux troupes

On ne peut se flater d’avoir un bon corps militaire, si l’on ne s’etudie à rendre les hommes vigoureux par le travail des mains et les exercices. On ne scauroit trop faire tirer à la sible, au pistolet, faire apprendre les armes et l’espadron, faire monter à cheval, courir et sauter des fossés, tant aux officiers qu’aux soldats. D’après la nécessité reconnüe du travail des mains pour la bonne constitution d’un soldat, mon avis est qu’il soit employé pendant la paix, a fortifier les places de guerre et a d’autres travaux militaires, et pendant la guerre, a retrancher le camp.

Je voudrois donc que, dès que l’on aura établi que tout sera porté à la tête du camp, on emploïat les soldats qui ne seront plus obligés de courir pour subsister, à se retrancher sur le champ dans leur camp, usage bien estimable et bien utile des Romains ; car on y trouve la sûreté de l’armée et des postes, ainsi que l’exercice continuel du soldat. L’hitoire nous aprend que des armées de gens robustes et faits au travail, ont toujours battus ceux qui n’avoient pas les mêmes avantages. Les retranchemens de campagne consistent en redoutes, flêches, lignes, batteries, palissades, abattis, épaulemens & ces ouvrages se font en gason et en bois. Chaque regiment ne produit pas des officiers propres a conduire ce travail. Cependant, c’est quand les corps sont où détachés à la guere, où isolés dans leurs quartiers que l’on a le plus de besoin de ces sortes d’ouvrages. Il parôit donc nécessaire d’attacher à chaque regiment d’jnfanterie ou cavalerie, un jngénieur de campagne et un sous ingenieur qui ayent étudiés tout ce qui est relatif à cette partie, et qui montreroient les mathematiques aux jeunes officiers, c’est à dire la partie de fortifications qui est nécessaire et le dessein.

 

Observation importante sur l’ordre

Jl est absolument essentiel de faire achetter aux sergens et maréchaux des logis, des tablettes de peau, pour l’ordre, comme les Allemands en ont, et de le faire écrire même au cercle des sergens, ainsi que toutes les consignes des plus petits postes ; la négligence sur cet article occasionne tous les jours des inconveniens três facheux. Il faut aussi défendre que l’on envoye à l’ordre, en l’absence des bas officiers, des caporaux où brigadiers qui ne savent pas ecrire, il vaut mieux un simple soldat qui sache ecrire.

 

Vaguemestre général

Le vaguemestre général sera capitaine ; il comandera les autres vaguemestres qui seront lieutenans, et sera chargé nommément de la police et marche des équipages ; il aura, à cet effet, une escorte de hussarts affecté à la place, et chaque vaguemestre aura aussi un certain nombre de soldats où cavaliers pour se faire obéir. On défendra absolument les sonnettes à tous les équipages.

 

Grands exercices des camps stables

Jl faut de tems en tems dans les camps stables, et où l’on peut marcher et se retirer inopinément, faire la répétition de la marche en avant ou en arriere, pour que les officiers vaguemestres où domestiques connoissent leur communication, directions et qu’il n’y ait point de confusion surtout la nuit ; il faudroit empêcher les païsans d’assister à ces exercices.

 

Gardes et postes

Les gardes se releveront au point du jour à compter du 1er 7bre parcequ’alors les nuits sont assés longues pour faire les dispositions nécessaires pour une attaque au point du jour, au lieu que l’été les troupes seroient trop fatiguées de se relever à trois heures du matin, et que les nuits sont trop courtes pour pouvoir faire une disposition. La cavalerie sellera aussi une heure avant le jour à compter du 1er 7bre et desellera à neuf heures. On suppose etre près de l’ennemi et en païs ouvert.

 

Voitures a la suitte des detachemens

Lorsque l’on commande un détachement, on n’est pas assés attentif a envoier à la suitte un certain nombre de voitures, soit pour ramasser les traineurs, soit pour conduire les blessés amis où ennemis ; il faut nécessairement en proportionner le nombre à la force du detachement.

 

Formation des piquets dans les détachemens

Ne seroit il pas mieux dans les détachemens de faire former les troupes réglées en bataillons où escadrons, les piquets représentans les compagnies ; ces troupes auroient une consistance et un commandant, au lieu que les piquets séparés en petites troupes avec des intervales n’ont plus l’ensemble nécessaire pour une charge, et chaque commandant ayant la disposition de sa petite troupe, dans l’action où l’ordre général, ne peut plus influer, le succès dépend de beaucoup plus d’accessoires, que lorsque la conduite des escadrons et baõns de piquet sera confiée à un seul homme.

 

Escorte des équipages et gardes des officiers généraux

L’escorte des équipages composée comme on est dans l’usage de le faire, des vieilles gardes, et d’un nombre de piquets et compagnies de grenadiers de diférens corps, réussit plusieurs inconvénients : le 1er d’allonger l’ordre et de l’ebruiter par la quantité de petites subdivisions, le 2e de fatiguer beaucoup les troupes en donnant la commission la plus pénible du service à des gardes qui viennent de passer une nuit au bivouac ; les Trabans commandés par un vaguemestre avec rang d’officier, supléent, en partie, à ces inconvéniens, en fournissant une escorte aux équipages des corps. Les gardes des officiers généraux s’y joindroient, et on attacheroit aux équipages un bataillon où une brigade de la cavalerie où des hussarts, selon qu’ils seroient exposés. jl est aisé de voir la diférence de l’ordre sous cette forme où dans la forme actuelle.

 

Exemple

A 6 heure, les équipages de l’armée escortés de leurs Trabans et des gardes des officiers généraux, seront rendus près du moulin de ...... pour en partir tout de suite selon l’ordre des regimens, ceux des officiers généraux, le trésor et l’hôpital ambulant ayant la tête. La brigade de Champagne escortera les équipages aux ordres de M. de ...... marechal de camp.

Jl est aisé de voir quelle diférence il se trouve, entre la simplicité de cet ordre et le détail infini d’une escorte composée de plusieurs piquets et des vieilles gardes.

Jl faudroit créer un regiment qui seroit réformée, à la paix, sous le nom de gardes de l’armée ; les officiers seroient pris parmi les bas officiers d’invalides en etat de servir ou les sergens d’jnfanterie ; ces gardes seroient divisées en autant de troupes qu’il y aura d’officiers généraux et autres personnes qui ont une garde par l’ordonnance. Elles resteroient toutte la campagne attachées à leurs généraux et escorteroient les équipages. On diminueroit les bataillons de ligne, d’un nombre ègal à celui de ces gardes, pour ne pas augmenter la dépense ; on y recevoit des soldats robustes, et même ceux qui ne seroient pas assés bien fait pour les regimens. L’avantage de cet établissement seroit de diminuer le mouvement inutile des troupes qui, excédées de fatigue, courent souvent une nuit entiere pour trouver le logement du général, de donner plus de force aux bataillons en diminuant les petits détachemens, et de procurer aux officiers généraux plus d’avantages par le service d’une garde qui leur seroit attachée personnellement et qui leur rendroit bien donc service que les troupes ne leur rendroient pas.

 

Ordre de l’armée

L’Ordre se donneroit toujours au centre dans la tente des officiers de jour et de piquet, qui y seroit placée, et chaque regiment d’infanterie auroit des ordonnances à cheval pour accélérer la marche de l’ordre.

 

Tranquillité du camp

Jl s’est établi dans les troupes une sorte de gaïeté bruïante qui est contraire à l’ordre et à la subordination ; les jeunes officiers s’assemblent tumultueusement, se jettent des mottes de terre, font un bruit et des cris très indécents dans le camp ; de là vont culbuter les tentes des lieutenants colonels, des 1er capitaines, des officiers qui descendent la garde, et qui ont besoin de repos. A peine le soldat fatigué de sa journée commence t’il a s’endormir, qu’il est réveillé par une troupe de jeunes officiers auxquels on donne le nom de Calottes. Dès qu’on est enrôlé dans cette troupe, tous les excès sont permis. Je suis bien éloigné de blamer la gaïeté qui doit regner parmis les officiers ; mais je voudrois qu’elle ne fut point contraire au service ni à la subordination. Il est donc indispensable de défendre, sous les peines les plus rigoureuses, les assemblées de Calottes, et que toutte plaisanterie de ce genre n’ait jamais lieu dès que la retraitte sera battüe, car tout doit être calme dans le camp, enfin que dans tous les cas, elles ne regardent jamais le lieutenant colonel, les capitaines, ni les lieutenans d’un certain age.

 

Observations sur les voitures

Quoiqu’il paroisse au premier coup d’oeil que les voitures rendent l’armée dificile à remuer, je crois pourtant qu’il est important de n’en suprimer que le grand nombre, et d’en laisser quelques unes pour les raisons suivantes.

Vn capitaine, surtout dans la cavalerie et dragons, qui perd des chevaux, perd aussi les armes et l’équipement du cheval, s’il n’y a pas une voiture dans le regiment sur laquelle il puisse mettre ces effets pour les transporter en lieu de sûreté ; un soldat malade peut se rétablir bien plus vite, en suivant quelques jours sur un chariot que si on l’envoye à l’hopital où il n’est pas si bien soigné. Un officier qui est blessé, ou a un accès de fièvre, trouve un grand soulagement a etre transporté sur une voiture. D’après ces réflexions je voudrois donc 1° qu’il fut permis à 4 capitaines de cavalerie et à 8 capitaines d’jnfanterie d’avoir un chariot attellé de 4 chevaux sur le nombre de ceux qui composent leur équipage, lequel seroit divisé en quatre parties pour qu’ils le chargeassent également, 2° qu’il fut permis au nombre de vivandiers nécessaire, d’avoir des chariots bien attellés, pourvû qu’ils se chargeassent de la forge, de la chapelle, et de la farine du boulanger.

Enfin que le colonel eut un vis à vis attellé de six chevaux pour les officiers malades, et pour lui même, en cas de besoin passé ces voitures, et une par officier général. Toutes les autres ètant défendües, on n’en auroit pas assés pour embarrasser les marches. Il faudroit aussi absolument interdire tous vins étrangers au crû du païs, ce qui diminueroit beaucoup les équipages. Les troupes légères et ceux qui font la guerre cantonés, ne peuvent avoir que des chariots à cause des allertes qui ne permettent pas de charger les mulets où chevaux de bât.

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