Bas de page - Retour - Orthographe moderne

 

Source :
SHAT - 1M 1708, pièce 19

1756

Mémoire sur l’Etat de l’Jnfrie
par Mylord Clare

 

J’ai trouvé le fond de l’jnfanterie, c’est à dire les compagnies anciennes meilleurs, plus belles, plus élevées, et plus complettes qu’elles ne l’étoient les années precedentes. Les recrües qu’elles ont faittes celle-ci, font de meilleurs espèce en general que ci devant.

Les compagnies nouvelles font, dans les 26 bataillons françois que j’ai vû, a sept ou huit près, qui ne peuvent passer que pour passables, mediocres ou mauvaises, et quasy toutes foibles ; j’entends dire, que c’est partout à peu près de même ; c’est ce qui me fait penser que quand il sera question de reforme, il conviendroit de laisser fubsister le nombre de compagnies dont font actuellement composés les bataillons et de ne faire la reforme que dans ces compagnies même ; parceque feize capitaines font plus promptement et plus facilement 10 hommes chacuns que quatre 40. D’ailleurs l’augmentation par 10 dans les compagnies, trouve un fond ancien avec lequel les nouveaux fe forment plus aisement et plus vite que quand ils font rassemblés dans des compagnies où tout est nouveaux officiers, sergents et caporaux.

Jl est vrai que la circonstance où on s’est trouvé à obligé d’accorder tres peu de tems pour la levée et la formation de ces compagnies nouvelles, et cela a, sans doute, influé fur leur mauvais état et leur mediocre composition. quand une augmentation se fait dans des compagnies anciennes, les commendants des corps accoutumés à ne recevoir que des hommes convenables, ne souffrent point que les capitaines y en admettent de deffectueux à un certain point, et les capitaines anciens eux mêmes en général ne les proposent point ; aulieu qu’un jeune officier fans experience, point au fait de ce qui regarde le corps où il và être, n’y de la besogne qu’il entreprend, cherche à fe remplir au plutôt de ce quil trouve pour gagner la gratiffication du complet, arrive à son regiment avec une compagnie dont il faut renvoïer au moins un tiers et fouvent plus de la moitié ; il se ruine, et le service du Roy n’est pas fait.

La foiblesse de ces compagnies nouvelles, qui avoient toutes essuïées des pertes et des reformes considerables avant mon jnspection, m’a empeché d’en faire. J’ai feulement marqué les hommes à renvoïer a mesure que les capitaines en feroient de meilleurs afin que le fervice ne fouffre point ; car jl y à nombre de ces compagnies (et c’est le plus grand) où il ne feroit resté que cinq ou fix hommes au plus fi j’avois congedié tout ce qu’il y a de mauvais. Jl y en a même plusieurs à refaire entierement. D’ailleurs la composition de 16 compagnies par bataillons, est la plus parfaite pour les evolutions, qui lui font toutes relatives puisquelles presente toujours des nombres pairs et quarrés.

Les trouppes font mieux disciplinées, exercées, et tenües que jamais, elles ont depuis .4. ans fait des progrès fensibles fur tous ces articles d’années en années.

Je trouve les sabres des Grenadiers trop longs. Jls ne peuvent tourner fans s’embarasser n’y à l’exercice, ni dans les evolutions. Il ne feroit point difficile de les rogner de trois ou quatre pouces fans être obligé d’avoir de nouvelles lames. La garde et la poignée de ces fabres, est feulement trop forte et trop materielle, mais nuisible au maniment des armes, à la position ou doivent être les grenadiers fous les armes, et aux mouvements necessaires dans les evolutions.

La grosse coquille de la garde empeche que le sabre ne puisse être porté assés haut, et ne foit plat fur la cuisse de l’homme, et que celui qui est auprès de lui ne l’approche assés quand il est en bataille auprès d’autres, a quoi contribüe beaucoup la branche qui part de la coquille esterieure du sabre pour fe rendre à la pomme. Cette branche eloigne le grenadier voisin, et tout l’appareil de cette garde enorme et pesante, empeche qu’il ne puïsse porter la crosse de son fusil dans fa main à la hauteur et de la manière que le prescrit l’ordonnance. Je voudrois que la garde du sabre fut fimplement une poignée un peu recourbée par en bas vers le bout de la pomme fans coquille ni branche, et d’une grosseur proportionnée a sa force et a sa longueur.

J’ai observé depuis plusieurs années, aini que les autres jnspecteurs, à ce que je crois, que les armes de l’jnfanterie font très mauvaises. Elles me paroissent valoir moins cette année ci que les autres ; outre la raison de vetusté qui en est une toute naturelle, j’ai lieu de croire que les capitaines, les majors et les chefs de corps, ont eu moins de soin de les faire réparer cette année ci que les autres ; parcequ’ils f’étoient tous figurés qu’il feroit delivré des armes neuves, où au moins une grande partie, aux trouppes, a cause de la retenüe, de la païe de deux hommes par compagnie, qui a été faitte pendant 15 mois. Cela me paroit d’autant plus vraisemblable que tous les corps m’ont demandé quand on leur donneroit les armes nouvelles, et parus furpris de ne les pas recevoir ; jls l’ont été bien d’avantage quand je leur ai dis que je croïais que l’intention du Roy étoit de n’en faire donner a son jnfanterie que quand elle feroit emploïée à quelque expedition de guerre, que d’ailleurs la retenüe faite de deux hommes à chaque compagnie avoit fuffit apeine au païement de la confection du tiers des armes nouvelles qu’il lui faudroit.

Je pense qu’il ne feroit point inutile que monsieur le comte d’Argenson voulut bien fe donner la peine d’expliquer la dessus ses intentions, et de les faire fcavoir a l’infanterie pour remedier à une negligence produite par une confiance mal entendüe qui và à la destruction prompte de l’armement.

Je ne scai si les armes qui ont été donné aux compagnies nouvelles font du nouveau modele et fabriquées depuis peu. Il seroit à souhaiter que non, car elles font pesantes, maucades, mal faites et de plus mauvaises, a ce qu’il me paroit et à ce que disent tous les officiers.

Les draps fournis le printems dernier, pour les reparation ordinaires et pour les compagnies nouvelles, sont plus mauvais et plus chers que jamais. Les chapeaux, qui depuis plusieur années, font de mauvaises etoffes, m’ont parus cet été plus mechants que les precedentes, tous les corps f’en plaignent.

Ces deux inconvenients viennent de la hausse fur la valeur des laines, et de la fixation des prix, le fabriquant assujetti à ne recevoir qu’une certaine fomme pour fon salaire, y proportionne fon etoffe et retranche de la bonté et de la folidité qu’elle devroit avoir, pour pouvoir retrouver le proffit qui lui est légitimement dû.

Jl seroit necessaire de prendre des mesures fur cet important objet qui interesse non feulement les trouppes du roy, qui se trouveront bientôt sans être vetûs, mais aussi les manufactures, où l’abûs et l’habitude des mauvaises fabrications s’introduira.

Jl nï auroit point d’expedient plus efficace et plus court que d’augmenter la masse, la hausse du prix de toutes les marchandises depuis son établissement paroit en faire une loy. Par là, les troupes auroient de qoi se bien entretenir et les fabriquants étant assurés que leurs marchandises feroient paiée leur valeur donneroient toute la perfection necessaire.

Les officiers reussissent mal à saluer ensemble en marchant. Je suis persuadé qu’il ne feroit point difficile de les y ammener en leur préscrivant les moïens de faire les pas et les mouvements relatifs au salût fur la cadence et la batterie de la marche. Jl me semble que la regularité et la précision finguliere qui fe trouve apresent dans tout ce que fait l’jnfanterie, devroit engager à songer à la faire observer dans une occasion aussi essentielle et aussi marquée que le salût de l’officier. Jl ni à point de nation qui ait autant de graces naturelles que la françoise. Pourquoy ne lui pas donner les moiens de la faire valoir.

On est persuadé que ceux qui ont trouvés les cadences des batteries nouvelles et qui y ont arrangés les pas differents, trouveroient aisément les moïens d’ajuster les pas et le mouvement des bras pour le falût à la cadence de la marche. On pourroit les en charger.

Je voudrois aussi qu’il y eut quelque chofe de reglé pour le salût des officiers majors. jl y a fur cet article une bigarure finguliere, fouvent dans le même regiment quand jl y à plusieurs bataillons. Jl ne feroit pas difficile d’introduire l’uniformité fur cet article, il ne faut qu’un mot. Quoique cecy ne paroisse pas essentiel, la moindre difformité paroit davantage et choque plus quand tous le reste, est d’une plus exacte précision.

Jl ne me reste plus qua parler de l’etat du capitaine d’jnfanterie, il y a longtems qu’il à été reconnû qu’il étoit facheux et que ses modiques appointements ne peuvent suffire à l’entretien de sa trouppe et au fien. Les calculs les plus exacts ont été fait la dessûs, et on à taché en consequence de lui procurer le plus de facilités qu’il a été possible, mais comme les engagements, et les prix de tout ce qui sert necessairement a la vie, et à l’entretien le plus economisé, ont rencheris sensiblement depuis quelques années, il fe trouve dans une fituation plus serrée que jamais, il ne f’en présente que trop qui proposent leurs retraites étant jeunes, pleins d’ardeur et de zéle pour le fervice, par la feule raison qu’ils n’ont plus de quoy s’i soutenir n’ï païer les dettes qu’ils ont été obligés forcément et par devoir de contracter avec les Etats majors de leurs corps et ailleurs.

Jl seroit bien important d’examiner les expedients qu’il conviendroit de prendre fur un objet aussi essentiel au fervice du Roy, et qui y pourroit retenir de bons et des braves officiers bïen en état de faire la guerre encore plusieurs années, s’ils en avoient les moyens.

 

Haut de page - Retour - Orthographe moderne