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CAMPAGNE DE 1746

 

 

En mai, l’armée françoise forma son premier camp en avant de Bruxelles. Le régiment de Picardie tenoit la droite. Quelques jours après, l’armée en part et vient camper en avant de Louvain, où le Roi, arrivé à Bruxelles depuis quelques jours la suit. Elle étoit armée d’observation, couvrant le siège de Mons et successivement celui de Charleroi où s’occupe Mgr le prince de Conti, ayant à ses ordres 30.000 hommes. Mons pris, il commence le siège de Charleroi. Les ennemis forment le projet de secourir cette place et de donner bataille avant de la voir prendre, ce qui rapproche les deux armées et les met dans le cas de s’observer très exactement. Des officiers pour aller à la petite guerre et aux nouvelles deviennent nécessaires à M. le maréchal; il ordonne donc qu’il soit dit à l’ordre que ceux qui ont ce désir viennent se faire inscrire chez le major général; je suis du nombre…

Ici se place une digression de deux pages relative aux services de M. de Mercoyrol du Brau, son oncle, qui obtint " une retraite très favorable " à la fin de la campagne de 1747.

Dès le lendemain, il fut commandé plusieurs détachements. Je fus nommés pour être de celui de Rocqueval (1), capitaine de Picardie, composé de 300 ; nous fûmes quatre lieutenants qui y fûmes attachés : deux de Picardie et deux de Piémont. Nous partîmes à l’entrée de la nuit. Quinze jours se passèrent à chercher les ennemis et à les éviter lorsqu’ils nous étoient supérieurs, ce qui étoit presque toujours. Le commandant donnoit des nouvelles au général de tout ce qu’il pouvoit savoir des ennemis. Les provisions dont nous étions pourvus au départ du camp, tant pour les officiers que pour les soldats, furent consommées à la fin du second jour, vu que nous étions sans chevaux, depuis le commandant jusqu’au dernier fusilier ; nous fûmes obligés de vivre pendant toute la route avec le pain, la bière du paysan et quelques viandes que l’on se faisoit également fournir ; je trouvois cette vie bonne, quoiqu’elle fût bien mauvaise, et je me portois bien. Vers la fin de la quinzaine, nous avions quelques soldats malades, ce qui tentoit fort M. de Rocqueval de retourner au camp pour les échanger contre des bien portants.

Ce fut à ce moment que nous fûmes instruits qu’il étoit entré cinq ou six cents hommes à Aerschot, dont nous n’étions qu’à une lieue, toujours habitant des bois. Nous tînmes un petit conseil de guerre, pour trouver les moyens de les y surprendre et leur faire le mal que nous pourrions ; nos deux espions furent envoyés et le lieu où ils devoient nous rejoindre leur fut désigné. A la nuit, nous nous mîmes en marche pour nous y rendre ; à deux heures de la nuit, un de nos deux espions vint nous joindre et nous dit qu’il y avoit dans Aerschot 800 hommes et, derrière la ville, à deux portées de fusil, un camp de 4.000 hommes. Nous restâmes dans notre position une heure et demie, dans l’espoir du retour de notre second espion, dont le rapport devoit déterminer le parti que nous devions prendre. M. de Rocqueval m’avoit poussé avec l’avant-garde de trente hommes que j’avois toujours, sur la lisière du bois et nous étions tapis dans un fossé très couvert qui étoit tout autour, lorsqu’au crépuscule du jour je vois déboucher d’un autre bois vis-à-vis de moi environ trente hussards ennemis, à la distance de quatre à cinq cents toises. Cette première troupe étoit conduite par un paysan qui, au signe du bras qu’il faisoit, désignoit parfaitement où nous étions. Alors cette troupe avance de cent toises et fait halte. Je fais instruire M. de Rocqueval de ce qui se passe et, au même instant, paroît la tête d’une nouvelle troupe qui se prolonge et me montre environ 300 hussards, qui se mettent bataille. Dans cet instant, les premiers arrivés se portent à vingt pas de la lisière du bois. M. de Rocqueval, qui étoit venu me joindre, avoit ordonné que l’on ne tirât pas un coup de fusil, ce qui fut fait. Les hussards nous aperçurent dextrement et se retirèrent, mais ils ne furent pas à trois cents pas, qu’ils nous adressèrent quelques coups de carabine et les 300 hussards en bataille derrière ces premiers se portèrent en avant, avec des cris à leur usage. Nous faisons feu sur eux ; quoiqu’il fût bien mince avec mes trente hommes, nous fûmes assez adroits pour blesser deux chevaux et un hussard.

M. de Rocqueval, qui avoit été joindre le gros de sa troupe, fut averti par le poste d’un sergent et de quelques hommes à la sommité du bois et de la montagne qu’il paroissoit une colonne d’infanterie qui longeoit du coté du midi le bois où nous étions. Ce commandant me fait dire qu’il va gagner le haut du bois et que j’aie à l’y joindre ; j’en préviens mes soldats et forme mon peloton, vu que le bois devenoit clair avant de pouvoir arriver sur la hauteur. Comme je commence mon mouvement de retraite, tous les hussards qui s’en aperçoivent, poussent des cris et tous ensemble viennent en fourrageurs pour charger. Ma troupe marche lestement ; j’en avois désigné dix pour tirer lorsque je le dirois ; je leur commande halte, demi-tour à droite et les fais tirer sur les hussards des plus avancés ; il en tombe deux ce qui arrête les autres, et, loin de me suivre, ils se retirent et je joins M. de Rocqueval sans la moindre perte. J’aperçois la colonne ennemie qui cherchoit à nous couper chemin ; comme nous suivions la crête de la montagne et qu’ils nous voyoient parce que le bois étoit clair dans la partie où nous étions, nous prenons le parti d’avoir l’air de marcher à eux et faisons comme si nous descendions la montagne pour les aller attaquer, ce qui les détermine à s’arrêter et se disposer à nous bien recevoir. Le bois devenant plus fourré, nous tournons à droite et nous gagnons infiniment d’avance sur eux. Par cette petite ruse, nous nous trouvons hors de portée d’en être incommodés. Nous savions, pour y avoir passé la veille, qu’au bout de ce bois nous avions une petite langue de plaine à traverser, qui nous faisoit arriver à un autre bois d’où notre retraite étoit sûre ; nous le gagnâmes donc sans inquiétude et fûmes en sûreté. A peine fûmes-nous quelques minutes sur la lisière pour nous reposer, que nous vîmes arriver dans la même petite plaine les hussards qui avoient cherché à nous couper, ce qui nous détermina à nous cacher dans le bois. Un quart d’heure après, y arriva, par l’autre côté et au midi, l’infanterie, au nombre de 800 hommes. Alors, pour leur faire belle parade, nous sortîmes du bois sur un seul rang et présentâmes 300 hommes de front ; ils en jugèrent ce qu’ils voulurent, mais, peu d’instants après, ils se mirent en marche pour regagner le lieu d’où ils étoient venus, les hussards se joignant à l’infanterie.

Dans ce même bois, tirant nos subsistances des villages voisins, nous restâmes trente-six heures. Nous fûmes instruits par nos espions que toute l’armée ennemie étoit en mouvement et qu’elle marchoit vers Charleroi, ce dont nous donnâmes nouvelles. Notre ordonnance nous rapporta l’ordre de marcher vers Gembloux, ce que nous exécutâmes en deux marches ; nous y joignîmes la division de M. de Lowendal (2), que toute l’armée du Roi suivoit de près et qui, en effet, y arriva le soir même. Le corps de toutes les troupes légères de l’Impératrice-Reine, aux ordres du général Trips, avoit pour objet de venir s’emparer du débouché des Cinq-Étoiles ; il fut arrêté dans sa marche au village de Perhuis [Perwez], par un capitaine de la Couronne, M. de Cursol (3), qui commandoit 300 hommes. Les ennemis commirent la faute de vouloir le prendre en passant et arrêtèrent leur marche ; ils attaquèrent le cimetière et y perdirent du monde. Cursol, voyant qu’on se disposoit à lui faire une charge qu’il n’auroit pu soutenir se retira dans l’église et jeta dans le clocher portion de sa troupe. Les ennemis brisèrent les portes de l’église, tuèrent jusqu’au pied de l’autel une centaine d’hommes et en blessèrent autant. On proposa à ceux qui étoient dans le clocher de se rendre prisonniers de guerre, ce qu’ils acceptèrent, mais les ennemis perdirent là deux heures de temps, d’autant plus précieuses qu’elles procurèrent à M. de Lowendal et aux vingt-cinq bataillons à ses ordres de prendre poste dans la trouée des Cinq-Étoiles, où, en avant d’elle, il y eut une escarmouche vive, où la compagnie franche de Lestang fut presque détruite et lui tué, que je regrettai fort. Il étoit mon compatriote, d’Aubenas en Vivarois (4).

Tout respiroit une bataille, nous pour soutenir le siège de Charleroi, que faisoit le prince de Conti, eux pour le faire lever ; mais un de ces événements auxquels on ne s’attend pas fit évanouir tous les apprêts.

L’on fit à Charleroi l’attaque d’un ouvrage avancé ; les travailleurs destinés à s’y établir marchoient à la queue des troupes qui faisoient l’attaque. L’ouvrage est emporté, ces troupes suivent les ennemis épouvantés, la baïonnette dans les reins ; elles entrent par la même poterne, pêle-mêle avec eux ; les travailleurs les suivent et la nuit favorise ces évènements. Le commandant, instruit que les François sont dans la place, pour en éviter le sac fait battre la chamade et demande à capituler. Ainsi fut prise cette place et toute apparence de bataille dissipée.

Les troupes occupées à ce siège se joignirent alors à l’armée du Roi, qui devint supérieure à celle des ennemis. Ceux-ci se mirent dès cet instant sur la défensive et le maréchal de Saxe les déposta par ses manoeuvres de toutes les positions qu’ils prirent, même de celle inexpugnable de la Mehaigne, avec un ruisseau inguéable par son encaissement devant eux. Il fallut prendre d’abord le poste de Dinant, sur la Meuse, d’où ils tiroient tous leurs vivres ; ce fut fait par M. de Lowendal et, la disette pressant les ennemis, ils furent obligés de quitter le camp et d’abandonner Namur à des forces qu’ils pourvurent abondamment, y laissant une garnison de dix bataillons, ainsi que quelques escadrons de troupes à cheval, dont ils se défirent, lorsqu’ils furent instruits que nous y marchions pour les assiéger, en leur faisant passer la Meuse sur le pont qui communique à Vic [Huy]. L’armée du Roi, après être restée quelques jours au camp des Tombes d’Octomont (intéressantes par la bataille de Ramillies, puisque là appuyoit la droite de l’armée françoise), prit ensuite une première position et par une seconde se trouva couvrir le siège de Namur.

Le Roi chargea Mgr le prince de Clermont (5) de ce siège et avec lui M. le comte de Lowendal, avec un nombre de troupes de 30.000 hommes, dont le régiment de Picardie faisoit partie. A cette époque j’étois aux volontaires ; instruits de la destinée du régiment, nous demandâmes de le joindre, ce qui nous fut accordé, et tous ceux attachés à ce régiment comme les autres attachés à ceux de l’armée du prince arrivâmes à Namur le lendemain que la circonvallation avoit été faite [8 septembre]. Les troupes eurent ordre de pourvoir un lieu destiné à cet effet d’une immensité de fascines et claies. L’artillerie et les munitions de toute espèce arrivées, la tranchée fut ouverte et les travaux poussés avec la plus grande célérité ; les batteries établies firent un feu très vif qui dès le second jour ralentit infiniment celui que nous éprouvions de la part des ennemis. Il fut continué avec une vivacité extrême. M. de Lowendal, après avoir conduit ses tranchées jusque sur la palissade du fort Coquelet par des terres rapportées (car l’on alloit sur le roc vif), fit attaquer ce fort et l’emporta. Il fut conservé et ce sans beaucoup de perte, événement bien différent en comparaison lorsque M. de Boufflers défendit cette place (6). Le fort Balard fut également emporté par surprise (7), en égorgeant la sentinelle qui étoit à la porte et en montant par l’escalier où un seul homme pouvoit passer de front. On trouva tout endormi ; on en égorgea quatre ou cinq qui couroient à leurs armes et tout fut prisonnier de guerre.

La prise de ces deux forts, ne laissant plus rien sur notre droite qui pût nous incommoder, on ruina autant que possible toutes les défenses des ouvrages en face de nos tranchées ; l’attaque du chemin couvert fut faite et l’on s’établit sur sa crête. Pendant tout le temps de ce qui se passoit sur la rive gauche de la Meuse, une tranchée avoit été ouverte du côté de la rive droite en face de Vic [Huy] et ses ouvrages. On avoit poussé deux batteries sur le bord de la rivière, qui battoient le demi-bastion de l’ouvrage à corne en face de l’attaque de gauche de la Meuse. M. de Lowendal fit reconnoître la brèche pendant la nuit, ainsi que la rivière pour y arriver ; il lui fut rendu compte que suivant la rivière on arrivoit à l’angle de l’ouvrage et que huit hommes de front, en le rasant, pouvoient gagner la brèche, que le plus en avant du côté de la rivière n’auroit de l’eau que jusqu’aux genoux.

La journée suivante on redoubla d’activité pour rendre la brèche plus praticable. Les préparatifs faits pour cette attaque, douze compagnies de grenadiers, douze piquets auxiliaires et huit troupes de grenadiers ou piquets des troupes de la garde des tranchées furent ordonnés pour, à minuit, dans le plus grand silence, se porter à la brèche. Arrivés à une certaine distance, ils devoient faire halte et, au signal de quatre bombes tirées ensemble, ils devoient marcher et monter à l’assaut.

Ce fut exécuté avec tant de rapidité que, lorsque premiers grenadiers arrivèrent au haut de la brèche, les ennemis qui devoient la défendre étoient à terre pour laisser passer l’effet des quatre bombes tombées à portée d’eux et qui n’étaient pleines que de sable. La présence d’esprit du baron de Reich (8), Alsacien, capitaine de grenadiers du régiment de Picardie, rendit cet assaut le plus humain possible ; arrivé un des premiers sur le haut de la brèche et sa compagnie étant la première de l’attaque, il cria d’une voix forte en allemand : " Grenadiers, bon quartier à qui sera sans armes, la baïonnette et le coup de fusil dans le ventre à qui sera armé ! " Cette courte harangue, dite d’une voix terrible (l’ayant dans son physique extrêmement forte), fit que les ennemis, se relevant de ventre à terre où ils étoient, plusieurs d’eux le firent sans armes et leur premier mouvement fut de courir à la poterne qui correspondoit du rempart de la ville à l’ouvrage, pour y trouver sûreté et asile. On les suivit vivement ; on fit quelques prisonniers et il y eut quelques tués ; des coups de fusil tirés des remparts tuèrent et blessèrent quelques grenadiers, ce qui les fit retirer vers la brèche. Les travailleurs ordonnés arrivèrent et firent un logement, et, au jour, les grenadiers y prirent poste. J’ai été bien aise de rendre compte de la conduite du sieur baron de Reich, pour qu’on puisse en faire son profit.

Cet ouvrage pris, il ne restoit plus en fortification pour la défense de la place qu’un cordon avec des petites tours rondes de distance en distance. La nuit qui suivit celle-là, on dressa une batterie ; dès qu’elle fut construite et qu’on eut fait trois salves, on battit la chamade et le drapeau blanc fut élevé [19 septembre]. D’accord sur la capitulation qui conservoit la ville, la garnison fut obligée de monter dans les châteaux qui, quoique vastes, ne l’étoient pas assez pour que dix bataillons dont elle étoit composée pussent y être commodément. Ils eussent rendu les châteaux en même temps que la ville, si on avoit voulu leur accorder les honneurs de la guerre, mais on les vouloit prisonniers de guerre.

Les châteaux bien reconnus, on s’occupa de suite d’établir grand nombre de batteries et surtout plusieurs de mortiers [24 septembre]. L’on ouvrit une tranchée au midi des châteaux, vers la pointe d’une montagne. Le quatrième jour, toutes les batteries furent démasquées et le feu en fut terrible, ce qui dura trois jours, sans beaucoup d’effet, vu que toutes nos batteries étoient du bas en haut, n’y ayant pas possibilité qu’elles pussent être différemment, à l’exception d'une de douze pièces de canon de vingt-quatre, placées sur une pointe de montagne dont la hauteur étoit parallèle aux châteaux, mais trop éloignée pour porter dommage aux défenses desdits châteaux, mais dont les effets incommodoient beaucoup dans lesdits châteaux les allants et venants. Sur la pointe de la montagne, au midi, étoit un gros ouvrage carré, bien revêtu en maçonnerie, avec un fossé taillé dans le roc. M. de Lowendal ordonna que vers les cinq heures du soir, tout l’effet des mortiers y fût dirigé, ce qui fut exécuté jusqu’à dix heures de la nuit. Il avoit disposé des troupes qui avoient des échelles et devoient tenter l’escalade. Les ennemis de garde à cet ouvrage, fatigués, depuis cinq heures, de la quantité de bombes qui leur étoient jetées, n’avoient laissé que des sentinelles pour être avertis et s’étoient mis dans une casemate qui servoit de corps de garde. Huit compagnies de grenadiers, huit piquets et cent dragons chargés de l’assaillir se glissèrent bien près de l’ouvrage et, au signal de trois bombes de la batterie (qui leur avoit été indiqué), se portèrent vers l’ouvrage avec un tel silence et une telle rapidité que les premiers arrivés étoient déjà descendus dans le fossé et avoient dressé leurs échelles contre le mur pour le gravir lorsque les sentinelles donnèrent l’alarme pour la défense. Les grenadiers furent en force sur le parapet au moment où les ennemis y arrivoient pour le défendre, de manière qu’en quatre minutes cet ouvrage fut pris. Les ennemis y eurent douze hommes de tués, notre perte fut de deux tués ; tout ce qui étoit dans l’ouvrage fut fait prisonnier. On travailla promptement à s’établir dans l’ouvrage et dès le jour, on commença à y établir une nouvelle batterie de canons et de mortiers.

La même nuit, M. de Lowendal avoit eu projet de tenter une escalade du côté de la ville qui eut porté dans le cœur du château principal, dont les remparts étoient fort élevés ; mais à la première reconnoissance que l’on en fit, il trouva tout si bien en ordre, qu’il renonça à toute surprise pareille.

La batterie de canons et mortiers continuoit ses feux sans relâche depuis dix jours et nous étions instruits que les ennemis avoient beaucoup de malades mais les châteaux étoient encore dans le meilleur état, ce qui nous fit prévoir encore bien des longueurs. Nous ne fûmes donc pas peu étonnés de voir paroître deux drapeaux blancs, l’un du côté de la ville et l’autre du côté de l’ouvrage pris depuis quatre jours, et d’entendre battre la chamade. Tout fut sur-le-champ, de part et d’autre, cessé. Les pourparlers de la capitulation furent entamés. Ils éprouvèrent beaucoup de difficultés par le bon état où étoient les châteaux et la détermination où étoit le prince de vouloir la garnison prisonnière de guerre, ce qui occasionna plusieurs allées et venues. Le prince, se doutant qu’ils devoient manquer de bien des choses, fait dire pour dernier mot au commandant qu’il lui accordoit trois heures encore pour se décider, au bout desquelles le feu recommenceroit, et que tout ce à quoi il pourroit se réduire étoit de les laîsser sortir des châteaux avec les honneurs de la guerre jusque sur les glacis ; que là ils poseroient leurs armes, drapeaux, deux pièces de canon, qui sortiroient à leur tête, et chevaux pour les troupes à cheval excepté un par officier, et qu'ils seroient prisonniers de guerre et conduits en France, ce qui fut de leur part accepté et exécuté [1er octobre]. Il n’y avoit que deux cents chevaux. L’heure pour l’exécution fut fixée au lendemain huit heures du matin, qu’ils en sortirent et des détachements françois prirent poste.

On fut instruit de suite que nos bombes avoient mis le feu à un magasin de blé qui étoit dans une église qu’elles avoient réduite en cendres, que le feu consumoit encore les blés et que ce qui donnoit des alarmes étoit que le principal magasin à poudre étoit dessous, qu’il pourroit en résulter une explosion qui, jetant une portion des châteaux sur la ville, en feroit la ruine. Tout bien pesé et examiné, ne pouvant attaquer ce magasin par la porte ordinaire, encombrée de la chute des murs de l’église, il fut décidé qu'on l’attaqueroit en le minant, ce qui se fit fort heureusement, et on en tira tous les tonneaux de poudre sans qu’il arrivât le moindre accident. Le commandant des châteaux donna pour raison que c’étoit cela qui l’avoit déterminé à rendre à si bon compte la place. Quoi qu’il en pût dire, tout ce que j’y observai avec l’armée est qu’il fit une bien molle défense et les fortifications furent les seuls obstacles que nous rencontrâmes, tant à l’attaque de la ville qu'à celle des châteaux et, avec dix bataillons de garnison, une artillerie nombreuse et des provisions de toute espèce dans la plus grande abondance, il ne lui manquoit sous les yeux que d’avoir la relation du siège des mêmes ville et châteaux défendus par M. de Boufflers, qui manquoit de bien des choses dont lui étoit pourvu abondamment. Les troupes qui avoient été occupées à ce siège restèrent quelques jours à prendre du repos.

Les ennemis étoient dans la même position qu’ils avoient tenue pendant la durée du siège de Namur et ses châteaux, dont la prise des deux ensemble ne coûta à l’armée du prince de Clermont que cinq cents hommes tués ou blessés, dont quinze officiers. Le chevalier de Glandevès (9), capitaine de Picardie fut du nombre des morts, et trois officiers blessés.

La constance des ennemis à rester leur droite à Raucoux, se rapprochant du camp de Saint-Pierre et Maëstricht, leur gauche au village d'Ans, faubourg de la ville de Liége, la Meuse derrière eux, sembloit annoncer qu’ils vouloient prendre des quartiers d’hiver pour partie de leurs troupes dans le plat pays, depuis la Meuse jusque sur la ligne de Tirlemont, distante d’une marche de Louvain. Ce désir apparent déplaisoit au maréchal de Saxe. Le Roi venoit de quitter l’armée et de partir pour Versailles. Le maréchal prit le parti de réunir toutes ses forces : la division du prince de Clermont le joignit, à l’exception de la brigade de Noailles infanterie, qu’on laissa à Namur pour sa garde. Cette division, composée de trente-deux bataillons et vingt-quatre escadrons que conduisoient le comte d’Estrées, le prince de Clermont et le comte de Lowendal, avoit joint le maréchal de Saxe qui pensoit que, par cette seule réunion de toutes ses troupes, il décideroit les alliés à repasser la Meuse, ou qu’au moins sa première marche vers eux amèneroit cet effet.

Toutes les troupes réunies formoient plus de 100.000 hommes et la première marche mit les troupes légères à une lieue de celles des ennemis.

Le jour suivant, 11 octobre, l’armée quitta son camp, qu’elle laissa tendu avec tous les équipages et leur garde, et marcha sur huit colonnes pour se rapprocher des ennemis. La colonne de troupes du prince de Clermont tenoit la droite suivant la chaussée qui conduit à Liége, et l’artillerie attachée à cette division, qui étoit de huit pièces de douze et douze de huit, marchoit sur la chaussée. Cette première colonne avoit, pour couvrir son flanc droit, la brigade de Ségur infanterie et le régiment de troupes légères de Grassin. L’opinion générale étoit que les ennemis étoient en pleine marche pour passer la Meuse, voulant éviter la bataille, et la première lieue se fit sans rencontre d’âme qui vive, ce qui confirmoit cette première opinion.

Deux autres jeunes officiers et moi montâmes sur la chaussée que la colonne côtoyoit et, dans une ligne de près d’un quart de lieue, nous aperçûmes dans le lointain trois êtres pédestres qui venoient à nous. Je proposai à mes deux compagnons d’aller au galop à ce que nous apercevions, dans l’espoir qu’ils nous donneroient des nouvelles des ennemis, dont nous n’étions plus alors qu’à une lieue de leurs positions, en supposant qu’ils les eussent gardées, et nous pouvions être les premiers à donner des nouvelles aux généraux. Nous poussâmes donc bride abattue, joignîmes ces trois êtres, qui étoient trois femmes venant de Liége ; nous les questionnâmes sur les ennemis. Leur réponse littérale fut (car elles parloient françois) : " Ils sont à trois quart de lieue d’ici, qui vous attendent avec honneur. " Nous retournons et avec la même vitesse nous arrivons à la généralité, qui marchoit à la tête de la colonne ; nous annonçons notre nouvelle, à laquelle personne ne veut croire. Nous avons beau assurer que trois femmes nous l’ont dit ainsi, on ne veut pas nous croire. M. le comte d’Estrées, depuis maréchal de France, me dit : " Où sont les femmes ? Général, lui dis-je, je vais vous les chercher. " Je tourne bride, monte sur la chaussée, que tranquillement elles suivoient en venant à nous ; je les aperçois et les joins. Je les fais descendre de la chaussée et marcher en la côtoyant, les assurant de n’avoir pas de crainte, que le général est dans la troupe qui vient à nous et qu’il veut leur parler. Je ne tardai pas d’être aperçu par la troupe dorée conduisant ces trois compagnes. M. le comte d’Estrées et quelques autres officiers généraux donnent un coup de galop et me joignent. " Général, dis-je à ce premier, voilà ces femmes qui vous confirmeront le rapport que nous vous avons fait. " On s’arrête et on les questionne ; leur réponse est la même : " Ils sont à trois quart de lieue d’ici, qui vous attendent avec honneur. " Le général leur ajoute : " Mais sont-ils beaucoup de monde ? On nous a dit qu’ils y étoient tous et de Liége il est sorti beaucoup de monde pour voir la bataille. " Le général, continuant : " Quel terrain occupent-ils ? Toute la plaine autant qu’on peut y voir. " Le général : " Vous dites qu’il est sorti beaucoup de monde pour voir la bataille, où se sont-ils placés ? Aux Charbonnières. " On dit à ces femmes qu’elles pouvoient continuer leur chemin, ce qu’elles exécutèrent et virent défiler cette première colonne dont elles reçurent mille questions et leurs réponses furent toujours : " Ils vous attendent avec honneur ", ce qui mit beaucoup de gaîté dans ce qui la composoit.

Après une demi-heure de marche, nous vîmes devant nous une hauteur et, sur cette hauteur, plusieurs petits pelotons dont l’ensemble pouvoit comprendre cent cinquante personnes. C’étoient les Charbonnières et les curieux de Liége dont les trois femmes nous avoient parlé. A mesure que nous avancions comme le faisoient la brigade de Ségur et le régiment de Grassin, ces petits pelotons s’éclipsoient peu à peu et, lorsque nous y arrivâmes, il n’y eut plus que quatre ou cinq manants. Nous étions alors à mille toises du village d’Ans, dont nous n’apercevions que les vergers, vu qu’il est situé entre des petites collines. Nous aperçûmes toute la ligne des ennemis, autant qu’un terrain inégal pouvoit nous le permettre et, par notre position, nous étions absolument sur son flanc gauche. Nous restâmes là en panne près d’une heure, au bout de laquelle nous aperçûmes, dans un terrain immense qui se présente à l’œil, l’armée du Roi et beaucoup de colonnes serpentant dans cette plaine. Nous apercevions beaucoup des allants et venants d’une colonne à l’autre. Elles nous paroissoient s’observer pour que leur tête fût d’égalité de l’une à l’autre, tant celles d’infanterie que celles de cavalerie. Nous voyions souvent arrêter les colonnes que nous apercevions, car il n’étoit possible de les voir toutes ; nous trouvions beaucoup de lenteur dans tout ce que nous apercevions. Le maréchal de Saxe étoit sans doute occupé à reconnoître bien parfaitement la position des ennemis et à disposer son armée, pour après les attaquer avec avantage et dans l’ensemble d’unité. Il étoit alors près de deux heures après midi. Il arrive un aide de camp à M. le comte d’Estrées, qui commandoit la division de Mgr le prince de Clermont, d’après laquelle communication on mit en mouvement les vingt pièces de canon qui y étoient attachées.

Au même instant, nous voyons un coup d’oeil qui nous frappe davantage : une colonne d’infanterie qui montre sa tête sur la colline au nord du village d’Ans, qui se prolonge et garnit tous les vergers dudit village jusqu’à celui dont nous n’étions pas à cinq cents toises. La majeure partie de notre division étoit derrière la colline, au midi d’Ans et vis-à-vis. Cette colonne, que nous vîmes ainsi s’emparer des vergers, fut jugée être de dix bataillons. Le village n’étoit du tout gardé ; l’église seule et le cimetière étoient occupés par 600 hommes de troupes d’infanterie légère autrichienne, et les ennemis, qui avoient dû nous apercevoir au moment de notre arrivée, ou être instruits par leurs espions de notre force, se doutant avec raison qu’ils seroient attaqués par là, y jetèrent ces dix bataillons et, en même temps nous vîmes de l’artillerie s'établir sur la colline où appuyoit la gauche de la cavalerie hollandoise.

L’emplacement de notre artillerie se fit lestement et avec intelligence. Le comte d’Estrées, pour suivre les ordres qu’il venoit de recevoir du maréchal de Saxe ordonna des dispositions pour l’attaque de cette gauche où, suivant l’ordre qu’il avoit reçu, la bataille devoit commencer : elles furent que la brigade de Ségur, le régiment de Grassin attaqueroient le village par son midi, embrassant même sa partie au levant. La brigade de Picardie, celle de Monaco et celle de Bourbon attaqueroient les vergers, du midi au couchant d’hiver. Les autres brigades de la division, qui étoient à la gauche de celles-ci, devoient attaquer ledit village du couchant d’hiver et prenant un peu sur le nord. Comme cette partie étoit en plaine, les vingt escadrons de cavalerie y furent placés.

L’artillerie, pendant cet arrangement, avoit commencé un feu très vif sur les vergers occupés par les ennemis ; celle des ennemis tiroit aussi avec vivacité sur la notre et sur les troupes qui, se formant, se portoient en avant. Comme on s’aperçut que tirer contre cette colline ne faisoit pas grand effet, il fut ordonné de pointer sur l’artillerie des ennemis ; par sa position, tout l’égout de nos boulets prenoit de flanc la cavalerie hollandoise, ce qui l’incommoda beaucoup par la quantité de chevaux et d’hommes qu’elle perdit.

La brigade de Picardie sur une ligne, celle de Monaco sur une seconde, celle de Bourbon à la gauche de celle de Picardie, mais séparée par des haies, marchèrent pour l’attaque des vergers. Les grenadiers de la brigade de Picardie et quatre piquets de ce régiment formoient une avant-garde.

M. de Tanus (10), lieutenant-colonel du régiment de Champagne, brigadier, vieux et bon militaire, représenta sans doute à M. le comte d’Estrées que cet ordre de bataille pour attaquer des haies exposoit à une perte de beaucoup de monde. Il nous joint au galop, ordonne que les brigades rompent par quart de rang de bataillon en avant, met pied à terre, se met à la tête de la colonne et, par une marche vive, attaque avec succès, c’est-à-dire que la brigade [de Picardie] pénètre dans tous ces vergers sans perte de beaucoup de monde. Les quatre compagnies de grenadiers et les quatre piquets de ce régiment qui en faisoient l’avant-garde se trouvent avoir coupé un bataillon écossois au service de Hollande, qui fut mis en pièces, et pendant ce temps cette brigade renversoit tout ce qui lui étoit opposé et qui, après avoir fait leurs décharges, ne songeoient qu’à chercher leur salut. On doit observer que ce qui occasionoit leur terreur étoit qu'à leur arrivée pour s'emparer de ces différents vergers, ils avoient été obligés de défiler un à un par différentes issues et que, n’ayant point de communication faite, ils se disoient intérieurement : " Sans doute, si nous sommes coupés, nous serons tous égorgés ici, ou au moins pris " ; et, après avoir tiré un ou deux coups de fusil, chacun pensoit à soi et s’en alloit.

Il faut ici rendre justice au brave et vieux militaire M. de Tanus, lieutenant-colonel de Champagne, brigadier commandant celle de Picardie. Le contraire du parti qu’il prit y touche, il faut le rendre : la brigade de Monaco, en seconde ligne derrière celle de Picardie conserva son ordre primitif d’être en bataille et, quoiqu’elle s’aperçût de l’ordonnance différente que prenoit la brigade de Picardie, elle pensa que cette ordonnance lui étoit particulière et continua sa marche en bataille. Lorsqu’elle se trouva à portée des ennemis, elle essuya une décharge qui, tuant et blessant beaucoup de monde, y mit du désordre. Celui qui la guidoit ordonna le mouvement que la brigade de Picardie avoit fait ; il s’exécuta, mais les ennemis sous le feu desquels elle se trouvoit, eurent tout le loisir de le répéter et, voyant qu’on alloit les joindre, inquiétés d’ailleurs par la colonne de Picardie qui gagnoit leurs derrières, ils se retirèrent en gagnant vers le couchant d’été desdits vergers. La brigade de Bourbon marchant vivement pour leur couper ce dessein de retraite et les joindre, un officier général attaché à la cavalerie hollandoise fit marcher au galop quatre escadrons, qui rasant les haies desdits vergers, vinrent charger le régiment de Bourbon, qui, les voyant venir, fit halte et se disposa à les bien recevoir, ce qu’il exécuta par une décharge de tout son feu, laquelle culbuta cette cavalerie, mais donna tout le loisir à l’infanterie de gagner le haut de la hauteur, où la brigade de Ségur, le régiment de Grassin, la brigade de Picardie, celles de Monaco et de Bourbon arrivèrent à peu près en même temps, et y furent prises sept pièces de canon. On y joignit les douze pièces de notre artillerie, de huit livres de balles, qui furent de suite pointées sur l’aile gauche de la cavalerie hollandoise ; elles y portèrent un tel désordre, prenant toute cette cavalerie en flanc, qu’elle perdit tout son ordre de bataille et ne forma plus qu’une masse informe et faisant retraite à qui mieux mieux.

Le soleil venoit de se coucher et le pays étoit très coupé et très difficile pour la cavalerie, ce qui empêcha que la nôtre pût agir. Elle l’espéroit, car M. d’Estrées l’avoit fait arriver sur la même colline où nous étions, où elle se formoit en bataille sur plusieurs lignes, faute de terrain. Les brigades d’infanterie étoient en colonnes et celles de la division qui n’avoit pas combattu étoient en bataille dans la plaine. On avoit poussé la cavalerie et l’infanterie de Grassin en avant qui joignirent, dans le fond de la colline où nous étions à une autre qui se présentoit, neuf pièces de canon gros calibre et tous les fourgons destinés à porter poudre et boulets dont ils s’emparèrent.

La nuit commencoit à tomber. M. d’Estrées donna ses ordres pour passer la nuit sur le champ de bataille. On établit des gardes de sûreté en avant et on permit aux soldats de faire des feux pour se garantir du froid (c’étoit le 11 octobre), plutôt que pour faire la soupe, car les troupes n'avoient pas de marmites et fort peu de viande. Cependant le soldat qui avoit du pain se tira d’affaire et faisoit cuire sur les charbons de belles rouelles prises sur les croupes des chevaux hollandois tués. Les officiers qui avoient quelques vivres les partageoient avec ceux qui en manquoient Le lendemain, au petit point du jour, il nous vint du pain de la ville de Liége, des saucissons, du vin et de la viande qu’on eut à peine le temps de faire cuire, puisque notre division partit à neuf heures du matin pour rejoindre son camp, qu’elle avoit laissé tendu, où elle arriva vers deux heures de l’après-midi.

Ainsi se termina cette bataille, vers la partie de la droite de l’armée du Roi, dont la perte en tués et blessés fut peu considérable. La brigade de Picardie y eut treize officiers blessés, mais aucun en danger de la vie. La brigade de Monaco fut la plus maltraitée de cette droite (11)... Cette brigade perdit dix capitaines qui restèrent sur le champ de bataille, vingt de blessés et des lieutenants à peu près pareil nombre ; à elle seule elle perdit infiniment plus que les trente-six bataillons restants de la division.

D’autres ont décrit ce qui se passa à Raucoux, village où l’action fut plus opiniâtre et où le sang fut répandu plus abondamment par la quantité de troupes qui y furent employées et l’opiniâtreté de la défense que les ennemis y firent, dont la perte fut évaluée en totalité à 4.000 morts ou blessés et 1.500 prisonniers. Celle de l’armée du Roi fut 2.500 tués ou blessés.

Le gain de cette bataille, donnée le 11 octobre, n’eut d’autre fruit que de joindre de nouveaux lauriers à ceux cueillis déjà par le maréchal de Saxe et détermina les ennemis à aller chercher des quartiers d’hiver de l’autre côté de la Meuse. La force de leur armée, le jour de la bataille, étoit du fond de 80.000 hommes, plus complète que la notre dont le fond étoit de 100.000 hommes, mais qui avoit tant de détachements pour la sûreté de nos communications éloignées que, le jour de la bataille, les armées étoient d’égale force en combattants effectifs. Mais le Dieu qui y préside inspira notre général et la victoire fut pour lui et les armes françoises.

Nous arrivâmes le 12 à notre camp et, le lendemain 13, toute l’armée en partit. Toutes les brigades de différentes armes reçurent des ordres pour que, du 14, chacune d’elles prît le chemin des quartiers qui leur étoient destinés à y passer l’hiver et s’y reposer de la campagne brillante que l’armée du Roi venoit de terminer.

La brigade de Picardie fut destinée, avec le régiment de Noailles, partie de celui de Grassin et le régiment de la Reine cavalerie, pour former la garnison de Namur, dont la garde fut confiée au comte de Lowendal…

L’auteur rapporte en dix pages un incident qu’il suffira de résumer. Le jeune duc d’Antin (12), colonel du régiment de Picardie, âgé de dix-neuf ans, favorisait spécialement un lieutenant nommé Dalibert, qu’il avait tiré du régiment de Gondrin et auquel il avait fait donner à la fois les fonctions d’aide-major de tranchée et de garçon-major : le cumul des deux services étant impossible, le colonel proposa à l’auteur celui de garçon-major. Celui-ci mit à son acceptation une condition très honorable, c’est qu’il continuerait à faire à son tour " le service des travailleurs de la tranchée et de la sape… dont il avoit jusque-là partagé les dangers avec ses camarades lieutenants : " Je le leur dois et à moi aussi ", dit-il au duc, qui comprit les causes de son refus. L’auteur d’ailleurs rend justice aux qualités de son jeune colonel et continue ainsi :

Je veux exprimer ici mes sentiments de vénération, d’estime et je veux dire de respect pour la haute noblesse de l’empire françois.

Que des milliers de gentilshommes, qui n’ont que la cape et l’épée, cherchent l’honneur et le danger, aux dépens de leurs membres et de leur vie ; que les différentes saisons, aujourd’hui par le chaud, demain par le froid, couchant indifféremment par la boue, ou par la neige, soient des sacrifices qu’ils font au Roi et à l’État, ils y ont sans doute du mérite. Mais qu’on passe au jeune guerrier qui nous vient de la Cour, ou qui dans ses terres jouit des bienfaits de l’opulence, que ces sacrifices de tout genre sont accrus par l’état et les douceurs dont il se prive et qu’il quitte. On dit qu’ils sont récompensés par. les grandes places du royaume : il est vrai que quelques-uns le sont ; mais il en est un plus grand nombre qui n’obtiennent que le grade de maréchal de camp. Le Roi et la nation doivent de la reconnoissance aux uns et aux autres… Il faut que toute jalousie soit amortie pour tout guerrier, dans quelle classe que la fortune, appuyée de ses services, puisse le conduire ; c’est le seul des états où il faut un talent réel pour en mériter la primauté et pour que la lui donne le nom de grand capitaine...

Le régiment de Picardie arriva à Namur passer l’hiver, le 18 octobre 1746.

Dans les premiers jours du mois de novembre suivant, M. le duc d’Antin, par une lettre circulaire, fit part aux vingt-cinq premiers lieutenants, tant de ceux qui étoient au corps que de ceux absents par semestre, que Sa Majesté s’étant déterminée d’augmenter d’un cinquième bataillon les six premiers régiments de son infanterie (déjà du nombre de quatre), il avoit reçu des ordres pour présenter au ministre ses nominations, qui devoient consister, pour la formation de ce cinquième bataillon, en dix-sept lieutenants qui passeroient au grade de capitaine, qu’il nous adresseroit sous peu de jours à chacun des intéressés l’ordonnance du Roi qui prescrivoit les conditions de la levée de ce nouveau bataillon, qu’il nous prévenoit seulement que les bataillons feroient la campagne prochaine avec les autres, ce qui fut en effet exécuté ; que nous eussions donc à lui mander sur-le-champ particulièrement si la fortune de nos parents et notre volonté le mettoient dans le cas de nous proposer à une de ces nouvelles compagnies et que, sur. la réponse que nous recevrions de lui, il nous manderoit sur-le-champ de partir pour aller nous occuper de notre nouvelle charge et de cette augmentation.

Par les pertes du siège de Namur, j’étois, à cette époque, le quatrième lieutenant du régiment de Picardie ; mon embarras n’étoit pas petit pour répondre à cette invitation. Quelle pourroit en être la dépense et quelle seroit la teneur de l’ordonnance du Roi qui en fixoit les conditions ? Mon oncle étoit à Arras, où il avoit été passer l’hiver et s’y reposer près d’un de ses anciens compagnons d’armes ; il étoit parti un peu malade. M. le duc demandoit réponse sur-le-champ, j’en apercevois toute la nécessité. Je réfléchissois sur la position de mon père, de ma mère et de ma grand’mère, dont toutes les possessions réunies ne leur rendoient pas six cents livres de rente. Les dépenses de mes trois précédentes campagnes leur avoient coûté mille écus. Je voyois presque une impossibilité qu’ils pussent venir à mon secours, quelque seul d’enfant que je fusse et quelque tendresse que je savois qu’ils avoient pour moi. Chiens de Hollandois, d’Écossois et de Hessois (les trois différentes troupes qui défendoient le village des vergers d’Ans), pourquoi ne vous êtes-vous pas mieux défendus. J’aurois été certainement tué, mes parents m’auroient donné des larmes et, pour échange d’elles, vous me mettez dans la cruelle nécessité d’aller leur arracher la moitié de leur substance et abréger peut-être leur vie !

Ne pas répondre à M. le duc d’Antin fut le parti que je me proposai d’abord ; cependant tous mes camarades étoient instruits que j’avois reçu sa lettre. Lui faire part de ma détresse, c’étoit reculer singulièrement la ligne de mon avancement ; le temps étoit pressant et je n’avois celui de consulter mes parents. Lorsque mon oncle étoit parti, il avoit laissé sept à huit louis à un de ses compagnons, commandant de bataillon, M. Tourant, pour qu’il voulût bien avoir l’œil sur moi ; la vanité de ma dix-neuvième année ne pouvoit me permettre de chercher des conseils près d’autres que de mes parents.... Il falloit pourtant se résoudre : je projetai, après avoir dîné, une promenade seul ;... je sortis par la porte où l’attaque de Namur avoit été faite ; je promène mes idées sur tous les vestiges que me présentoit encore le terrain ; insensiblement je me trouve près du fort Balard, je reconnois la place où, deux mois auparavant, j’avois vu moissonner un jeune grenadier à côté de moi, le chevalier de Glandevès, je m’arrête et je me dis : " Puisque je me trouve sur. le champ de Mars et de l’honneur, consultons les mânes du chevalier. "

Il faut dire ici que ce chevalier, quoique homme de qualité, n’étoit pas riche, tant s’en faut ; il passoit pour constant au régiment qu’il économisoit sur ses appointements ce qu’il faisoit passer à ces deux soeurs, qui étoient au couvent à Paris, et qu’il disoit souvent : " Lorsque je serai commandant, je leur ferai plus de bien. " Il étoit capitaine depuis quelques années et fut tué à l’âge de vingt-six ans. Il étoit courageux, mais imprudent ; son grand plaisir étoit de ramasser les jeunes officiers et de les conduire à la sape, ou dans les endroits les plus dangereux et là de connoître de leur courage... Il fut frappé d’une balle au-dessus de l’oreille...

Je m’assis donc sur le lieu de ce triste souvenir et m’occupai des motifs qui m’avoient amené. Mon parti pris, je me lève. Rentré chez moi, je répond à M. le duc d’Antin que j’attends ses ordres de départ avec grande impatience, par celle que je suis de répondre à la confiance qu’il se propose de me marquer, que d’avance j’ai l’honneur de lui en faire tous mes remerciements et de l’assurer que, si la guerre peut me fournir des occasions à justifier l’opinion dont il m’honore, il doit y compter, ainsi que sur le respect avec lequel, etc...

La lettre à mes parents me fut bien plus coûteuse. Il fallut entrer dans tout le détail de ma position, leur bien marquer que par plus d’une bataille ou d’un siège j’eusse désiré passer à une compagnie gagnée par des dangers, sans embarras pour eux et surtout sans finance, que leur situation ne m’étoit que trop connue, que je les voyois apprendre mon avancement au détriment et à la suppression du peu qu’ils avoient, que, quelque porté que je fusse à tout reconnoître, rien ne m’en assuroit l’exécution. Enfin ma lettre fut de tout ce que je sentois, et je sentois beaucoup. Je l’adressois à ma mère, pensant bien que la commission ne seroit pas petite, et je la finissois en la priant de faire comme j’avois fait, qui étoit de se livrer à la Providence, sans nulle réflexion ; que ce parti étoit celui que j’avois pris, après quarante-huit heures d’incertitude, mais que depuis lors je me trouvois tranquille et bien soulagé ; qu’elle se privât de me répondre, attendu que je serois en route au moment où elle recevroit ma lettre ; [j’ajoutois] des respects pour ma grand’mère, mon père et un baiser tremblant pour eux tous.

Mes dépêches faites, je fus les mettre à la poste ; elles n’eurent pas plutôt glissé dans la boite, qu’il me parut que je respirois un tout autre air ; la nature sembloit renaître pour moi ; l’appétit et le sommeil, tout me revint et me fut délicieux..... Huit jours s’écoulèrent sans que nous eussions des nouvelles de M. le duc d’Antin. Je passai ce temps à des préparatifs de départ. Le neuvième jour, neuf des lieutenants qui étions restés au régiment pour y passer l’hiver reçûmes chacun une lettre de M. le duc d’Antin par laquelle il nous faisoit part de la nomination qu’il avoit faite de nous à une compagnie de nouvelle levée et que sur cette lettre nous eussions à prendre les ordres de M. de Bruslard (13), lieutenant-colonel du régiment, à qui il écrivoit par le même courrier, et que M. de Lowendal, lieutenant-général, commandant à Namur, avoit été prévenu par le ministre pour nous laisser partir. Le reste de sa lettre étoit exhortation pour accélérer la formation de nos compagnies en hommes fort robustes et aguerris soldats, vu que ce bataillon feroit la campagne prochaine avec les autres.

Nous nous rendîmes chez M. de Bruslard, qui nous conduisit chez M. de Lowendal. Ce général avoit reçu l’ordonnance de la formation de ces six bataillons, où étoient toutes les conditions et traitement accordé par le Roi. La lecture nous en fut faite et nous sortîmes avec notre lieutenant-colonel, qui nous ajouta que pour notre route nous passer chez l’officier chargé du détail du régiment qui nous remettroit à chacun cent écus, ce qui s’exécuta de suite. En cette somme de trois cents livres consista toute l’avance qui nous fut faite.

Je passai, dans la même matinée, chez M. Tourant, qui me remit les huit louis que mon oncle lui avoit donnés en garde. Comme mon équipage consistoit en un très bon petit cheval et en un bon mulet, avant la réception de la lettre qui me faisoit capitaine en attendant ma commission, vu que mon état de capitaine et surtout une si longue route l’exigeoient, je traitai de mon mulet pour avoir un valet monté plus décemment. J’avois déjà fait marché avec un capitaine du régiment pour un cheval qu’il me céda, deux louis avec, et je lui remis en échange mon mulet. Il m’étoit dû par de mes camarades cinq louis qu’ils me payèrent. Comme je comprenois parfaitement toutes mes nécessités, je ne pris avec moi qu’un seul soldat de la compagnie de mon oncle, qui par son talent étoit noté pour être bas-officier, et je dis à ce M. La Liberté (son nom de famille étoit La Grave, natif de Languedoc) que, si son zèle répondoit au choix que je faisois de lui, il seroit le premier sergent de ma compagnie, qu’il me falloit un homme économe qui ménageât ma bourse, en outre des talents militaires dont je savois qu’il étoit pourvu. Il me répondit qu’il feroit de son mieux. Je lui dois la justice de dire que sous tous les rapports j’eus lieu d’en être content.

Tous mes arrangements pris pour ma route, je partis de Namur pour me rendre en Vivarois, le 15 de novembre. A l’approche de la petite ville de Viviers, que mes parents habitoient, je sentois des mouvements d’inquiétude, quelque désir ardent que j’eusse de les embrasser. Ma dernière couchée fut à Châteaubourg, dans une mauvaise auberge, où, agité de mes réflexions, je ne dormis pas de la nuit. J’en partis avec le commencement du jour. Sur les quatre heures de l’après-midi, étant à une lieue de Viviers, je fis rencontre d’un homme qui en étoit ; mon empressement fut de lui demander des nouvelles de tout ce qui m’y intéressoit ; ce brave homme me dit que mon père et ma mère m’y attendoient avec grande impatience, que leur santé étoit bonne, que toute la ville avoit appris avec joie que j’étois capitaine et que mon père, depuis que je l’en avois instruit, avoit fait trois jolies recrues, toutes de la ville, et qu’il me nomma. Je les connoissois et il me vint alors un bien tendre souvenir : à l’âge de neuf, dix et onze ans, avant de quitter mes parents pour aller au collège, mon état fut marqué pour la carrière militaire ; j’avois ramassé une trentaine d’enfants de mon âge, je m’en étois fait le capitaine ; je leur avois donné un drapeau, les avois armés de cannes en place de fusils et je leur faisois faire des mouvements en représentation de ceux que j’avois vu exécuter à Antibes, où, de l’âge de six ans et demi jusqu’à celui de sept et demi, j’étois resté chez mon oncle, M. de Caire (14), qui étoit major de cette place. Les trois hommes de recrue qui venoient de m’être annoncés étoient donc trois de ces enfants qui, du moment qu’ils surent que j’étois capitaine, s’empressèrent de devenir. soldats et de réaliser sous moi, dans une carrière bien réelle, les jeux de notre enfance. Ce souvenir m’attendrit d’une manière bien particulière. Je remerciai cet homme qui continua sa route et moi la mienne.

Près de la ville, je rencontre et joins plusieurs de ses habitants ; tous me témoignent le plaisir qu’ils ont de me revoir et je partage bien sûrement cette satisfaction avec eux. J’arrive à la porte de la maison, je mets pied à terre, monte et me trouve dans les bras de ma mère ; je ne les quitte que pour ceux de mon père et de ma grand’mère ; tour à tour ils reçoivent mes respects et mes empressements. Que ce souvenir m’est précieux ! C’est un des plus doux de ma vie. Mais que ce souvenir est cruel de me dire que moins de six ans après, c’est-à-dire en avril 1752, ces trois êtres qui m’aimoient avoient disparu !...

Notre première soirée se passa en plaisir réciproque de se voir. On me présenta les trois recrues déjà faites, je leur donnai pour boire et ils m’assurèrent qu’ils ne tarderoient pas à avoir des camarades.

Notre souper fut frugal et court, comme c’étoit l’usage..... Le lendemain, je fus agréablement réveillé par mon valet, qui, entrant dans ma chambre, me dit : " On vous a fait hier encore deux jolies recrues ", qu’il me nomma par leur nom ; encore deux de ces enfants qui avoient composé ma première phalange ! On me les fit monter et je les parai d’une belle cocarde blanche et rose, et leur donnai quelques écus sur leur engagement... Ma mère rentra, m’apportant une assiette de raisins ; sa servante (car c’étoit tous ses gens) la suivoit, portant sur une assiette une pièce de pain bis, un verre et une bouteille de vin. Ce déjeuner, que l’appétit assaisonnoit, parce que le souper avoit été léger, qu’il m’étoit offert par la meilleure des mères, fut trouvé excellent.

Mon déjeuner pris, je demandai à ma mère l’effet que lui avoit fait la lettre que je lui avois adressée de Namur. Elle me dit qu’elle lui avoit arraché beaucoup de larmes, que mon père, qui l’avoit lue après, en avoit eu les yeux tout rouges et que le résultat de leurs réflexions avoit été que, dans circonstance aussi inévitable, aussi pressante et aussi intéressante pour ma carrière, ils s’étoient dit : " Nous mangerons du pain ", et que de suite ils avoient déterminé de céder au séminaire de Viviers un capital de deux mille francs que leur devoit M. Digoine (15), ce qui avoit été fait, et cette tendre mère les tira de sa poche en me disant : " Les voilà, mon cher Jacquet ! ". Elle ajouta : " Il t’en faudra davantage " — elle vit que j’étois attendri de toutes leurs marques de bonté, — " et nous tâcherons de t’en donner davantage ; sois tranquille. " — " Où est mon père ? " lui dis-je. — " Il me charge de te parler de tout ceci ; il a été à la messe ; il m’a dit d’ajouter qu’il iroit demain à sa grange près Saint-Pons (c’étoit la seule qu’ils possédassent), qu’il y mettroit en vente un pré un peu éloigné du domaine, qu’il espéroit vendre quinze cents livres. "

A ce récit, je me sentis un frémissement ; je me parus un enfant dénaturé qui, pour soutenir une vanité déplacée, veut arracher à ces vieillards (mon père avoit alors soixante-trois ans, ma mère cinquante-cinq et ma grand’mère quatre-vingt-quatre), leur arracher à tous trois le peu de substance qui les aider à arriver au tombeau. J’étois si pénétré que je ne répondis à ma mère que par des soupirs.

Mon père rentrant sur les dix heures, je fus l’embrasser, lui dis de ne pas se presser pour son voyage de Saint-Pons, que ma mère m’avoit tout dit, qu’il valoit mieux écrire à M. le marquis de Graveson (16), lui demander cent pistoles sur six mille francs qui faisoient partie de la dot de ma mère et qu’il lui devoit. Ma mère fut chargée de lui écrire ; ce brave homme exécuta ce qu’elle lui demandoit

Je fus très heureux dans mon travail de recrues ; je fis, en deux mois, trente-deux hommes de recrue, bons et assez beaux. Je formai mon équipage de capitaine en joignant à mes deux chevaux deux mulets, bien historiés de leurs agrès ; je pris à mon service un valet de plus ; ma mère radouba et renouvela pendant mon séjour mon petit équipage et linge, et je partis avec une " route de la Cour " tant pour moi sous le grade de capitaine que pour le nombre des nouveaux soldats que je conduisois.

Le moment de ce départ affligea beaucoup mes pauvres parents, quelque à charge que je dusse leur être à cause de ces hommes ayant fait dans une maison déjà petite un corps de caserne. J’étois si content de les en débarrasser que je partois avec un plaisir secret, n’étant peiné que parce que je les voyois tristes.

Voyageant par étapes, ma route fut longue et je n’arrivai à Namur que le 29 de mars ; tant je m’étois dépêché et quoiqu’un des plus éloignés, je fus rendu un des premiers. A quelques jours de là, je présentai mes hommes à M. de Bruslard, notre lieutenant-colonel. Il fut content de leurs taille, force et tournure. Je lui lis observer les sept (car j’en avois joint deux aux cinq premiers engagés) qui lors de mon enfance faisoient partie de ma compagnie vivarienne, ce qui fit rire ce vieux militaire, et il fit plusieurs questions à ces jeunes gens.

En avril, tout se disposoit pour commencer la campagne de 1747 et, dans les premiers jours de mai, nous reçûmes des ordres pour quitter Namur.

 

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Note 01 : Joseph-Salomon Fabre de Rocqueval, né en 1726, volontaire au régiment de Picardie en 1741, lieutenant en 1742, capitaine en 1745, lieutenant-colonel des grenadiers royaux de la Guienne en 1771. Réformé en 1775, obtint pour retraite le grade de maréchal de camp en 1791 ; mort en 1806, chevalier de Saint-Louis.

Note 02 : Ulric-Frédéric-Woldemar, comte de Lowendal, né à Hambourg en 1700, maréchal de France en 1747, mort à Paris en 1755.

Note 03 : Il y eut au régiment de la Couronne trois officiers du nom de Cursol : deux qui paraissent avoir été frères, François-Joseph et François-Emeric, qui se retirèrent tous les deux en 1758 avec le grade de capitaine, le premier avec la croix de Saint-Louis ; et M. de Tallant de Cursol, lieutenant en 1745.

Note 04 : L’auteur se trompe : Joseph Payan de Lestang était né à Saint-Paul-Trois-Châteaux en Dauphiné le 5 juillet 1711, d’Hector Payan, avocat, et de Lucrèce Richard. Lieutenant-colonel réformé à la suite du régiment allemand de Lowendal, puis capitaine en 1746 d’une compagnie de Croates. Son frère, Louis Payan du Moulin, se maria et s’établit à Aubenas en 1750.

Note 05 : Louis de Bourbon-Condé, frère du duc de Bourbon et comme lui arrière-petit-fils du grand Condé, né en 1709 ; destiné à l’église, mais n’ayant jamais été que tonsuré. Autorisé par le Pape à porter les armes, il fit les campagnes de 1743 à 1747. Il était abbé de Saint-Germain-des-Prés, quand il reçut le commandement de l’armée de Hanovre en 1758. Membre de l’Académie française, il mourut en 1771.

Note 06 : Allusion à la célèbre défense de Namur par le maréchal de Boufflers en 1695.

Note 07 : D’après le Cte Pajol (Guerres de Louis XV, III, 464-9), le fort Coquelet fut pris le 19 septembre et le fort Balard le 16 septembre.

Note 08 : N. de Reich de Platz, " gentilhomme d’Alsace, dont le père est attaché à M. le cardinal de Rohan ", lieutenant réformé au régiment de Picardie en 1722, lieutenant en pied en 1724, puis capitaine. Un de ses parents, le chevalier de Reich-Platz, de Bainfeld en Alsace, fut lieutenant de Picardie en 1728 et se retira en 1734.

Note 09 : N. de Nioselles de Glandevès, lieutenant au régiment de Picardie en 1730, capitaine en 1735.

Note 10 : Jean-Pierre d’Alary de Tanus, capitaine en 1706, major en 1737, lieutenant-colonel en 1740, maréchal de camp en 1748, mort en 1752.

Note 11 : L’auteur consacre dix lignes à la formation défectueuse de cette brigade, déjà décrite plus haut.

Note 12 : Louis de Pardaillan de Gondrin, troisième et dernier duc d’Antin, né en 1727, maréchal de camp en 1749, mort à Brême en 1757 ; succéda au chevalier de Vassé comme colonel de Picardie en 1745.

Note 13 : N de Bruslard, de Dunkerque, enseigne en 1711, lieutenant en 1712, capitaine en 1716, commandant de bataillon en 1747 , se retira en 1751 avec la croix de chevalier de Saint-Louis. Il fit les fonctions d’aide-maréchal général des logis de l’armée de Bavière.

Note 14 : N., comte de Caire, lieutenant dans Picardie en 1746, était en 1788 chevalier de Saint-Louis et colonel sous-brigadier du génie à Neuf-Brisach.

Note 15 : D’une famille notariale établie à Montdragon en Provence dès la première moitié du xve siècle et passée, par mariage, au Bourg-Saint-Andéol en Vivarais, en 1571. Des généalogistes ont rattaché à tort ces Digoine à la famille considérable du même nom qui était fixée en Bourgogne.

Note 16 : André de Clémens, dont la seigneurie de Graveson en Provence avait été érigée en marquisat en 1718. Il était beau-frère de la célèbre marquise du Deffrand. Son fils Jean-Baptiste épousa, en 1751, Marie-Anne-Magdeleine de Vogüé, sœur du marquis de Vogüé.

 

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