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Source : Grimoard - Lettres et mémoires choisis parmi les papiers originaux du Maréchal de Saxe - p.164 bis

 

Le Maréchal de SAXE au Comte D'ARGENSON.

A Lille, le 13 avril 1745.

Il nous arrive, Monsieur, une chose dont nous n'avions aucun soupçon, et dont il n'y a point d'exemple dans ce pays-ci. Les ennemis ont fermé les écluses d'Oudenarde, et lâché l'immense réservoir qu'ils ont au-dessus de Tournai ; ce qui fait une continuité d'inondation depuis Condé jusqu'à Oudenarde. Cela ne laisse pas que d'être fort embarrassant pour les ponts de communications que je comptois établir au-dessous de Tournai, vis-à-vis Constantin. Dans toutes les autres guerres, Condé et Tournai ne se sont pas trouvés ensemble sous la même domination, ainsi ce moyen n'a pas été mis en usage, et aucun de nos Ingénieurs n'en a eu la moindre idée. J'ai fait partir à la nuit, avec un détachement de 50 hommes, M. d'Espagnac et M. Desmazis, pour se porter avant le jour vis-à-vis Constantin, et voir jusqu'à quel point l'inondation peut y être poussée au plus large. De quatre ponts que je comptois y faire, il faudra se borner à un dans cette partie, et peut-être encore cet ouvrage ne sera pas si prompt que je le desire. Nous en ferons un au-dessus de Tournai avec les bateaux de Condé.

Ces deux communications ne nous rendront pas la manoeuvre aisée, mais cependant elle ne sera pas impossible. Comme la nécessité est la mère de l'industrie, je me suis remis à étudier le plan de Tournai : je crois que dans le lieu où j'avois projetté faire une fausse attaque du côté de la citadelle, à la gauche de l'écluse du Luquet, il est possible d'emporter la ville en dix ou douze jours, en longeant la rive gauche de l'Escaut, aussi près de l'idondation qu'il est possible ; parce que dans l'eau les ennemis ne sauroient faire usage de leurs mines ; un simple réduit non-terrassé couvre la porte de Valenciennes, de-là il n'y a que le mur d'enceinte de la ville, qui n'est flanqué ni défendu par rien, et je crois que la brêche une fois faite, la garnison ne s'exposera pas à soutenir un assaut au corps de la place. j'en ai raisonné avec MM. d'Aumalle et Desmazis, qui ne trouvent point la chose impraticable, quoiqu'elle ne soit pas dans les règles de l'art ; mais il faut employer des moyens extraordinaires, lorsque la nécessité l'exige. Cela n'empêchera pas que nous ne conduisions les autres attaques comme nous les avions projettées. Je me flatte cependant, que par ce moyen Tournai pourroit bien êtres pris dans dix ou douze jours de tranchée ouverte.

Je vous envoie un croquis de la conduite de cette attaque ; de manière ou d'autre nous l'aurions fait. pour diviser la. garnison et la tourmenter ; ainsi il n'y a rien de changé ni pour le temps, ni pour les moyens qu'il faut y employer.

Je serai extrêmement flatté si ce plan a votre approbation.

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