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Je devrois commencer ce Journal par celui de la prife de Bruxelles : mais comme je me fuis borné à ne parler que des opérations de l'Arrnée du Roi je ne rapporterai que ce qui y eft relatif : j'obferverai seulement que l'histoire cite peu d'exemples d'un projet plus fçavant & mieux exécuté que celui de cette Expédition : un Militaire un peu inftruit, y trouve tout ce qui caractérife le Grand Général : la pénénation & l'activité à profiter de la faute qu'a fait un Ennemi, de prendre un quartier d'hyver en l'air & fans protection : un fecret d'autant mieux ménagé, que le mouvement même des Troupes ne le décele pas : une combinaifon admirable dans les manoeuvres de guerre : une prévoyance concertéee qui prévient tous les befoins : une fermeté fupérieure à tous les obftacles qui furviennent : une hardieffe prefque incroyable, mais judicieufe dans l'entreprife : un ménagement fingulier des hommes qui trouvent dans l'aifance qu'on leur procure, un préfervatif contre les rigueurs de l'hyver & du mauvais tems : enfin ce qui ne paroît pas vraifemblable, vingt-huit mille Hommes d'Infanterie, qui par la fageffe de celui qui les mene, en obligent douze mille à fe rendre Prifonniers de Guerre.

L'Expédition de Bruxelles étant terminée, M. le Maréchal de Saxe retourna à Gand. Attentif à tout, il y régla avant fon départ pour la Cour, les difpofitions capables d'affurer fa nouvelle conquête, & de lui donner le tems de venir à fon fecours, fi M. le Prince de Waldek qui fe renforçoit tous les jours, avoit envie de l'infulter.

Ces arrangemens faits, M. le Maréchal de Saxe partit pour Verfailles ; il y fut reçu du Roi, avec les marques les plus diftinguées de bonté de bienveillance : jufte fruit de fes mérites. La Nation de fon côté lui témoigna par les empreffemens les plus marqués & par fes applaudiffemens, une reconnoiffance d'autant plus flatteufe, que les motifs n'en étoient point équivoques.

M. le Maréchal de Saxe étoit attendu à la Cour, pour les projets de la Campagne fuivante : ce Général, en y arrivant, en préfenta un qui fut agréé. C'eft ce même projet qui a fervi de baze à toutes ces belles opérations qui ont décidé des fuccès de cette Campagne, une des plus glorieufes, dont les Annales de ce Royaume puiffent faire mention.

M. le Maréchal de Saxe ne s'arrêta pas long-tems à Verfailles, il repartit vers la mi-Avril pour fe rendre en Flandre, fa prefence y étoit néceffaire pour difpofer tout pour l'ouverture de la Campagne, & pour l'arrivée du Roi.

Toutes les Troupes qui devoient compofer l'Armée du Roi, & qui à cet effet avoient été raffemblées en Flandre ou en Haynaut, eurent ordre de partir le premier de Mai de leurs différents quartiers, pour aller camper partie fous Bruxelles, partie fous Dendermonde.

Vingt-quatre bataillons & trente-fept efcadrons détachés de l'Armée deftinée pour S.A.S. M. le Prince de Conty, étoient déja en marche des Evêchés pour la Flandre, ils devoient arriver fous Maubeuge le 5. de Mai, & y former un troifiéme camp, aux ordres de M. le Comte d'Eftrées qui étoit, fous ceux de M. le Maréchal de Saxe.

Voici quel étoit l'objet de ces trois corps de Troupes.

Celui qui avoit fon rendés-vous fous Bruxelles, étoit le véritable corps d'armée, & devoit feul être chargé des premieres Expéditions.

Le corps qui s'affembloit fous Maubeuge, aux ordres de M. d'Eftrées, devoit donner des inquiétudes fur Mons, Charleroy & Namur, & fervir réellement dans la fuite à en faire les Siéges.

Le Corps deftiné pour Dendermonde, devoit protéger du côté de l'Efcaut, les premieres opérations, on l'avoit compofé quafi tout de Cavalerie, parce qu'il était placé commodément pour les fourages, qui étoient fort rares du côté de Bruxelles.

Le mouvement général des Troupes fût précédé de celui de quelques Troupes Légeres, & du Régiment des Carabiniers, qui fe rendirent le 30. Avril à Vilvorde, ou dans fes environs.

M. le Maréchal de Saxe partit de Gand le premier Mai, il arriva à Bruxelles le même jour, & il fut dès le lendemain reconnoître le Camp qu'il vouloit prendre de l'autre côté de cette ville : ce Camp fut marqué le 3. fans que l'ennemi qui fit fortir ce jour-Ià quinze cens hommes de Louvain pour nous reconnaître, ofa nous inquiéter.

Toutes les Troupes qui devoient fe raffembler fous Bruxelles, y arrivérent du trois au quatre ; elles y campérent fur deux lignes, la droite à Tervure, la gauche à Harem, la Cavalerie & les Dragons campérent à la droite, parce que le pays y étoit découvert. Les Carabiniers feuls fermérent la gauche de la premiere ligne, l'Artillerie fut parquée en avant de cette gauche.

Les deux tiers du front du Camp, étoient couverts des ruiffeaux de Voluve & de Veffembek.

Quatre Régimens d'Huffarts campèrent en avant de l'aile droite à Tervure & à Ophem, celui de Boffobre refta dans Lakem, l'on laiffa dans Vilvorde les Graffins & les la Morliere pour veiller fur Malines. Deux Brigades d'Infanterie & un Régiment de Dragons occupérent Auderghem & Flergat derriere la droite, tant pour affurer la communication de cette droite à Bruxelles, que pour mafquer la Forêt de Soignies & le côté de Mons.

L'on fera fans doute bien aife d'être inftruit de quelle façon l'on a raffemblé cette partie principale de l'Armée.

La premiere colomne de la droite compofée de feize Bataillons & de vingt-deux Efcadrons, partit des environs de Maubeuge, aux ordres de M. de Clermont Gallerande, & fe rendit dans quatre jours fous Bruxelles : paffant par Bintche, le Piéton & Vatterlo.

La deuxiéme colomne de la droite au nombre de quinze Bataillons & de vingt-deux Efcadrons, partit de Condé, Mortagne ou d'Ath, aux ordres de Meffieurs de Graville & d'Armentieres : & arriva dans trois jours fous Bruxelles : paffant par Halle, la Seine au Pont de Ruifbruk.

La troifiéme colomne de la droite compofée de treize Bataillons & de neuf Efcadrons, partit de Tournay aux ordres de M. de Brezé : & arriva dans trois jours fous Bruxelles : paffant par Gramond & la Seine dans Bruxelles.

La quatriéme colomne de la droite compofée de quinze Bataillons & de cinq Efcadrons, partit d'Oudenarde aux ordres de M. de Contades, & arriva dans trois jours fous Bruxelles, paffant par Ninove & la Seine dans Bruxelles.

La cinquiéme colomne de la droite compofée de vingt Bataillons & de dix Efcadrons, partit de Gand ou de Dendermonde aux ordres de M. d'Herouville Maréchal de Camp, & fe rendit dans trois jours fous Bruxelles, paffant par Aloft & la Seine au Pont de Lakem.

L'Artillerie arriva par la chauffée d'Aloft, & traverfa Bruxelles.

En même tems qu'on forma le Camp fous Bruxelles, toute la Cavalerie qui avoit hyverné dans la Flandre ou Pays conquis, fe raffembla au nombre de quatre-vingt quatre Efcadrons fous Dendermonde, aux ordres de M. du Chayla vingt Bataillons dont douze de Milices deftinés à camper, & huit de Grenadiers Royaux marcherent auffi aux mêmes ordres, cependant la plûpart de ces Troupes n'arriverent dans ce camp qu'après le paffage du Roy : ce Corps ayant été chargé de placer pour la fûreté de fa marche, des efcortes, tant d'Infanterie que de Cavalerie, depuis Lille jufqu'à Bruxelles : il continua même pendant un tems à fournir de détachemens â Gand, Aloft & Bruxelles.

Le Roy impatient de fe voir à le tête de fon Armée, arriva à Bruxelles le 4 de May, jour auquel le Camp achevoit de fe former : Sa Majefté monta à cheval le lendemain ; elle fortit par la porte de l'attaque, vit enfuite la gauche de l'Armée & avant de rentrer, elle vifita une partie des glacis, & les nouveaux Ouvrages que M. de Lowendal avoit fait faire depuis la prife de la Ville. Les Ennemis étoient pour lors campés, leur droite à Malines qu'ils occupoient : leur gauche s'allongeoit jufqu'à l'Abbaye de Ulierbek, proche Louvain, ayant la Dille devant eux : ils tenoient cette pofition pour mieux veiller fur nos mouvemens, qui les inquiétoient d'autant plus qu'ils ne pouvoient pas pénétrer quel étoit le véritable objet du corps que nous raffemblions fur la Sambre.

Mrs de Lowendal, d'Armentieres & de Cremille, partirent le 6. de May du Camp de Bruxelles, avec un gros détachement pour aller en avant reconnoître le pays : ayant appris fur leur route que les Ennemis avoient abandonné Louvain  ; ils y marcherent : les Troupes legeres qui faifoient leur avant garde, rencontrerent près de cette Ville un détachement d'Huffards Ennemis qu'ils poufferent, & auquel ils firent quelques prifonniers. M. de Lowendal paffa la nuit dans Louvain, & ne rentra que le 7. au matin : mais Mrs d'Armentieres & de Cremille revinrent au Camp le 6. au foir.

Le 7. les Ennemis repafferent le Demer, & porterent leur gauche fur Dieft : ils ne laifferent en deça du Demer que des Détachemens.

La Brigade des Gardes arriva du 7. au 8. à Bruxelles : elle campa en réferve derriere l'Armée : fa gauche à la chauffée de Louvain.

Le Roy donna ordre le 8. que l'Armée marcherait le 9. ce qu'elle fit fur fept Colomnes elle fut camper dans le même ordre qu'au Camp de Bruxelles : fa droite à Velthem : fa gauche à Stein fur la Seine : la Brigade des Vaiffeaux entra dans Louvain, auquel les Dragons & les Huffards appuyerent leur droite. Les Graffins & les Lamorliere refterent à la gauche, & occuperent Elüeit : le Regiment de Boffobre campa auprès de Vilvorde.

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