Table
des matières - Chapitre I
Matériel d’artillerie en France
à la fin du règne de Louis XIV - Depuis l’adoption du système
Vallière jusqu’à l’adoption du système Gribeauval (1732-1765 - Transformation du matériel
d’artillerie. Système de Gribeauval. - Matériel d’artillerie
en 1789.
Chapitre III
§1 - Matériel d’artillerie en France à la fin du règne de Louis XIV
Pièces - Projectiles - Affûts et accessoires - Organisation du matériel
A la fin du dix-huitième siècle, l’artillerie française était réputée la première du monde par son unité et sa légèreté. Cette supériorité était due aux remarquables travaux et à la longue patience de deux hommes entièrement dévoués à leur œuvre. D’une part, les découvertes de Bélidor avaient permis de réduire. la charge de poudre et, par suite, le poids des canons ; d’autre part, le rigoureux esprit de méthode de M. de Gribeauval avait asservi tout le matériel aux règles d’un système fixe et invariable.
Pièces - Projectiles - Affûts et accessoires - Organisation du matériel
a) PIECES
Canons. — Pour fixer la genèse de ce double progrès, il faut remonter au premier effort accompli dans le sens de l’unification à la fin du dix-septième siècle. D’après Surirey de Saint-Remy (01), on fondait en France, en 1697, six sortes de canons : 1° le canon de France, lançant un boulet de 33 livres et pesant 6 200 livres ; 2° le demi-canon d’Espagne, lançant un boulet de 24 livres et pesant 5 100 livres ; 3° le demi-canon de France, lançant un boulet de 16 livres et pesant 4 100 livres ; 4° le quart de canon d’Espagne, lançant un boulet de 12 livres et pesant 3 400 livres ; 5° le quart de canon de France ou la bâtarde, lançant un boulet de 8 livres et pesant 1 950 livres ; 6° la moyenne, lançant un boulet de 4 livres et pesant 1 300 livres.
Les dimensions des canons, sans être uniformes, variaient peu d’un département à l’autre. Partout, ils portaient en ornement les armes du roi sur la culasse, et les armes du duc de Maine, grand-maître de l’artillerie, sur la volée.
On avait adopté le principe de donner aux pièces la même longueur, quel qu’en fût le calibre, pour qu’elles pussent toutes également servir en embrasure. Le poids des pièces, par suite, était loin d’être proportionnel au poids du boulet.
Le canon de 33 pesait 187 boulets ; le canon de 24, 212 boulets ; le canon de 16, 256 boulets ; le canon de 12, 283 boulets ; le canon de 8, 243 boulets ; enfin, le canon de 4, 325 boulets.
Le poids considérable des pièces était le principal obstacle à l’emploi de l’artillerie en campagne. Différents moyens ingénieux furent proposés et adoptés pour l’alléger, mais ils ne furent pas maintenus pendant le dix-huitième siècle. Un des plus curieux fut celui dit de la « nouvelle invention ».
En 1679, un inventeur espagnol, Antonio Gonzalès, vint proposer à Louvois de modifier l’âme des bouches à feu, en la terminant par une chambre sphérique : la charge s’y enflammerait près de son centre, au lieu de prendre feu à son extrémité, ce qui occasionnait une grande perte de poudre. Par suite de cette déflagration plus instantanée, le projectile recevait une vitesse initiale plus grande, avec un poids de poudre moitié moindre que celui des charges alors en usage (1/3 du poids du boulet au lieu des 2/3). On pouvait, dès lors, alléger en proportion la masse du canon et rendre l’artillerie plus mobile. Les nouvelles pièces ainsi construites ne pesaient plus que : la pièce de 24, 125 boulets ; la pièce de 16, 37 boulets ; la pièce de 12, 166 boulets ; la pièce de 8, 125 boulets ; la pièce de 4, 150 boulets.
Ces pièces qui donnèrent de bons résultats balistiques avaient cependant de graves inconvénients : à cause de leur faible longueur, les embrasures étaient rapidement détériorées ; les anciens affûts résistaient mal à la vivacité de l’explosion ; et, surtout, il restait souvent, dans la chambre, du feu que l’écouvillon n’arrivait pas à éteindre.
M. de la Frézelière, lieutenant-général de l’artillerie, modifia cette disposition primitive et donna à la chambre une forme ovoïde, avec un petit diamètre, légèrement supérieur à celui de l’âme ; en même temps, il accrut, par une construction nouvelle, la résistance des affûts de bois, qu’il munit, pour faciliter les manœuvres, de nouveaux avant-trains légers ; il inaugura les affûts de fer destinés aux mortiers et leur permettant d’agir presque horizontalement comme de véritables obusiers.
En 1680, de la Frézelière obtint de refondre la plupart des petites couleuvrines en service dans les places de l’Est. Il les transforma en canons de 8, de 12 et de 24 de la « nouvelle invention ». Cette artillerie, complètement nouvelle dans son principe et dans son emploi, fut discutée avec passion et difficilement acceptée par les généraux de l’époque (02). A la mort de La Frézelière, ces canons furent entièrement refondus et l’artillerie française redevint aussi encombrante que jamais.
A citer comme essai de nouveaux canons plus légers : les canons triples patronnés par Villeroi, adoptés vers 1704, mais renvoyés aux fonderies après la désastreuse expérience de Ramillies (1706), et les canons doubles avec des boulets reliés entre eux par une barre de fer, qui subirent le même sort,
Enfin, il existait encore un canon de montagne du calibre de 1 livre monté sur un affût à roulettes d’une disposition particulière.
En France, les gros calibres formaient 5 % du parc de campagne, les moyens calibres (de 12 et de 8) 35 % et les petits calibres 60 %
Mortiers. — L’artillerie française faisait encore usage, à la fin du dix-septième siècle, d’un grand nombre de mortiers : les uns de forme cylindrique, dits « à l’ancienne manière », les autres qui avaient utilisé le procédé, dits de la « nouvelle invention ». Ils avaient des calibres variant de 6 à 18P°, et employaient des charges variant entre 2 et 18 livres de poudre.
Les modèles des mortiers différaient, comme ceux des canons, d’un département à l’autre.
Il n’existait pas d’obusiers en France, mais on se servait de quelques pierriers.
Fabrication. — La fabrication des pièces avait fait de grands progrès. Les canons de bronze étaient les plus employés, mais on fit aussi des essais de canons en fer forgé et de canons en fonte de fer.
Les canons fondus dans les différents départements français avaient tous les calibres fixés (33, 24, 16, 12, 8 et 4 livres) ; cependant, les diamètres de l’âme de deux canons de même calibre, sensiblement égaux quand ils étaient coulés clans le même département, variaient encore notablement d’un département à l’autre : aussi les projectiles coulés pour une pièce ne pouvaient-ils entrer dans l’approvisionnement d’une pièce de même calibre mais coulée dans un autre département.
Les canons étaient coulés dans un moule avec un noyau intérieur : la surface extérieure restait telle qu’elle sortait du moule ; la surface intérieure était ensuite soumise a un alésage qui amenait la pièce au calibre voulu. Quelques tentatives faites pour couler le canon plein et le forer ensuite entièrement n’avaient pas réussi à cause de l’imperfection de la machine à forer
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b) PROJECTILES
Poudres. — La composition de la poudre était de 75 parties de salpêtre, 12 parties et demie de soufre, 12 parties et demie de charbon. Elle variait très peu dans les diverses poudreries. La composition et la grosseur du grain étaient les mêmes pour la poudre à canon et pour la poudre à mousquet.
Une ordonnance du 18 septembre 1686 avait fixé les conditions de réception les poudres à canon.
Gargousses. — La poudre était encore le plus souvent mise directement dans le canon à l’aide de la lanterne. Cependant, l’usage des gargousses commençait à se répandre.
Les gargousses en papier double, en parchemin ou en toile étaient utilisées dans les circonstances où le tir devait être exécuté avec rapidité, Saint-Remy recommande particulièrement l’emploi des « gargouges » en parchemin, avec lesquelles il n’était nécessaire d’écouvillonner que tous les quatre ou cinq coups. Avec les autres, il l’allait écouvillonner entre chaque coup de canon. La longueur de la gargousse chargée était de 3 calibres. La charge de poudre employée était pour les canons de l’ancienne méthode de moitié a deux tiers du poids du boulet.
Projectiles. — Comme projectiles, l’artillerie française continuait à employer l’ancien boulet plein, restant réfractaire à l’emploi du boulet creux et allongé, très en faveur chez les autres nations. Les projectiles à mitraille firent en France de grands progrès à ce moment ; il existait à la fin du dix-septième siècle plusieurs modèles de ces engins : la cartouche, boite en fer-blanc remplie de balles de plomb, de clous ou d’autre mitraille ; la grappe de raisin, plateau de bois portant en son milieu un noyau de bois autour duquel, avec du goudron ou de la poix, on arrangeait un grand nombre de balles de plomb ; les pommes de pin, autre variété semblable à la précédente.
Approvisionnements. — Avec le système de guerre établi, l’artillerie devait rechercher, dans le tir, moins la rapidité que la sage lenteur et la sûreté d’action. Telle était l’opinion en France, laquelle entraîna l’opinion de toutes les autres puissances.
Le chargement à cartouches, qui du reste n’avait jamais été beaucoup répandu, fut abandonné même pour les pièces de petits calibres ; partout, le chargement à la lanterne fut conservé. Un baril de poudre défoncé était placé près de la pièce avec des bouchons de foin et des boulets. Pour le tir aux distances éloignées, on puisait la poudre à plusieurs reprises avec la lanterne, on la refoulait ; on mettait le bouchon, on refoulait ; on plaçait le boulet avec un bouchon et on refoulait encore. Pour les distances rapprochées, on supprimait les bouchons ; quelquefois même, surtout pour le tir à mitraille, on utilisait les gargousses, qui rendaient le tir beaucoup plus rapide. Ce chargement à la lanterne, lent et irrégulier, pouvait amener de grands dangers par la présence du baril de poudre auprès de la bouche à feu ; cependant, comme durant cette époque on s’étudiait à tirer posément, ces inconvénients étaient peu sensibles, et on avait l’avantage de pouvoir modifier la charge en raison de l’effet à produire par le boulet.
On vient de voir que les mouvements et instruments pour charger étaient nombreux et variés : il fallait introduire successivement et à plusieurs reprises l’écouvillon, la lanterne, le refouloir, qui tous étaient séparés et portaient des hampes longues. Le pointage se faisait au moyen des coins de mire, du quart de cercle et de nombreux leviers employés pour donner à la pièce la direction et la hauteur convenables. On amorçait avec de la poudre fine, on mettait le feu avec une mèche... De tous ces détails, et de la difficulté de mouvoir la pièce, résultait un tir assez, lent ; pour obtenir un peu plus de rapidité aux distances rapprochées, on brêlait la pièce sur l’affût.
Par suite de cette lenteur du tir, malgré le système de canonnades employé à cette époque, l’approvisionnement par pièce resta généralement inférieur à 150 coups, chiffre jugé suffisant pour deux grandes batailles et une retraite. Les munitions étaient transportées sur des charrettes particulières qui portaient, les unes, les barils de poudre, les autres, les boulets, d’autres la mèche, le plomb, etc. (03).
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c) AFFUTS ET ACCESSOIRES
L’uniformisation des dimensions extérieures des bouches à feu avait permis de fixer, dans chaque département, les dimensions des affûts : mais leur forme variait encore d’un département à l’autre.
L’importance des affûts et des voitures d’artillerie était peu appréciée. Cette partie était même regardée comme très secondaire, et il devait en être ainsi avec un système de guerre sans mobilité Les constructions étaient peu soignées et peu mobiles. Les ferrures étaient en petit nombre, mal travaillées et arbitrairement disposées. Les affûts, destinés seulement à transporter la pièce et à la supporter pendant le tir, étaient en quelque sorte réduits à leur plus simple expression : ils avaient été débarrassés de toutes les dispositions accessoires ayant pour objet le transport des armements et des munitions et la manœuvre de la pièce. Tous ces affûts étaient à deux flasques, moins massifs et moins longs que précédemment. L’avant-train était à limonière et à roues basses ; la réunion avec l’affût avait lieu au moyen d’une grande cheville ouvrière, placée sur le corps de l’avant-train et engagée dans la queue d’affût. Par suite de ces dispositions, il fallait un temps assez long pour mettre la pièce en état d’être chargée, et les mouvements difficiles nécessitaient l’emploi des attelages.
La confusion était extrême dans le matériel général de ces affûts ; en effet, les pièces étaient en très grand nombre, chaque pièce avait son affût particulier, et les affûts pour la même pièce variaient beaucoup, suivant les localités et même suivant les constructeurs d’une même localité ; cependant, la régularité et le classement tendaient à s’introduire dans cette partie de l’artillerie comme dans toutes les autres ; ces qualités se remarquaient souvent dans un parc construit sous la direction du même officier général d’artillerie, dans l’étendue d’une division territoriale.
Les trois classes de pièces, longues, moyennes et courtes, amenèrent naturellement le classement des affûts en trois classes ; les constructions particulières pour chaque calibre, dans une même classe de pièces, amenèrent aussi des règles de construction pour chaque calibre dans chaque classe d’affût.
Les principes de construction des affûts pour le tir exigent, pour la solidité, que le rapport entre la masse de l’affût et celle de la pièce soit d’autant plus grand que la pièce est plus légère relativement à son calibre. Ce principe était loin d’être mis en pratique, soit dans le classement par espèces, soit dans le classement par calibres dans la même espèce (04). Ainsi, dans la même espèce, le rapport du poids des pièces à celui du projectile était plus faible pour les gros calibres que pour les petits ; donc le rapport de la masse de l’affût à la masse de la pièce devait être plus grand pour les gros calibres que pour les petits. Or c’était le contraire qui avait lieu. Ainsi, pour les pièces longues, ce rapport variait de 50 % pour le calibre de 24, à 85 % pour le calibre de 4 ; et, dans les pièces moyennes, il variait de 33 % pour les calibres de 24, à 65 % pour le calibre de 4. La construction de ces affûts était grossière ; on ignorait les dispositions nécessaires pour donner la mobilité ; les roues étaient petites et. lourdes, tous les essieux étaient en bois. La seule disposition favorable était la légèreté de ces affûts, relativement à celle des pièces (05).
Les charrettes destinées à transporter les barils de poudre, les projectiles et autres munitions et les outils, n’avaient que bien peu de conditions spéciales àremplir. Leur construction variait beaucoup, suivant les localités et les généraux d’artillerie. Généralement, on cherchait à les rendre uniformes dans le même parc ; on les faisait les plus légères et les plus simples possible ; elles étaient à deux ou à quatre roues, recouvertes de prélarts pour garantir le chargement.
En France et en Allemagne, la force des attelages était calculée à raison d’un cheval pour près de 550 livres du poids du chargement et de la voiture. Ce poids, donné à chaque cheval, était fort, surtout avec des voitures grossières. Sur des chemins solides et à des allures assez lentes, cette artillerie pouvait facilement marcher ; mais il lui était impossible d’aller rapidement dans les terrains difficiles. Du reste, l’attelage à limonière, qui était généralement employé, s’opposait à la rapidité des allures.
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d) ORGANISATION DU MATERIEL.
En prenant comme 2 400 livres le poids moyen des 100 pièces entrant dans la composition d’un parc de campagne, son attelage exigeait environ 500 chevaux. En constituant un approvisionnement de 150 coups à chaque pièce, les munitions (mèches, poudre, projectiles, barils compris) nécessitaient 130 chariots portant un poids moyen de 1 200 livres, pour l’attelage desquels il fallait 520 chevaux. En joignant une dizaine de chariots, pour le transport des armements, et une vingtaine pour les outils de sapeurs, un parc d’artillerie de 100 canons formait un total de 260 voitures et de 1 140 chevaux.
En outre, les progrès des armes à leu portatives et l’augmentation de l’infanterie dans toutes les armées obligeaient celles-ci à se faire suivre d’un approvisionnement sérieux de munitions, demandant, pour 65 000 hommes, environ 150 voitures et 600 chevaux. Les voitures contenant les rechanges devaient être au nombre de 140.
En résumé, un parc de campagne comprenait environ 550 voitures et 2 500 chevaux (y compris quelques chevaux haut le pied). La longue série de campagnes de la fin du dix-septième siècle avait constitué une expérience sérieuse pour l’organisation de ce nombreux matériel et avait fait ressortir les nombreux avantages de constituer des éléments simples, réguliers, homogènes et bien liés entre eux.
On avait d’abord essayé de réunir tous les éléments par troupes de même nature : les bouches à feu, les munitions, les approvisionnements. Dans chacun de ces groupes, on avait constitué de nouvelles fractions d’éléments homogènes : voitures de boulets, voitures de poudres, voitures de mèches, etc. Mais les nombreux inconvénients de cette classification, au moment de l’action, se firent bientôt sentir, et on fit une nouvelle répartition du matériel :
1° La partie active, destinée à entrer immédiatement en action et comprenant les bouches à feu, leurs munitions, celles de l’infanterie, les agrès et outils nécessaires pendant le combat ;
2° La partie passive, comprenant l’excédent de munitions et la masse inerte des charrois.
Tandis que cette deuxième partie conservait l’organisation par groupes homogènes, la partie active du parc recevait une nouvelle organisation. A chaque groupe de bouches à feu, on réunit les charrettes de munitions propres à son service, les rechanges, les armements et les outils nécessaires. Il y eut ainsi dans la partie active autant de petits parcs que de calibres différents. Chacun de ces parcs était susceptible d’agir immédiatement et avec indépendance. Cependant, en particulier pour les petits et moyens calibres, le grand nombre des pièces employées donnait à chacun de ces parcs un développement trop important : on partagea alors le groupe trop fort de bouches à feu en un certain nombre de fractions qui furent chacune, comme les groupes précédents, organisées en parc partiel. Ces petits parcs partiels reçurent le nom de brigades et constituèrent l’unité d’artillerie.
L’importance de ces brigades dépendait des conditions nécessaires à la facilité de leur maniement ; cependant, il les fallait suffisamment fortes pour accompagner les détachements et constituer les batteries que l’on plaçait sur le front des troupes. Pendant les diverses guerres du dix-septième siècle, la force des unités de matériel avait souvent changé.
Dans les dernières guerres, les armées devenues très nombreuses étaient suivie. d’une nombreuse artillerie ; les opérations étaient devenues plus lentes, plus timides ; le pare restait plus concentré entre les mains des généraux d’artillerie ; l’unité de matériel, par suite, était devenue plus lourde.
Elle comprenait 4 pièces pour la brigade de 24 ou de 16 ; 6 pièces pour la brigade de 12 ; 8 à 10 pièces pour la brigade de 8 ; 10 pièces pour la brigade de 4.
Chaque brigade comprenait, outre les bouches à feu, les munition, et agrès nécessaires à l’action et les chariots de munitions pour les troupes d’infanterie voisines. Les brigades ainsi constituées formaient un ensemble de 30 voitures et de 150 chevaux. Celles de 4 ne comprenaient que 27 voitures et 110 chevaux.
Une brigade de 8 comprenait par exemple :
Pour les marches, les brigades de gros calibre étaient encadrées par les brigades de 8. Les brigades de 4 marchaient en tête et en queue de la colonne. Chaque capitaine de charrois attelait et conduisait une brigade avec sa compagnie. Des officiers supérieurs maintenaient l’ordre dans le convoi. Les troupes d’artillerie marchaient en tête ou en queue ; quelques ouvriers marchaient avec les voitures. Les officiers d’artillerie marchaient tous en tête du parc ; quelques-uns venaient inspecter le convoi pendant la marche.
Table
des matières - Chapitre I
Matériel d’artillerie en France
à la fin du règne de Louis XIV - Depuis l’adoption du système
Vallière jusqu’à l’adoption du système Gribeauval (1732-1765 - Transformation du matériel
d’artillerie. Système de Gribeauval. - Matériel d’artillerie
en 1789.
Chapitre III
§ 2 – Depuis l’adoption du système Vallière jusqu’à l’adoption du système Gribeauval (1732-1765)
I — SYSTÈME VALLIÈRE
Pièces - Projectiles - Affûts et accessoires - Organisation du matériel
L’énorme consommation d’artillerie des dernières guerres de Louis XIV avait amené le plus grand désordre dans le matériel de cette arme. Les calibres nombreux formaient un mélange confus de systèmes français et étrangers. Il y avait, pour chaque calibre, des pièces longues, des pièces moyennes, des pièces courtes, des pièces en bronze, en fer, en fonte, des pièces à la suédoise, des mortiers, des obusiers ; on utilisait des poudres, des projectiles, des voitures de tous modèles. Les années de paix du début du règne de Louis XV permirent aux officiers d’artillerie d’effectuer les recherches scientifiques qui allaient amener la refonte du matériel.
Les opinions des différents théoriciens étaient incertaines et contradictoires : les uns voulaient une artillerie légère, les autres une artillerie lourde ; les uns voulaient le chargement à la lanterne, les autres prônaient l’emploi des gargousses ; des systèmes d’affûts, de voitures de toutes sortes étaient proposés au conseil chargé d’étudier la réorganisation du matériel.
Une ordonnance royale du 7 octobre 1732 fixa les règles de construction du nouveau matériel, qui allait porter le nom de son auteur (système Vallière), durer, non sans quelques modifications, jusqu’en 1765, reparaître en 1772, pour disparaître définitivement en 1774.
Le fils et successeur de Vallière écrivait en 1774 : « Ce ne fut point arbitrairement et sur des conjectures que M. de Vallière se détermina dans la réforme importante qui lui était confiée. Il avait vu pendant les vingt-huit dernières années du règne de Louis XIV les effets et les inconvénients des différentes artilleries de l’Europe, et il les avait médités à loisir pendant la longue paix dont jouit la France au commencement du règne de Louis XV. Ce fut d’après cette longue étude qu’il conçut le projet si simple et si fécond d’une seule artillerie réduite à cinq calibres, depuis 4 livres jusqu’à 24, « qui tous étaient propres à l’attaque et à la défense des places et dont les trois premiers, combinés suivant les circonstances, l’étaient particulièrement pour la guerre de campagne ; de sorte que, dans le besoin, les places pourraient fournir aux armées et les armées aux places (06). »
Tout le système de Vallière tient dans ces quelques lignes : Vallière s’attacha à ne rien innover, cherchant seulement à perfectionner, à simplifier et à uniformiser les choses existantes.
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a) PIÈCES
Canons. — L’ordonnance royale du 7 octobre 1732 avait pour but de faire cesser la confusion qui existait dans le matériel, de fixer des modèles obligatoires pour toute l’artillerie et de proscrire rigoureusement toute pièce s’écartant d’un modèle donné :
Art. 1. — II ne sera dorénavant fabriqué de pièces de canon que du calibre de 24, de 16, de 12, de 8 et de 4 ; des mortiers de 12P° juste et de 8 pieds 3 pouces 3 lignes de diamètre ; des pierriers de 15P° ; et, pour l’épreuve des poudres, des mortiers de 7P° trois quarts de ligne.
Art. 2. — Les dimensions et le poids des pièces de chaque calibre, des mortiers et pierriers, de même que les dimensions de plates-bandes et moulures, la position des anses et des tourillons, et les ornements desdites pièces, mortiers et pierriers demeureront fixés suivant et conformément aux tables, esquisses, plans et coupes que Sa Majesté en a fait dresser et qui seront insérés à la suite de la présente ordonnance, sans que, sous quelque prétexte que ce soit, il puisse y être fait aucun changement.
Art. 3. — La lumière des pièces de cation, mortiers et pierriers sera percée dans le milieu d’une masse de cuivre rouge, pure rosette, bien corroyé, et aura la figure d’un cône tronqué renversé.
Art. 4. — Il sera fait pour les pièces de canon, ainsi qu’il est marqué aux plans, un canal extérieur, depuis la lumière jusqu’a l’écu des armes de Sa Majesté, de 1 ligne de profondeur et de 6 lignes de large, pour éviter que le vent ne chasse la traînée de poudre.
Art. 5. — La visière et le bouton de mire seront supprimés.
Art. 6. — Les pièces continueront à être coulées par la volée (07).
Le canon de 24 pesait 5 400 livres ou 225 boulets, et correspondait à un canon actuel de 156mm ;
Le canon de 16 pesait 4 200 livres ou 262 boulets, et correspondait à un canon actuel de 137mm ;
Le canon de 12 pesait 3 200 livres ou 266 boulets, et correspondait à un canon actuel de 124mm ;
Le canon de 8 pesait 2 100 livres ou 263 boulets, et correspondait à un canon actuel de 109mm ;
Le canon de 4 pesait 1 150 livres ou 280 boulets, et correspondait à un canon actuel de 86mm.
Ainsi les cinq canons pesaient à peu près le même nombre de fois le poids de leur boulet. La longueur de ces pièces était de 22 calibres, pour les plus grosses, et allait jusqu’à 26 calibres pour les plus petites. Cet accroissement de longueur entraînait une augmentation de masse pour les pièces de faible calibre. Vallière, en effet, voulait compenser pour ces pièces la faiblesse du calibre par la force de la poudre, et les charges des petites pièces étaient, proportionnellement aux poids des boulets, plus fortes que les charges des gros calibres.
Mortiers. — Le mortier de 12P° à chambre cylindrique, correspondant à un canon actuel de 324mm, pesait 1 450 livres. Le mortier de 8P°,3 à chambre cylindrique, correspondant à un canon actuel de 223mm, pesait 500 livres. Le pierrier à chambre tronconique, correspondant à un canon actuel de 405mm, pesait 1 000 livres.
Fabrication. — Les procédés de fabrication restaient les mêmes que précédemment.
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b) PROJECTILES
Poudres. — Les proportions tir charbon, de soufre et de salpêtre ne furent pas changées. Les procédés de fabrication restèrent les mêmes. D’après Surirey, il y avait en France, en 1744, vingt moulins à poudre contre vingt-six a la fin du règne de Louis XIV.
Suppression des gargousses. — Vallière adopta pour le service des canons un mode uniforme : Ie chargement à la lanterne. Il trouvait ce système plus économique, plus facile à employer, en permettant de mieux doser la charge, et surtout plus favorable à l’économie des munitions à cause de sa rapidité limitée. La charge employée fut de 8 livres pour le boulet de 24 ; 6l,5 pour le boulet de 16 ; 4l,5 pour le boulet de 12 ; 3l,5 pour le boulet de 8 ; 2 livres pour le boulet de 4.
Elle variait du tiers, pour les plus gros calibres, à la moitié pour les plus faibles, ce qui explique le poids relativement plus considérable de ces pièces.
Les charges employées pour les mortiers étaient de 5 livres et demie pour celui de 12P° ; de 1 livre trois quarts pour celui de 8P° ; de 2 livres et demie pour le pierrier de 15P°.
Boulets et mitraille. — On maintenait toujours le même système de boulets pleins. Les diverses espèces de mitraille employées jusqu’à ce moment furent réduites à une seule, la plus simple, consistant dans des balles de fusil enfermées dans des sacs de toile. Cette mitraille était assez faible, mais son emploi était devenu très rare, par suite de la tactique de cette époque.
Bombes. — Surirey n’indique pas le poids des bombes lancées par les nouveaux mortiers (08). « Ces bombes font un si grand ravage qu’il n’est presque pas possible de pouvoir y tenir ; elles rompent les palissades, les tambours et réduits que l’on fait dans les places d’armes rentrantes, et causent bien plus de désordre que les boulets ; car non seulement elles sont plus grosses et plus pesantes, mais, après avoir fait plusieurs bonds, elles crèvent à l’endroit où elles viennent se terminer et, ne s’enterrant point, leurs éclats sont toujours fort meurtriers. D’autre part, ces mortiers peuvent être servis avec beaucoup plus de célérité que le canon, car il n’est question que de mettre la poudre dans la chambre, la bombe dessus, et tirer... On ne peut donner moins de 8°, parce que sous cet angle le mortier est couché sur l’entretoise de devant de l’affût ; mais, en diminuant la charge, on pourra jeter la bombe aussi près que l’on voudra. Ces mortiers ne doivent jamais être pointés au-dessus de 12° (09).
« Les bombes de 8P°, tirées sous un angle compris entre 8° et 12°, ont atteint les distances suivantes :
« A la charge de 1 livre et demie, 200 à 250 toises du premier coup, 300 après ricochets ;
« A la charge de 1 livre, 150 toises du premier coup, 200 à 240 après ricochets ;
« A la charge de 3/4 de livre, 50 à 60 toises du premier coup, 150 après ricochets ;
« A la charge de 1/2 livre, 40 à 50 toises du premier coup, 75 à 100 après ricochets (10), »
Approvisionnements. — L’approvisionnement nécessaire était évalué à 150 coups par pièce pour les pièces de 4, 115 environ pour les pièces de 8 et de 12.
Cependant, certains auteurs préconisaient l’emploi des cartouches à boulet afin d’augmenter la rapidité du tir ; de Quincy, sur un approvisionnement de 150 coups pour les pièces courtes, demandait 30 coups à cartouches et 20 coups à mitraille.
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c) AFFUTS ET ACCESSOIRES
Les idées adoptées à cette époque sur l’emploi de l’artillerie en campagne exigeant pour celle-ci peu de mobilité, Vallière s’occupa très peu de perfectionner les affûts et les voitures ; il essaya seulement d’apporter une grande simplification dans cette partie du matériel.
Le même système de voitures fut employé pour toutes les pièces. Vallière repoussa même toutes les propositions qui lui furent faites pour l’amélioration des affûts.
Les pièces de campagne ordinaires avec affût et avant-train pesaient, celle de 4 : 2 438 livres, soit 1 200 kilogr. (la pièce de 80 d’aujourd’hui pèse 1 600 kilogr.) ; celle de 8 : 3 579 livres, soit 1 750 kilorgr. (la pièce de 90 d’aujourd’hui pèse 2 000 kilogr.) ; celle de 12 : 4 966 livres, soit 2 430 kilogr. (la pièce de 120 d’aujourd’hui pèse 2 400 kilogr.).
La pièce de 12 était attelée à neuf chevaux, celle de 8 à sept chevaux, celle de 4 et les caissons de tous modèles à sept chevaux (11).
Pièces - Projectiles - Affûts et accessoires - Organisation du matériel
d) ORGANISATION DU MATERIEL
Sur 100 canons, les parcs de Vallière comprenaient en moyenne 80o canons de 4, 10 canons de 8, 5 canons de 12, 5 canons de 16. Les pièces de 24 étaient presque entièrement abandonnées en campagne. Cependant, si l’on parcourt les états fixant la composition des divers parcs de campagne pendant les guerres du milieu du siècle, on remarque de nombreuses différences entre eux.
Comme précédemment, toute l’artillerie était réunie dans le parc et organisée par spécialités : personnel, matériel, charrois. Mais un grand progrès était réalisé par la réunion des officiers d’artillerie aux troupes. De cette façon, ceux-ci arrivaient avec des troupes toujours sous leurs ordres, pour prendre les divers éléments du matériel. Les différentes spécialités commençaient à se réunir dans les marches et les campements.
Composition de l’équipage d’artillerie destiné à l’armée des Flandres en 1748 (12)
Pièces de 16. — 14 canons, 26 voitures, 262 chevaux, répartis en deux brigades.
Composition d’une brigade : 7 canons (77 chevaux), 1 charrette d’outils (4 chevaux), 1 affût de rechange(6 chevaux), 7 charrettes de 85 boulets de 16 (28 chevaux), 4 charrettes de poudre (16 chevaux).
Pièces de 12. — 16 canons, 24 voilures, 241 chevaux répartis en deux brigades.
Composition d’une brigade : 8 canons (72 chevaux), 1 charrette d’outils (4 chevaux), l’affût de rechange (4 ou 5 chevaux), 7 charrettes chargées de 115 boulets (28 chevaux), 3 charrettes de poudre (12 chevaux).
Pièces de 8. — 30 canons, 33 voitures, 312 chevaux répartis en trois brigades.
Composition d’une brigade : 10 canons (60 chevaux), 1 charrette d’outils (4 chevaux), 1 affût de rechange (4 chevaux), 6 charrettes de 167 boulets (24 chevaux), 3 charrettes de poudre (12 chevaux).
Pièces de 4 ordinaires. — 80 canons, 56 voilures, 544 chevaux, répartis en huit brigades.
Composition d’une brigade : 10 canons (40 chevaux), 1charrette d’outils (4 chevaux), 1 affût de rechange (4 chevaux), 2 charrettes de gargousses (8 chevaux), 3 charrettes de 366 boulets de 4 (12 chevaux).
Pièces de 4 à la suédoise (13). — Une brigade : 10 canons, 7 voitures, 46 chevaux (1 charrette d’outils à 4 chevaux, 1 affût de rechange à 2 chevaux, 2 charrettes de gargousses à 4 chevaux, 3 charrettes de 366 boulets à 4 chevaux).
Grand parc. — 28 caissons portant chacun 14 400 cartouches d’infanterie, 32 charrettes chargées de cartouches, 30 charrettes de poudre et plomb, 4 charrettes de 25 outils. Total : 94 voitures, 376 chevaux.
Petit parc. — 4 forges roulantes à 5 chevaux, 23 charrettes ou caissons d’outils à 4 chevaux. Total : 27 voitures, 112 Chevaux.
Équipages de pont. — 70 pontons français, 30 pontons hollandais, 10 haquets de rechange, 20 forges ou voitures d’agrès. Total : 130 voitures, 520 chevaux.
Composition de l’équipage de campagne destiné à l’armée du duc de Broglie en Allemagne en 1761 (14)
Pièces de 16. — 20 canons, 145 voitures, 690 chevaux, répartis en cinq divisions.
Composition d’une division : 4 canons, 2 chariots, 1 affût de rechange, 16 caissons de cartouches à canon, 4 caissons de cartouches à fusil, 2 caissons de cartouches à canon d’infanterie. Total : 29 voitures, 138 chevaux.
Pièces de 12. — 36 pièces, 198 voitures, 906 chevaux, répartis en six divisions.
Composition d’une. Division : 6 canons, 2 chariots, 1 affût de rechange, 18 caissons de cartouches à canon, 4 caissons de cartouches à fusil, 2 caissons de cartouches à canon d’infanterie. Total : 33 voitures, 151 chevaux.
Pièces de 8. — 36 pièces, 162 voitures, 690 chevaux, répartis en six divisions.
Composition d’une division : comme pour les pièces de 12, sauf 6 caissons de cartouches à canon en moins. Total : 27 voitures, 115 chevaux.
Pièces de 4. — 24 pièces, 84 voitures, 336 chevaux, répartis en quatre divisions.
Composition d’une division : 6 pièces, 1 affût de rechange, 2 chariots, 6 caissons de cartouches à canon, 4 caissons de cartouches à fusil, 2 caissons de cartouches à canon d’infanterie. Total : 21 voitures, 84 chevaux.
Obusiers. — 4 pièces, 29 voitures (dont 16 caissons d’obus), 121 chevaux.
Un autre état de la même année fixe les proportions à employer pour un équipage de 120 bouches à feu, à 20 pièces de 16, 44 pièces de 12, 32 pièces de 8, 20 pièces de 4 et 4 obusiers, emportant 200 coups par pièce.
Système Vallière - Introduction en France du canon à la suédoise - Découverte de Bélidor (1739) - Canons à la rostaing (1741-1748) - Essai d'allègement de l'artillerie de parc par le forage (1756)
II — INTRODUCTION EN FRANCE DU CANON A LA SUÉDOISE
Dès l’origine de l’artillerie, on trouve des canons légers (arquebuses à croc, orgues ou fanions) adjoints aux avant-gardes et aux détachements de cavalerie. Cette tradition se perdit en France au dix-septième siècle, tandis qu’elle reprenait une vigueur nouvelle chez les nations voisines.
Au début du dix-huitième siècle, la plupart des États de l’Europe centrale avaient doté leur infanterie de pièces d’artillerie légère (4 par régiment), dites à la suédoise, parce que cette nouveauté, introduite par Gustave-Adolphe et maintenue par Charles XII avait procuré aux Suédois une partie de leurs succès.
Il semblait donc que nos armées dussent se trouver, en cas de guerre avec l’Empire, dans un état de grande infériorité au point de vue de la puissance du feu. En 1737, sur le rapport d’un officier de cavalerie familier avec l’organisation suédoise (le chevalier de Bellac), le comte de Belle-Isle, lieutenant-général gouverneur de Metz, fit fondre une pièce et construire un affût à la suédoise et exerça à son maniement les soldats d’infanterie qui, au bout de huit jours, arrivèrent facilement à tirer 10 coups par minute.
Le ministre de la guerre (comte de Breteuil), informé de ces résultats, fit renouveler les expériences (1740) en essayant, à cette occasion, un nouvel affût à limonière inventé par le capitaine Cuisinier, commandant la compagnie d’ouvriers d’artillerie de Metz ; celles-ci furent si concluantes que le roi autorisa la fonte de cinquante pièces à la suédoise.
Ces canons furent forés sur calibre de 4, comme les plus petites pièces du système Vallière (15) ; mais ils n’avaient que 17 calibres de longueur, au lieu de 26, et ne pesaient que 600 livres (cent cinquante fois le poids du boulet) au lieu de 1 150. Leur charge de poudre, d’abord établie à 2 livres, fut encore réduite jusqu’à 1 livre 1/3 après les démonstrations de Bélidor. Le nouvel affût, plus léger, plus facile à atteler que l’ancien, était pourvu d’une vis de pointage remplaçant les coins de mire et portait un coffre de chargement entre les flasques. L’affût et la pièce formaient un tout si léger qu’il n’était pas besoin de chevaux pour le traîner et qu’il pouvait être traîné facilement à bras d’hommes. Cette pièce devait rester constamment avec les troupes d’infanterie.
Telle est l’origine du canon d’infanterie, qui allait devenir le modèle général de notre artillerie de campagne et qui fit toutes les guerres de la révolution et de l’Empire.
Après l’expérience désastreuse de la campagne de 1741, notre matériel d’artillerie étant épuisé, les hommes de guerre n’eurent qu’une voix pour réclamer un système de pièces plus courtes et plus légères que celles établies par Vallière. Folard demandait de doter les parcs d’armée de pièces à la suédoise, qui venaient de faire leurs preuves dans la belle retraite de Prague, et Quincy, de revenir aux cartouches à boulets, pour augmenter la rapidité du tir ; les plus modérés exigeaient de l’artillerie nouvelle une mobilité suffisante pour qu’elle fût en état de suivre partout les autres armes et de les appuyer sur tous les terrains. On continua donc, en attendant mieux, de fabriquer de nouvelles pièces légères de 4.
En mai 1744, le parc d’artillerie de l’armée des Flandres comprenait, sur 60 pièces : 4 de 12, 6 de 8, 40 de 4 ordinaires et 10 de 4 à la suédoise.
En 1745, l’artillerie de campagne du maréchal de Saxe comprenait, sur 100 pièces : 8 canons de 12, 6 de 8, 36 de 4, approvisionnés à 150 coups par pièce, et 50 canons à la suédoise approvisionnés à 200 coups par pièce.
Après Fontenoy, on diminua le nombre de pièces à la suédoise et, en 1748, sur 156 pièces de canon, il y avait à l’armée des Flandres 14 canons de 16, 16 de 12, 30 de 8, 80 de 4, et 10 pièces à la suédoise.
On conçoit le gros inconvénient de ces pièces, qui était de distraire des grosses batteries, au début du combat, une notable proportion du personnel d’artillerie pour le détacher avec l’infanterie au service des pièces à la suédoise. De là les renforcements successifs que reçut le Corps-Royal, entre 1745 et 1755, toute autre solution étant ajournée par déférence pour le duc du Maine, grand-maître de l’artillerie de France et fort jaloux des prérogatives de son arme.
Le nombre de ces bouches à feu avant continué de s’accroître et le duc du Maine étant mort peu après, les canons à la suédoise reçurent leur consécration officielle.
Une ordonnance du roi du 20 janvier 1757 décida :
Art. 1. — Il sera délivré dorénavant, à l’entrée en campagne, des magasins de l’artillerie, une pièce de canon à la suédoise à chacun des bataillons d’infanterie, tant française qu’étrangère. qui seront destinées à servir en campagne.
Art. 2 — Ladite pièce à la suédoise sera montée sur son affût et un avant-train ; elle sera garnie d’un coffre qui contiendra les munitions nécessaires.
Ces canons étaient attelés à trois chevaux. Le coffre d’avant-train contenait 55 coups. Le parc d’artillerie était pourvu de caissons destinés à porter les munitions de ces pièces, qui n’étaient pas approvisionnées pour lui feu prolongé.
Le service de ces pièces enlevé à l’artillerie était confié à l’infanterie : 1 sergent et 16 soldats choisis dans le bataillon étaient chargés de servir le canon et jouissaient d’une haute paye.
Le service des canons d’infanterie subit d’assez nombreux changements ; en raison de la négligence trop souvent constatée de la part des troupes d’infanterie dans l’usage et même dans la conservation de leur artillerie à la suédoise, les canons de 4 furent repris par le corps d’artillerie en 1765, lors de la réorganisation de Gribeauval. En 1773 on affecta d’abandonner les détails mêmes de cette arme et, le personnel de l’artillerie ayant été réduit, les canons à la suédoise furent rendus à l’infanterie, jusqu’à la remise en vigueur définitive des dispositions de Gribeauval, qui eut lieu l’année suivante (1774).
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III — DÉCOUVERTE DE BÉLIDOR (1739)
L’absolutisme étroit de M. de Vallière avait fait oublier les ingénieuses trouvailles des Gonzalès et des La Frézelière, et la technique des canonniers français était redevenue sensiblement la même qu’au XVIe siècle. En 1730 comme en 1530, on considérait généralement que le boulet était chassé d’autant plus loin que la charge de poudre était plus voisine des deux tiers de son poids, et à nouveau on donnait aux façons des canons l’épaisseur nécessaire pour supporter sans rupture cette charge maxima. Cette loi continua à présider aux constructions de l’artillerie jusqu’au triomphe des théories de Bélidor (16).
Ce savant et patient physicien, professeur à l’école de La Fère, avait entrepris de régler scientifiquement les charges de poudre utilisées pour chasser le projectile : « La poudre qui s’enflamme dans les derniers instants, disait-il, est en bien plus grande quantité que celle qui agit au commencement de l’explosion ; l’on voit qu’il s’en faut bien qu’un boulet ou une balle reçoivent toute l’impulsion de la poudre, et ce serait. même beaucoup s’ils en recevaient la moitié. » En conséquence, il proposait soit de revenir aux chambres sphériques de la nouvelle invention, qui accéléraient la déflagration des gaz, soit de ralentir la sortie du projectile en l’obligeant à suivre des rayures.
Une opposition violente de la part des officiers généraux d’artillerie accueillit les conclusions de Bélidor ; mais après les épreuves faites à Metz, sous la direction même du maréchal de Belle-Isle, on se décida enfin à réduire le poids de la charge au tiers du poids du boulet. Ce changement conduisait à diminuer la longueur et l’épaisseur des pièces ; mais l’opposition acharnée de Vallière à tout allégement empêcha de réaliser ce progrès décisif avant 1765.
Il est intéressant à ce sujet de reproduire les renseignements suivants sur le tir des bouches à feu à cette époque.
« Les écrivains militaires de cette époque donnent peu de renseignements sur le tir et les effets du lit des bouches à feu, et ce silence tient sans doute à ce que le peu de précision des pièces, l’absence de toute mesure des distances et surtout les procédés de pointage, on ne peut plus primitifs, empêchaient de savoir à quelle distance on avait pu tirer. Gribeauval devait accroître la précision et la portée du tir dans d’énormes proportions en adoptant la hausse ; mais l’introduction de ce premier organe mécanique soulève d’abord les mêmes reproches de complication qui accueilleront tour à tour tous les perfectionnements du matériel d’artillerie. La hausse, connue bien avant Vallière, fut rigoureusement proscrite par lui.
« On se contentait donc de pointer par la génératrice supérieure de la pièce, sauf dans le tir de siège, où l’on se servait parfois du quart de cercle pour donner l’angle. On conçoit que le pointage par la génératrice de la pièce fût très imparfait ; mais, théoriquement même, il ne pouvait convenir qu’au ras où le but se trouvait exactement à la rencontre de cette ligne de mire LM et de la trajectoire, au point B qu’on appelait le but en blanc. Si le but se trouvait à une distance moindre que celle du but en blanc, en B’ , il fallait abaisser la trajectoire et, par conséquent, viser au-dessous du but, d’une quantité que le pointeur ou l’officier appréciaient au jugé. On imagine aisément le degré de précision que ce procédé pouvait procurer (17). Or, les pièces étaient elles-mêmes assez peu précises. En relevant les résultats d’un certain nombre de tirs d’expérience, exécutés en donnant l’angle au niveau et en mesurant exactement la distance de la batterie au point de chute, on trouve entre la plus grande et la plus petite portée obtenue le même jour, avec Ie même angle, une différence approchant du huitième de la portée. Par exemple, les pièces de 8 et de 12, sous l’angle de 4°, ont donné des poilées variant de 740 à 810 toises. Il n’est donc pas exagéré d’admettre qu’en tenant compte des erreurs de pointage, l’écart pouvait aller au cinquième ou au sixième de la portée.
« Les préjugés et la routine continuent à obscurcir la question de la portée des pièces. On employait déjà le terme vague de portée efficace, sans l’avoir défini, de sorte que les divers écrivains en donnent des valeurs très différentes et toutes inférieures à celles que nous relèverons sur les plans des champs de bataille de Fontenoy, etc. On invoquait déjà l’impossibilité de pointer au delà d’une certaine distance ; en 1744, c’était au delà de 500 toises que le pointeur ne pouvait distinguer les objets (et il s’agissait d’un tir à 100 mètres près !), ce qui n’empêchera pas d’arrêter net le mouvement offensif des Hollandais contre Anthoin (bataille de Fontenoy), au moyen d’une batterie située à 800 ou 900 toises de là.
« Pour imaginer exactement. ce qu’on pouvait demander aux pièces de l’artillerie lisse, il faut se rappeler d’abord que leur portée maximum, sous un angle voisin de 45°, était de :
2 200 |
toises pour le canon de |
24 |
2 000 |
— |
16 |
1 800 |
— |
12 |
1 675 |
— |
8 |
1 160 |
— |
4 |
« Les affûts ne permettent pas de tirer sous un angle supérieur à 15°.
« Sous l’angle de 15°, on obtenait encore :
1 670 |
toises pour le canon de |
24 |
1 550 |
— |
12 |
1 440 |
— |
8 |
1 300 |
— |
4 |
« De sorte que, pratiquement, on aurait pu tirer à 3 000 mètres, comme aujourd’hui, et l’on ne s’en faisait pas faute dans la guerre de côtes et parfois dans la guerre de siège. Dans le cas le plus général, on était obligé de s’en tenir à des portées beaucoup plus faibles : 1° à cause du défaut de précision du tir, qui donnait des écarts inadmissibles aux grandes distances (environ 400 mètres à 3 000 mètres) ; 2° à cause de la nécessité d’obtenir des ricochets, qui, seuls, compensaient le défaut d’efficacité d’un tir à boulets pleins, déjà peu précis ; 3° à cause de l’impossibilité d’étendre à de grandes distances le procédé de pointage au jugé auquel on s’était condamné.
« Pratiquement, on s’en tient donc aux portées correspondant à des angles de 8° et au-dessous, ce qui donne près de 1 000 toises. La pièce de 4, sous l’angle de 6° donne une portée de 800 toises.
« Les boulets lancés par les canons de campagne pouvaient traverser plusieurs files ; quant à la puissance de pénétration, il est difficile de l’évaluer dans la plupart des cas. On sait seulement que, dans la guerre de siège, on faisait le tir en brèche à 300 mètres environ, et qu’à cette distance les boulets pénétraient à une profondeur de 1 à 4 mètres, suivant la nature des terres (un boulet de 24 entre de 12 pieds dans un rempart ordinaire).
« Ainsi que nous l’avons indiqué, les tirs à ricochet, à projectiles creux ou à mitraille, donnaient seuls des résultats appréciables contre le personnel. Un boulet plein qui n’aurait pu frapper que son premier point d’impact, éloigné souvent de 100 à 200 pas du but, aurait été un engin peu redoutable. Le ricochet portait à 20 ou 30 toises au moins, et le plus souvent à 100 toises, la zone dangereuse en arrière du premier point de chute. On peut dire que le ricochet tenait lieu de la gerbe d’éclatement qui étend aujourd’hui à 200 ou 250 mètres la zone d action de nos obus.
« On a peine à s’imaginer aujourd’hui l’extrême vitesse de tir qu’on obtenait avec les pièces lisses ; mais la concordance absolue de tous les documents ne permet pas de la mettre en doute. Bélidor donne, pour ses tirs d’expériences, des chiffres d’où il résulte qu’il tirait les mortiers de 12 et de 8, sous l’angle de 8°, à la vitesse de 1 à 2 coups par minute, sans se presser. Quant aux canons, le tir des pièces de 24 et de 16 était assez lent, à cause de la remise en batterie de ces énormes machines ; mais le 12 tirait 1 à 2 coups par minute, et le 8 plus de 2 coups. Le canon de 4 ordinaire pouvait tirer 3 coups ; le canon de 4 à la suédoise, 8 à 10 coups. Les pièces de 3 à la Rostaing, qu’on adopta en 1757, furent déclarées préférables aux précédentes parce qu’elles pouvaient tirer 11 coups au lieu de 8.
« Cette rapidité s’explique par le fait qu’il ne s’agit évidemment que du tir à courte distance (200 à 300 toises) contre le personnel, dans un instant décisif, où l’on emploie soit le tir à mitraille, soit le tir à ricochet, et où le but se présente avec une dimension angulaire telle que tout pointage devient inutile. Il suffit donc de jeter la gargousse, puis le boulet, dans l’âme de la pièce (profonde seulement de 1m,20 dans les pièces à la suédoise) et de mettre le feu (18). »
Système Vallière - Introduction en France du canon à la suédoise - Découverte de Bélidor (1739) - Canons à la rostaing (1741-1748) - Essai d'allègement de l'artillerie de parc par le forage (1756)
IV — CANONS A LA ROSTAING (1741-1748)
Pendant qu’il était question de donner à l’infanterie des pièces à la suédoise, un officier d’artillerie, le marquis de Rostaing, proposa un nouveau système de canons de bataillon encore plus légers. Ces canons, du poids de 200 livres seulement, tiraient un boulet de 2 livres et demie. Ils pouvaient, en cas de nécessité, être portés à bras par quatre hommes, et l’affût, démontable, était aussi portatif. Il suffisait pour les traîner soit d’un cheval attelé, soit de quatre hommes à la bretelle (19). La vitesse de tir pouvait atteindre 20 coups par minute. Enfin, il portait entre les flasques un coffret contenant 60 coups, et un cheval de bât pouvait le suivre, portant 120 coup, dans des caisses.
Cette artillerie ultra-légère, qui a inspiré l’artillerie de montagne actuelle, eut, elle aussi, sa consécration pendant la guerre de Sept ans. Le maréchal de Saxe obtint de faire construire des canons légers (1746) et il eut dans son armée deux pièces à la Rostaing par bataillon. Mais ces canons ne répondirent pas aux espérances que l’on avait conçues, malgré la bonne volonté des soldats employés à les servir, et, après la paix, en 1748, ils furent retirés de l’infanterie.
Système Vallière - Introduction en France du canon à la suédoise - Découverte de Bélidor (1739) - Canons à la rostaing (1741-1748) - Essai d'allègement de l'artillerie de parc par le forage (1756)
V — ESSAI D’ALLÉGEMENT DE L’ARTILLERIE DE PARC PAR LE FORAGE (1756)
Dans la campagne d’Allemagne de 1756, le maréchal de Broglie avait à lutter contre un ennemi pourvu d’une artillerie de campagne une fois plus nombreuse que la sienne, et à laquelle il était constamment obligé d’opposer, au prix de mille difficultés, sa lourde artillerie de parc.
Voulant tenter de recouvrer l’équivalence de la mobilité par l’allègement de son matériel, il fut conduit à faire forer à nouveau ses pièces moyennes de 8 et de 12, et à en augmenter les calibres, pour les transformer en pièces de 12 et de 16, beaucoup plus légères que les mêmes pièces du modèle normal. Cette transformation ne donna pas de résultats parfaits au point de vue balistique, car la résistance des parois avait diminué au point de faire modifier la charge de poudre et la portée des pièces. Mais elle permit de faire marcher avec les gros détachements un plus grand nombre de canons moyens, de faire passer aux avant-gardes et petits détachements les anciens canons de 4 et de laisser aux régiments toutes les pièces légères qui leur avaient été données.
Le parc d’armée se trouvait alors réduit aux anciennes pièces de 16 et au matériel de siège.
Table
des matières - Chapitre I
Matériel d’artillerie en France
à la fin du règne de Louis XIV - Depuis l’adoption du système
Vallière jusqu’à l’adoption du système Gribeauval (1732-1765 - Transformation du matériel
d’artillerie. Système de Gribeauval. - Matériel d’artillerie
en 1789.
Chapitre III
§3 – Transformation du matériel d’artillerie : Système de Gribeauval
Pièces - Affûts et accessoires - Organisation du matériel - Discussions sur le système Gribeauval
En 1763, un mémoire, fait pour le ministre de la guerre et soumis ensuite à l’examen de Gribeauval, examinait la situation du matériel d’artillerie à cette époque et débutait ainsi :
« La situation dans laquelle se trouve aujourd’hui l’artillerie est effrayante, et il est certain qu’il faut avoir du courage et de la fermeté pour en faire l’exposition : on ne sera cependant point étonné de l’état de pénurie dans lequel est réduite cette partie essentielle du service, lorsqu’on saura que la guerre de 1741, pendant laquelle on a fait une quantité innombrable de sièges, et livré chaque campagne une ou plusieurs batailles, ayant épuisé tout ce que l’on avait pu rassembler en tous genres dans les magasins et dans les arsenaux de l’artillerie, on s’est trouvé pendant la paix qui a succédé à cette guerre et qui a précédé celle de 1756 hors d’état de pouvoir faire aucun rassemblement ni aucun approvisionnement faute de secours et de moyens, de façon qu’on peut dire que ce qui a été consommé d’artillerie pendant la guerre dernière, chaque campagne, avait été construit et rassemblé à grands frais et sans choix l’hiver qui avait précédé la campagne (20). »
Les améliorations réclamées pour le matériel portaient principalement sur les points suivants :
1° Fixation invariable des calibres de campagne et de siège ;
2° Composition d’un équipage de campagne pour une armée de 100 000 hommes. Proportion des équipages à la force des armées ;
3° Mode d’emploi du canon d’infanterie : doit-il rester avec l’infanterie ou venir combattre avec le parc d’artillerie ? Doit-il être servi par des canonniers ou par des soldats d’infanterie ?
4° Fixation du meilleur modèle pour les affûts ainsi que pour tous les accessoires d’artillerie. Uniformité de construction dans les arsenaux ;
5° Fixation des règles de construction pour les obusiers et leurs affûts ;
6° Fixation des règles de construction pour les mortiers et leurs affûts ;
7° Modèles de caissons ;
8° Fixation du vent des boulets, de la forme des gargousses, des cartouches, etc., etc., etc.
Gribeauval remania le matériel de manière à lui donner plus de solidité, de mobilité et d’uniformité et à obtenir une plus grande rapidité et une plus grande justesse de tir. L’idée sur laquelle est basée toute son organisation est l’établissement d’un matériel distinct pour chacun des services de campagne, de siège, de place et de côte,
Pièces - Affûts et accessoires - Organisation du matériel - Discussions sur le système Gribeauval
a) PIECES
Canons. — La Commission chargée de suivre les expériences de Gribeauval et réunie à Strasbourg en 1764 avait pour but immédiat de déterminer « à quel point il était possible d’alléger les pièces qui sont nécessaires à la suite des armées, pour se composer une artillerie aussi mobile qu’était devenue celle des puissances avec lesquelles on venait de faire la guerre, en laissant d’ailleurs à cette artillerie toute la solidité requise pour le service et pour l’effet, en général, qu’on avait à en attendre » (21).
On convint immédiatement de renoncer au calibre de 16 comme trop lourd, de limiter au calibre de 12 l’artillerie de campagne et de borner aux calibres de 12, de 8 et de 4, les épreuves d’allégement que l’on se proposait de faire. Il était. bien entendu, cependant, que ces pièces devraient maintenir une portée de 500 toises.
Gribeauval en conséquence demanda la réduction de la longueur à 18 calibres, et du poids de la pièce à environ cent cinquante fois le poids du boulet.
A la suite des expériences de Strasbourg, l’artillerie de campagne fut réduite aux calibres de 12 (pesant 1 800 livres, au lieu de 3 200), de 8 (pesant 1 200 livres, au lieu de 2 100) et de 4 (pesant 600 livres, au lieu de 1 150).
Les canons de 24 et de 16 furent conservés pour l’artillerie de siège.
Obusiers.— L’obusier, inventé à l’étranger, avait été jusqu’alors peu en usage en France où on utilisait seulement les obusiers pris à l’ennemi. Gribeauval décida de fabriquer pour l’artillerie de campagne un obusier du calibre de 6P° (162mm). En 1771 il existait en France 64 obusiers de 6P°.
Mortiers. — Les épreuves que Gribeauval fit exécuter sur les mortiers de 12P° à chambre cylindrique montrèrent que soixante à soixante-dix coups suffisaient pour mettre ces pièces hors de service. Il fit alors essayer des mortiers renforcés de plusieurs modèles destitués à lancer des bombes de 12P° à la distance de 1 200 toises : les mortiers de ce calibre furent toujours mis hors de service après un petit nombre de coups. Il fit alors diminuer le calibre en renforçant le mortier et la bombe et il adopta un mortier de 10P°, qui, chargé de 7 livres de poudre, portait sa bombe au delà de 1 200 toises et résistait mieux que les anciens mortiers de 12P° tout en conservant ces derniers afin d’utiliser les anciens approvisionnements.
En 1785, Gomer, officier général d’artillerie, proposa des mortiers dont la chambre avait la forme d’un cône tronqué qui se raccordait avec l’âme. Les mortiers de 12P° portaient à 1 300 toises sans briser les bombes. Gribeauval adopta des mortiers à la Gomer de 12P°, de 10P° et de 8P°.
Fabrication. — Les canons furent coulés pleins, puis forés pour éviter les inconvénients du noyau, et la surface extérieure presque entièrement façonnée sur le tour fut déterminée avec précision : ce mode de travail entraînait la suppression des ornements qui enrichissaient les pièces de Vallière. La lumière fut percée dans un grain en cuivre rouge vissé à froid. Les tourillons reçurent des embases destinées à fixer la pièce entre les flasques de son affût et à fournir dans cette partie une plus grande quantité de métal en fusion, pour éviter les défauts de fonte fréquents et particulièrement nuisibles dans cette partie qui supporte tout l’effort du recul.
L’obusier fut également coulé plein ; après plusieurs essais infructueux du même procédé pour les mortiers, on continua à couler ceux-ci sur le noyau.
Ducoudray donne les renseignements suivants sur les changements relatifs aux fontes :
« Jusqu’à l’époque des mutations dont nous parlons, la partie des fontes avait été totalement abandonnée aux fondeurs. L’œil de l’officier d’artillerie, qui doit présider à cette partie comme à toutes les autres, n’avait été compté que pour les réceptions. Et il est aisé de se former une idée de la manière dont ces réceptions se faisaient.
« D’abord on n’avait point de mesure plus fixe que les pieds-de-roi ordinaires qui diffèrent quelquefois entre eux de plusieurs lignes. Ce défaut de mesure fixe était commun à toutes les parties de l’artillerie ; mais il était bien plus de conséquence pour la partie des fontes, où l’on doit exiger les dimensions les plus précises.
« Il y avait si peu d’exactitude dans la réception des pièces, à cet égard, qu’on trouve dans nos places des pièces de même calibre dont les bouches ou les âmes diffèrent entre elles de 2 lignes, d’autres où le métal est distribué avec une inégalité sensible.
« La même inexactitude se trouve dans les dimensions extérieures ; mais c’est surtout relativement aux tourillons que cette inexactitude est de conséquence.
« Il est des pièces dont les deux tourillons sont très sensiblement inégaux ; dans d’autres ces tourillons sont inégalement placés sur l’axe de la pièce ; d’où il résulte :
« 1° L’impossibilité de placer la pièce sur le milieu de son affût, ce qui oblige à laisser plus d’ouverture aux flasques qu’il ne serait nécessaire, et souvent même à délarder un flasque pour en rengraisser un autre, sans pouvoir cependant empêcher la pièce de se jeter dans le tir sur un des côtés de l’affût et de le disloquer en peu de temps ;
« 2° L’impossibilité de substituer des sous-bandes entières aux heurtoirs et contre-heurtoirs, dont nous avons fait sentir plus haut les défauts, et l’obligation de n’employer que des demi-sous-bandes qui permettent de recouper du bois à chaque flasque relativement à la position et à la forme de chacun des tourillons ;
« 3° La nécessité d’affecter à un très grand nombre de pièces des affûts particuliers.
« On sent assez l’embarras où jettent ces inconvénients pour les approvisionnements d’affûts et pour les rechanges.
« Le manque d’exactitude dans la grosseur et dans l’emplacement des tourillons des mortiers était le même ; mais il avait moins de suite ; ce vice étant d’une conséquence plus grande à mesure que la pièce a plus de longueur.
« Les tourillons des canons et des mortier avaient encore le défaut commun d’être placés trop bas.
« L’ordonnance de 1732 avait placé l’axe des tourillons des canons à un demi-calibre au-dessous de l’axe de la pièce pour pouvoir élever d’autant la genouillère, et couvrir par là d’environ 3 pouces de plus l’affût et les rouages.
« Cet avantage peut être de quelque considération en batterie. Mais cette position de l’axe contribuant au ploiement de toute la volée, puisque la pièce fouette d’autant plus que son point d’appui est plus éloigné de son axe, il resterait au moins à examiner si l’accélération de la destruction de la pièce, qui résulte évidemment de cette position des tourillons, est assez balancée par l’avantage de couvrir en batterie l’affût et les rouages de 3 pouces de plus.
« Mais cette question ne pouvant évidemment avoir lieu que pour des pièces qu’on met en batterie, elle ne pouvait regarder l’artillerie de campagne. Ainsi, en attendant qu’on fût d’accord sur ce point relativement aux pièces de siège, on a pris le parti de placer l’axe des tourillons des pièces de bataille seulement entre deux et trois lignes au-dessous de l’axe. On a donné ces deux lignes pour les erreurs qui pouvaient se rencontrer dans la construction des pièces, afin que si, par malfaçon, l’axe des tourillons venait à se rencontrer, dans la construction de la pièce, tant soit peu au-dessus de celui de la pièce, la culasse ne fût pas dans le cas de lever à chaque coup.
« On a observé encore, relativement aux tourillons tant des pièces que des mortiers, que le métal, dans la coulée, ne faisant pas les affaissements librement dans cette partie comme dans tout le reste, et que s’y refroidissant d’ailleurs plus tôt, il y est nécessairement moins dense et moins uni : on a doute cru devoir suppléer par la quantité de matière à l’altération que la fonte recevait nécessairement dans cette partie qui souffre tout l’effort
« C’est en conséquence de ces réflexions qu’on a donné aux tourillons des canons et des mortiers, des embases qui, outre l’avantage de les renforcer, ont encore celui de les mieux contenir dans l’encastrement et, en déterminant mieux leur position, de ménager davantage les affûts (22).
Réception des pièces. — « Pour remédier aux inconvénients bien plus grands qui résultaient généralement de l’inexactitude des proportions tant extérieures qu’intérieures, continue Ducoudray, il a fallu changer absolument la forme établie jusque-là pour les réceptions, et resserrer dans les bornes les plus étroites les variations qu’on accordait aux fondeurs.
« On a porté même la perfection dans ce genre jusqu’à les rendre responsables de cette légère variation même après l’effet des coups d’épreuve.
« Pour cela il a fallu établir des instruments de vérification qui fussent d’une extrême sensibilité, et point sujets aux variations, et surtout partir d’une mesure fixe et exacte. Aussi a-t-on établi dans toutes les fonderies, ainsi que dans tous les arsenaux, relativement aux autres constructions, une mesure en cuivre étalonnée avec le plus grand soin, et qui est devenue, dans tous les genres, le principe de l’uniformité et de la précision également ignorées jusqu’alors et aujourd’hui si rigoureusement établies
« Mais on ne s’est pas contenté de s’assurer des moindres défauts d’exactitude dans les proportions intérieures et extérieures, et des vices de la fonte que les coups d’épreuve et l’examen des réceptions peuvent faire découvrir. On a voulu même que les fontes fussent suivies dès leur principe, et on y a attaché particulièrement des officiers qui pussent se former dans celle partie ; ce qui n’avait jamais été fait.
« C’est surtout pour mettre ces officiers dans le cas de mieux surveiller les fontes, qu’on a décidé qu’elles seraient toutes tournées extérieurement. Car le tour découvre tous les défauts du métal que la tranche, le marteau et la lime qu’on employait ci-devant sur l’extérieur des pièces ne servent qu’à cacher.
« Cette opération a encore l’avantage de vérifier d’abord si les tourillons ont été coulés l’un bien vis-à-vis de l’autre, et même de les y ramener rigoureusement, s’ils ont été manqués à la fonte.
« Un des changements des plus importants qu’on ait fait dans les fontes, mais qui ne regarde que les mortiers, c’est de les couler à noyau.
« On sait qu’autrefois on les y coulait aussi de même que les canons. On avait quitté cet usage parce que la direction de l’âme étant déterminée par celle du noyau, ne pouvait jamais être droite, le noyau ne pouvant, lors de la coulée, soutenir la chaleur du métal fondu, sans se déjeter considérablement.
« Ce principe d’autant plus vrai que les pièces sont plus longues, était, comme on voit, de peu d’ importance pour les mortiers qui ont l’âme courte. On l’avait cependant adopté pour eux comme pour les canons, sans examiner si le petit avantage qu’il présentait pour les mortiers n’entraînait pas un inconvénient bien plus considérable dans la coulée des canons.
« Cet inconvénient plus considérable avant été démontré dans les épreuves qu’on avait faites sur les gros mortiers, on a changé de méthode,
« En effet, l’examen attentif qu’on fit toujours dans ces épreuves de l’état des différents mortiers après avoir tiré, a fait voir constamment que l’étain qui entrait dans l’alliage se rassemblait au centre du mortier, et surtout dans la chambre, où, ne tardant pas à se fondre, il occasionnait, après peu de coups de sifflet, des crevasses considérables.
« On a pensé avec raison que l’étain restant nécessairement plus longtemps en fusion que le cuivre, devait être pressé par ce métal et ramené du pourtour de la pièce, par où le refroidissement commence, au centre où il finit.
« Et comme ce phénomène devait d’autant plus avoir lieu que la masse de fonte était plus considérable, on en conclut que les canons devaient moins souffrir à cet égard que les mortiers et que ceux-ci seraient moins sujets aux accidents causés par la réunion de l’étain en les coulant à noyau comme on faisait autrefois ; et c’est en effet ce que l’expérience a démontré.
« Les mêmes expériences ont encore conduit à établir entre la fonte des canons et celle des mortiers, une autre différence.
« On donnait indistinctement à ces deux espèces d’armes, des masses de lumière, c’est-à-dire des masses de cuivre forgées qu’on introduisait dans le moule à l’emplacement de la lumière, et qui, se trouvant ensuite fixées après la coulée dans le corps de la pièce, donnaient la facilité de pratiquer la lumière dans une matière plus résistante à ce genre d’effort que la fonte ordinaire.
« Mais on avait observé, par l’usage, que ces masses de lumière se courbaient, et souvent même se fondaient en tout ou partie, de façon que, dans la plupart des pièces, la lumière n’était percée dans la masse de cuivre forgée que sur une épaisseur assez petite ; le reste de cette lumière se trouvant traverser le métal ordinaire qui s’égrène fort vite à cet endroit et qui ne peut être que d’une faible résistance.
« On avait donc proposé de remplacer ces masses de lumière par des grains de même matière mis à froid ; cette proposition, faite depuis longtemps, ayant été vérifiée par les épreuves faites sur les canons, avait été adoptée pour eux.
« Il était à présumer que par les mêmes raisons elle conviendrait aux mortiers. C’est cependant ce qui s’est trouvé démenti par l’expérience toujours consultée dans les épreuves de Strasbourg, lors même que ce raisonnement semblait présenter les inductions les plus certaines.
« D’après cette expérience on a donc décidé que les mortiers auraient des masses de lumière ; et les canons, des grains vissés à froid (23). »
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b) PROJECTILES
Poudres. — La composition de la poudre ne fut pas changée. La mise de feu se fit désormais au moyen de l’étoupille et de la lance à feu.
Gargousses. — Gribeauval renonça à l’usage de transporter la poudre et les projectiles sur le champ de bataille au moyen de voitures séparées : la « cartouche à boulet » fut définitivement adoptée.
La gargousse, après de nombreux essais pour le choix de son enveloppe, était en serge croisée ; elle contenait 5 livres de poudre pour le canon de 16, 4 livres pour le canon de 12, 2 livres et demie pour le canon de 8, 1 livre et demie pour le canon de 4 ordinaire, 1 livre un quart pour le canon de 4 infanterie. Avec ces charges et une inclinaison de 6 degrés, la pièce de 12 portait à 911 toises, celle de 8 à 633, celle de 4 à 773 (24).
Projectiles. — Le boulet adopté fut le même que l’ancien, mais son diamètre fut augmenté de manière à réduire le vent de moitié. Cette réduction du vent du boulet donna trois résultats :
1° Une plus grande justesse dans le tir : le boulet, étant moins exposé à s’écarter de la direction, frappait les bords de la pièce à sa sortie sous des angles moins ouverts ;
2° Une usure moins rapide des pièces, le boulet ayant moins de jeu pour battre l’âme du canon ;
3° Une augmentation de portée, grâce à une utilisation plus complète les gaz de la poudre.
Une cartouche à boulet du calibre de 16 pesait 23 livres un quart ; du calibre de 12, 18 livres ; du calibre de 8, 12 livres ; du calibre de 4 ordinaire, 6 livres et demie ; du calibre de 4 infanterie, 5 livres trois quarts.
Pour l’obusier de 6P° on employa un obus pesant environ 24 livres.
Comme projectile à mitraille, Gribeauval adopta, pour tous les canons de campagne, la boîte à balles : ces boîtes cylindriques, en tôle, munies d’un culot en fer, étaient remplies de balles en fer battu. Chaque pièce eut deux modèles de boîte. Les canons de 12 et de 8 eurent un modèle contenant 41 balles et un modèle contenant 112 balles plus petites. Le canon de 4 eut une boîte de 41 balles et une de 61 balles plus petites. Les boîtes à balles destinées aux obusiers contenaient 61 balles.
Les grosses balles avaient 1 pouce 5 lignes de diamètre, les petites 1 pouce. Les boîtes des grosses balles étaient destinées aux grandes distances.
Les cartouches à balles sans leur gargousse pesaient : celles de 12, 20 livres ; celles de 8, 14 livres ; celles de 4, 7 livres. Les gargousses pesaient respectivement 4, 2 et 1 livre.
Les cartouches à balles étaient employées de préférence aux boulets, les grosses, pour les pièces de 12, à 400 toises ; pour les pièces de 8, à 350 ; pour celles de 4, à 300 ; les petites, pour les pièces de 12, à 350 toises ; pour les pièces de 8, à 300 ; pour celles de 4, à 250.
Réception des projectiles. — Des mesures sévères furent prises pour assurer l’exactitude des dimensions des projectiles.
« L’exactitude qu’on a mise dans la réception des canons et des mortiers, dit Ducoudray, se retrouve avec la même rigueur dans celle des boulets et des bombes.
« On ne s’était mis jusqu’alors en garde, ainsi que nous venons de le dire en parlant des fontes, que contre les boulets et les bombes qui ne pouvaient entrer dans les pièces. Les inconvénients extrêmes qui résultent de l’excès du vent, tant pour la conservation des pièces que pour la justesse des coups, étant apparemment mal sentis, on n’avait point cherché à y parer. Il n’y avait rien de déterminé à cet égard. Le trop gros était rebuté par la lunette de réception; le trop petit dépendait du caprice de celui qui recevait. Eût-il envie même d’être sévère, il n’avait pas de terme pour fixer sa sévérité. Aussi recevait-un tout. L’intérêt seul des fournisseurs, qui les engage à fournir les calibres forts de préférence à les fournir faibles, était le principe qui arrêtait le trop petit à de certaines bornes.
« Il est aujourd’hui fixé dans tous les calibres pour les bombes et boulets par des lunettes particulières ; l’entrepreneur n’a plus que neuf points, ou trois quarts de ligne au-dessous du diamètre fixé à partir de la mesure uniforme des arsenaux dont nous venons de parler (25).
« Mais, comme on ne peut mesurer à la fois qu’un grand cercle de boulet avec la lunette, il aurait pu se faire que malgré l’attention de présenter le boulet à cette lunette sur plusieurs sens, on eût manqué un diamètre plus grand que les autres, ou une ex-croissance qui aurait arrêté le boulet en roulant dans la pièce, on a décidé que les boulets, après avoir passé par la lunette, passeraient ensuite dans un cylindre qui aurait une ligne de diamètre de moins que la pièce, et que tous ceux qui s’y arrêtaient seraient rebutés.
« Le trop petit est décidé par une lunette qui a neuf points d’ouverture de moins que la grande ; et il suffit qu’un boulet puisse y passer en tel sens que ce soit pour être rebuté.
« Mais comme, par l’usage, les dimensions de ces lunettes et de ces cylindres, qui sont la base de cette opération, sont dans le cas de s’altérer, on a grand soin de les vérifier de temps en temps, et d’en refaire d’autres lorsque la diminution passe deux points (26). »
Approvisionnements. — Pièces de 12. — Trois caissons portant chacun 48 cartouches à boulets, 12 cartouches à grosses balles, 8 cartouches à petites balles. Le coffret d’avant-train d’affût portait 9 cartouches à boulets. Ce qui donnait un total de 213 coups pour l’approvisionnement de la pièce.
Pièces de 8. — Deux caissons, portant chacun 62 cartouches à boulets, 10 cartouches à grosses balles, 20 cartouches à petites balles. Le coffret attaché à chaque pièce contenait 9 coups, ce qui constituait un approvisionnement de 193 coups par pièce.
Pièces de 4. — Un caisson portant 100 cartouches à boulets, 26 cartouches à grosses balles, 24 cartouches à petites balles. Le coffret de l’affût contenait 18 cartouches à boulets, ce qui donnait à la pièce 169 coups à tirer.
Obusiers. — Trois caissons portant chacun 49 obus et 3 cartouches à balle, ce qui donnait, avec les 4 cartouches à balle du coffret de l’affût, 160 coups par pièce.
Mortier de l0P°. — 500 coups par pièce.
Pour les places, les approvisionnements de toutes les pièces étaient fixés à 1 000 coups par pièce.
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c) AFFUTS ET ACCESSOIRES
Affûts. — Gribeauval s’occupa de donner aux affûts une plus grande mobilité : il fit augmenter la hauteur des roues d’avant-trains et fabriquer les essieux en fer, les boites d’essieu en fonte. Cet affût, raccourci et allégé, et portant une pièce plus légère, devait avoir un recul plus violent. Pour diminuer ce recul, les flasques furent construits de manière à donner un angle d’incidence sur le sol assez prononcé. Les ferrures destinées à renforcer l’affût et à prolonger sa durée augmentèrent d’ailleurs son poids.
Il y avait deux encastrements pour les tourillons, l’un pour la position de tir l’autre, destiné à la position de route et situé quatre calibres en arrière du premier, afin de mieux répartir le poids entre les deux trains. Un coffret à munitions était placé près de l’entretoise de crosse.
L’avant-train et l’affût de la pièce de 12 pesaient 1 954 livres. La pièce complète, 3 754 livres au lieu de 4 966 précédemment. L’avant-train et l’affût de la pièce de 8 pesaient 1 727 livres. La pièce complète pesait 2 927 au lieu de 3 579 précédemment. L’avant-train et l’affût de la pièce de 4 pesaient 1 219 livres, la pièce complète pesait 1 819 livres au lieu de 2 438 précédemment.
La même voie fut adoptée pour toutes les voitures d’artillerie et fixée à 4 pieds 8 pouces 6 lignes, (du milieu d’une jante au milieu de la jante correspondante de l’autre roue).
L’affût de l’obusier de campagne était semblable à celui des canons, sauf l’essieu, qui était en bois, et le système de pointage, qui était diffèrent.
Les affûts de siège ne reçurent que des modifications de détail. Pour la défense des places, Gribeauval fit construire des affûts de son invention qui avaient pour but d’élever la pièce à 5 pieds au-dessus de la plate-forme, de conserver au tir, la nuit, la direction voulue ; d’être construits et réparés facilement et d’exiger peu d’hommes pour leur service. Pour la défense des côtes, il construisit des affûts analogues. Les affûts des mortiers étaient en fonte de fer.
Gribeauval adopta l’attelage à timon au lieu de celui à limonière. Il disait, en effet :
« Il est de nécessité absolue de trotter avec le canon et les voitures de munitions ; car il en est d’une file d’artillerie comme des colonnes d’infanterie et de cavalerie : quoique la tête marche doucement, la queue trotte pendant la moitié ou au moins le tiers de la marche. Si, dans un jour de bataille, l’ennemi marque, par son développement, qu’il veut faire effort contre la partie droite, l’artillerie de la réserve du centre doit s’y porter le plus légèrement possible, pour arriver à temps ; si la gauche est libre, elle doit remplacer avec la même vitesse ce qui est sorti du centre. S’agit-il de poursuivre l’ennemi ? Il faut se porter fort vite à l’attaque des postes qui soutiennent la retraite ; si, au contraire, il faut soutenir une retraite, on ne saurait déblayer trop tôt le chemin des troupes, ni arriver trop vite dans les postes choisis pour favoriser la retraite. Dans toutes ces occasions, il faut savoir trotter et même galoper ; ce n’est que pour ces instants précieux qu’est faite toute la dépense de l’artillerie ; il faut donc, avant tout, se mettre en état d’en profiter ; et, comme l’attelage à timon peut seul procurer cet avantage, il paraît qu’on doit s’y fixer en tâchant de diminuer, autant qu’il est possible, les inconvénients qu’il entraîne (27). »
Bricoles. — Les canons de 12 nécessitaient six chevaux. Ceux de 8 et de 4 en nécessitaient quatre seulement. Pour faire manœuvrer les pièces sur le champ de bataille, Gribeauval imagina de faire mouvoir la pièce avec l’aide de canonniers et de fantassins : il utilisait à la fois un système de bretelles en bricoles et de leviers. Huit hommes suffisaient pour faire mouvoir de cette manière une pièce de 4 et de 8 ; il fallait onze à quinze hommes pour une pièce de 12.
Prolonge. — Une des innovations les plus importantes de Gribeauval fut la prolonge, qui allait prouver la possibilité d’avoir des charretiers et des chevaux calmes sous le feu et permettre de tirer tout le parti possible de la nouvelle mobilité des pièces. Il expliquait l’économie de son invention de la façon suivante :
« Pour faire de longs trajets en retraite ou pour couvrir une colonne qui aurait à craindre l’ennemi sur son flanc ou enfin pour franchir des fossés, rideaux, etc., avec les pièces des trois calibres, on sépare l’avant-train de l’affût, dont la crosse pose a terre ; on attache un bout d’une demi-prolonge aux armons de l’avant-train, laquelle passe sur l’avant-train, embrasse d’un tour la cheville ouvrière, repasse sur le couvercle du coffre, de munitions, et est attachée de l’autre bout à l’anneau d’embrêlaqe ; on laisse environ 4 toises de longueur au cordage entre l’affût et l’avant-train auquel les chevaux sont attelés ; lorsqu’ils marchent, la pièce tirée par le cordage, suit aisément, au moyen de la coupe de la partie inférieure de la crosse qui est faite en traîneau ; les canonniers et servants, portant leurs armements, accompagnent la pièce dans leurs postes respectifs, à droite et à gauche. Lorsque l’on veut tirer, le maître canonnier crie : « Halte ! » et dirige la pièce en faisant le commandement : « Chargez » ; le coup parti, s’il ne veut pas en tirer un second, il fait le commandement : « Marche. » S’il faut descendre ou monter un rideau, passer un fossé, on allonge, s’il le faut, le cordage, les chevaux passent avec l’avant-train ; les canonniers et servants joignent leurs efforts à ceux des chevaux, et la pièce passe (28). »
Hausse. — Gribeauval marqua la ligne de mire sur ses canons au moyen d’une petite saillie placée sur le bourrelet et d’un cran tracé sur la partie supérieure de la hausse adaptée à la culasse. Cette hausse avait pour but de donner au pointeur des lignes de mire artificielles, lorsque le but se trouvait à une distance plus grande que celle du but en blanc. Il ne pensait pas pouvoir ainsi apprécier la distance et pointer immédiatement avec exactitude, mais il voulait donner au pointeur un instrument grossier lui permettant de rectifier son pointage quand ses coups portaient trop loin ou trop court, et d’assurer le tir après un coup tiré convenablement.
Jusqu’à présent, il avait suffi pour pointer de faire passer la ligne de visée par les points les plus élevés de la culasse et du bourrelet ; l’introduction de la hausse eut pour effet d’augmenter les portées efficaces des canons et de donner plus d’étendue à l’action de l’artillerie sur le champ de bataille.
Les hausses étaient réglées jusqu’à 480 toises pour les boulets, 400 pour les boîtes à balles.
Étoile mobile. — L’étoile mobile était un instrument inventé par Gribeauval, permettant de vérifier avec une approximation inconnue jusqu’alors l’exactitude des dimensions et des formes des âmes de toutes les bouches à feu et de leurs chambres.
Régularité des constructions et rechanges. — Ducoudray a présenté dans les lignes suivantes toutes les modifications de détail qui constituent une des parties les plus importantes de l’œuvre de Gribeauval :
« Ce qui distingue singulièrement les nouvelles constructions en général de toutes les anciennes, c’est une précision extrême dans les proportions de toutes les parties qui les composent, un assemblage exact et une uniformité rigoureuse qui en est la suite.
« On sait quel a été à cet égard l’état des constructions de l’artillerie jusqu’aux mutations dont nous parlons, On sait que chaque arsenal avait ses proportions particulières que les officiers qui y étaient employés se transmettaient héréditairement.
« La voie même du charroi d’un département d’artillerie était différente de la voie d’un autre département, de sorte que, lorsqu’un équipage construit à Douai venait à se réunir à un équipage construit à Metz, à Strasbourg ou à Auxonne, les voitures des uns et des autres mêlées ensemble roulaient successivement dans des voies différentes.
« Mais cet inconvénient de la voie était peu de chose auprès de l’embarras des rechanges : roues, essieux, timons, avant-trains, arrière-trains, tout était différent ; chaque équipage avait ses rechanges particuliers, qui, n’étant point même asservis entre eux à des dimensions précises, à beaucoup près, allaient mal à la première présentation et avaient toujours besoin d’être retouchés.
« Il fallait mettre des repères aux pièces destinées à former un même assemblage et, pour trouver les repères, il fallait souvent manier toutes les pièces des autres assemblages, souvent même ils ne se trouvaient pas.
« On sent facilement quelles conséquences une pareille constitution devait entraîner pour toutes les réparations, les radoubs à faire au parc, et surtout dans les marches et bien plus encore dans les retraites, où les rechanges deviennent très pressés, et, faute de pouvoir s’exécuter avec célérité, obligent d’abandonner des effets à l’ennemi.
« Cet horrible abus, qu’on ne pouvait regarder que comme une suite de l’ancienne barbarie de nos pères, a été entièrement corrigé. Non seulement on a établi une même voie pour tout le charroi de l’artillerie, non seulement il a été décidé que toutes les constructions seraient uniformes dans tous les arsenaux, mais on a porté la précision de l’uniformité au point qu’une jante, un moyeu, une entretoise, un boulon, une sous-bande, une partie quelconque d’un affût, d’un caisson, d’un chariot, d’un avant-train construit à Auxonne, par exemple, s’assemble à la première présentation avec les parties correspondantes de l’attirail de même espèce construit à Strasbourg, à Douai, à Metz, et cela avec plus de facilité qu’on n’assemblait autrefois une roue et un essieu construits dans un même arsenal et pour les voilures de même espèce, mais dans des temps ou par des ouvriers différents.
« Pour cela, il a fallu porter l’exactitude de l’exécution jusqu’au scrupule ; c’est aussi ce qu’on a fait. On a adressé à chaque arsenal de construction une table exacte de toutes les dimensions déterminées jusqu’à moins d’un quart de ligne, à partir de la mesure uniforme dont nous avons parlé, et qui doit servir de terme fixe à toutes les mesures pour le présent et pour l’avenir.
« Des patrons, dressés en conséquence, ont assuré la régularité des principales formes dans le charronnage ; des mandrins, celle des concavités, et des lunettes, celle des convexités. Les différents espacements ont été de même déterminés par des règles de fer pour les pièces les plus intéressantes de chaque attirail. Il en a coûté d’abord aux ouvriers de l’artillerie de s’asservir à cette précision ignorée même pour les ouvrages de ce genre qu’on travaille à grands frais pour les particuliers.
« Mais, par l’attention des directeurs des arsenaux et leur inflexibilité à refuser les ouvrages qui ne sont pas exactement conformes aux dimensions prescrites, par la forme qu’on a fixée pour la réception des ouvrages et pour leur révision, et surtout par les secours qu’on a donnés aux ouvriers pour juger eux-mêmes leur ouvrage et par là éviter des rebuts, et même pour les faire arriver à l’exactitude qu’on leur demandait, on s’est élevé en très peu de temps à une précision, dans tous les genres de construction, à laquelle il semblait qu’il n’était pas possible de prétendre pour des travaux de cette espèce.
« Cette précision, portée à un degré incroyable pour quiconque n’a pas vu les nouveaux attirails, a produit dans tous les assemblages une vigueur non seulement égale, mais même supérieure à celle que les anciens attirails recevaient de cette épaisseur qui les appesantissait dans toutes leurs parties.
« De cette précision il est encore résulté une propreté à peine connue dans les ouvrages que des ouvriers chèrement payés exécutent pour les particuliers. Cette propreté, qu’on pourrait regarder comme superflue dans les attirails d’artillerie, n’est pas l’objet qu’on s’est proposé ; mais elle est la conséquence et la preuve de la précision inutilement désirée jusque-là et si rigoureusement. obtenue.
« Il est assez naturel de croire que ces nouvelles constructions, exécutées avec une exactitude si recherchée, exigent beaucoup plus de temps, et sont par conséquent beaucoup plus chères que les anciennes, dont elles diffèrent à tant d’égards ; c’est cependant ce qui n’est pas, si l’on en excepte les seuls caissons.
« Cette vérité paraît incroyable ; mais on se la persuadera plus facilement lorsqu’on saura que les forgerons ont pour chaque pièce des matrices et des mandrins, au moyen desquels ils lui donnent, sans tâtonner, la courbure et les dimensions prescrites, et qu’ils ont la même facilité pour y percer tous les trous qu’elle doit avoir et pour le faire avec la plus grande exactitude, soit pour leur emplacement, soit pour la grandeur de leur ouverture.
« Les ouvriers en bois ont de même des patrons et des calibres pour vérifier toutes leurs pièces.
« L’objet principal qu’on s’est proposé dans cette rigoureuse exactitude des constructions nouvelles, c’est la facilité des rechanges, qui n’existait, dans l’ancienne artillerie, que de la manière la plus imparfaite, ainsi qu’on l’a vu.
« C’est même pour étendre encore cette importante facilité qu’on s’est attaché à réunir, sous les mêmes proportions, le plus de constructions différentes que l’on a pu : c’est dans cet esprit qu’on a déterminé :
« 1° Que toutes les roues d’avant-train auraient la même hauteur, les mêmes boîtes et la même longueur de moyeux, et que celles des affûts et des caissons de 4 ne différeraient des autres roues d’avant-train que par plus de légèreté ;
« 2° Que les grandes roues de chariot et de caisson auraient toutes aussi la même hauteur entre elles et des boîtes pareilles, qui sont les mêmes que celles de l’affût de 4 ;
« 3° Qu’il en serait pour les grandes roues des caissons de 4, comme il en était des petites de ce même caisson, relativement aux roues de même espèce des autres caissons, dont elles ne différaient que par plus de légèreté.
« Il n’était pas possible de mettre les roues des affûts des différents calibres à la même hauteur entre elles, et encore moins à la hauteur des grandes roues de chariot, sans donner aux affûts plus de longueur que leur service n’exigeait, et conséquemment sans les rendre plus lourds à la manœuvre, ce qui eût été sacrifier l’avantage principal ; il a donc fallu restreindre la facilité des rechanges à cet égard et se réduire à donner aux affûts de 12 et de 8 seulement des roues de même hauteur, qui peuvent, par conséquent, servir au besoin l’une pour l’autre, et à l’affût de 4 des roues assez approchantes des grandes roues de chariot pour pouvoir marcher avec elles, quoique en boitant un peu.
« C’est par le même principe de la facilité des rechanges qu’on a encore voulu que tous les essieux des arrière-trains de tous les caissons, chariots et autres voitures, que les affûts de 12 et de 8, ainsi que ceux de tous les avant-trains sans exception, eussent les mêmes dimensions, de sorte que tous les essieux peuvent se rechanger les uns pour les autres, excepté ceux des affûts de 12 et de 8, qui diffèrent entre eux de 3 lignes (29). "
Ces constatations de Ducoudray font comprendre à elles seules toute l’importance de l’œuvre de Gribeauval.
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d) ORGANISATION DU MATERIEL.
L’ordonnance du 13 août 1765, de même que celle de 1772, consacrait la division de l’artillerie en deux groupes distincts : le premier, comprenant les canons d’infanterie (deux pièces par bataillon), servis par les sapeurs du Corps-Royal, était mis à la disposition exclusive des chefs de brigade d’infanterie. L’autre groupe, divisé en deux ou trois réserves placées à la droite, à la gauche et au centre de l’infanterie, était sous les ordres du généraI de l’armée. Les obusiers étaient en principe affectés à la réserve du centre.
Gribeauval évaluait la proportion d’artillerie nécessaire dans une armée à quatre pièces par 1 000 hommes. En supposant les bataillons à 1 000 hommes, en plus des deux pièces de canon qui se trouvaient dans chaque bataillon d’infanterie, il fallait donc constituer l’équipage d’artillerie proprement dit à raison de deux autres pièces par bataillon, dont un quart en canons de 12, un huitième en canons de 8, un quart en canons de 4, et 6 obusiers par 100 canons.
En conséquence, une armée de 80 bataillons (80 000 hommes environ) devait avoir :
BOUCHES A FEU |
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Canons de 12..................................... |
40 |
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- de 8....................................... |
80 |
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- de 4...................................... |
200 |
(30) |
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Obusiers de 6P°................................... |
20 |
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Total.......................... |
340 |
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Le matériel était partagé en divisions de huit canons ou de quatre obusiers.
La division de huit pièces comprenait, pour les pièces de 4 par exemple :
voitures |
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Chariot d’outils.......................................................................... |
1 |
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Pièces de 4 montées sur leurs affûts avec coffret et armement..... |
8 |
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Caissons chargés de 150 cartouches chacun............................... |
8 |
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Caissons chargés de 12 000 cartouches d’infanterie chacun........ |
4 |
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Affût de rechange...................................................................... |
1 |
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Total.................................... |
22 |
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Pièces - Affûts et accessoires - Organisation du matériel - Discussions sur le système Gribeauval
DISCUSSIONS SUR LE SYSTÈME GRIBEAUVAL
On avait ordonné des épreuves sur les changements proposés par Gribeauval : elles commencèrent en 1764 à Strasbourg et durèrent quatre mois. Tous les officiers de toutes armes de la région furent invités à les suivre et à donner leur avis. On ne devait signer dans les procès-verbaux que ce dont on était bien d’accord. En 1765, le nouveau matériel fut adopté sous le ministère Choiseul.
Après une longue et vigoureuse polémique dirigée contre les idées nouvelles, par le fils et successeur de Vallière, le nouveau matériel fut rejeté en 1772 sous le ministère de Monteynard. Un comité, composé des maréchaux de France de Broglie, Contades, Soubise et Richelieu, décida en 1774 le rétablissement du nouveau système. Après la mort de Vallière (6 janvier 1776), la nomination de Gribeauval comme premier inspecteur général de l’artillerie en assura l’adoption définitive.
Toutes les innovations de Gribeauval ont été attaquées, et bien des objections faites au nouveau matériel n’étaient pas sans fondement. Nous allons examiner rapidement les principales critiques qui furent formulées à cette époque, en suivant le même ordre que nous avons établi pour étudier les améliorations (31).
Pièces. — On reprochait aux nouvelles pièces d’avoir : 1° moins de portée ; 2° moins de justesse de tir ; 3° moins de .justesse de pointage ; 4° moins de vitesse initiale ; 5° moins de ricochets ; 6° plus de recul ; 7° moins de durée et de solidité.
Les objections faites sur les cinq premiers points manquaient de précision ; elles provenaient surtout du peu de connaissance que l’on avait encore sur la balistique, et la discussion sur ces points s’égarait souvent dans le vague : il semble que des expériences plus nombreuses eussent pu accorder tout le monde.
L’objection faite sur le recul avait plus d’importance, parce qu’elle était plus sérieuse.
« Les adversaires avaient constaté que le recul d’une pièce ancienne de 12 avait été de 4 pieds et demi, tandis que celui d’une pièce nouvelle de 12, sur le même emplacement, avec la même charge et la même élévation, avait été de 15 pieds 8 pouces ; ils en concluaient qu’il y aurait une perte de temps considérable pour ramener, après chaque coup, la pièce sur son emplacement ; que, par suite, les nouvelles pièces ne pouvaient pas être mises en batterie sur des terrains étroits sans culbuter leurs affûts, si on les laissait reculer, sans les dégrader, si on entravait le recul (32). »
Sur ce sujet, Gribeauval s’exprimait ainsi : « Nous allons répondre, une fois pour toutes, à l’objection du plus grand recul dont on voudrait faire un monstre. Le plus grand recul ne pourrait être un désavantage qu’autant qu’il nuirait à servir la pièce. Les officiers nommés pour les épreuves ne l’ont pas trouvé excessif. Il en est de même dans les écoles, où l’on a tiré pendant cinq ans ces pièces à boulets, avec infiniment plus de vivacité qu’on ne peut servir les anciennes ; la seule attention que le recul exige, c’est que les canonniers reculent de deux pas pendant le tir de la pièce, au lieu de n’en reculer qu’un.
« Les pièces courtes de l’artillerie autrichienne et de l’artillerie prussienne, qui reculent davantage à raison de leur moindre poids, n’en sont pas servies avec moins de vivacité que les nôtres (33). »
Les partisans du nouveau système ajoutaient que ce recul n’était considérable que sur les terrains unis d’un polygone et non sur ceux d’un champ de bataille ; qu’il était trop grand aussi sur les plates-formes, mais que les canons de bataille n’y devaient plus être placés.
Il est certain que tout ce qui concourait à augmenter la mobilité devait accroître le recul, mais l’avantage ne devait-il pas être supérieur à l’inconvénient ?
Les expériences faites sur la durée des nouvelles pièces n’avaient pas été probantes. Celles de 8 et de 4 avaient tiré plus de 1 000 coups sans se détériorer, mais celles de 12 n’en avaient tiré que 780 et 442. Gribeauval répondait : « Vallière cite ici les deux pièces de 12, sans rappeler que, dans la première, qui a tiré 780 coups, il est sorti une vis de la volée, et que, de la seconde, qui n’en a tiré, que 442, il en est sorti cinq, chacune de 4 à 5 lignes de longueur, qui en cachaient les défauts ; qu’ayant cassé l’anse de cette pièce, on a reconnu que le métal avait été en partie brûlé dans la fonte ; qu’ainsi, on ne peut argumenter d’après une fonte manquée contre la durée de ce canon (34). »
D’ailleurs, les espérances des partisans de Gribeauval eux-mêmes allaient être dépassées pendant les guerres suivantes.
A ses adversaires, qui insistaient vivement sur l’inconvénient des bouches à feu courtes pour la défense des retranchements, à cause de la prompte détérioration des embrasures, Gribeauval répondait laconiquement : « L’artillerie de campagne ne va point « en embrasure. »
« Ses partisans cherchaient à masquer cet inconvénient en prétendant que, dans le service de campagne, ce canon ne tirait qu’à barbette, mais il est certain que cette prompte dégradation des embrasures et le recul des nouvelles pièces, trop grand sur des plate-formes, établissaient l’infériorité du nouveau matériel sur l’ancien, dans l’emploi spécial à la défense de la fortification de campagne. Les partisans de Gribeauval avaient tort de nier cette infériorité ; ils auraient dû l’avouer et dire que ce désavantage, dans un cas particulier où l’artillerie est immobile, ne pouvait se comparer aux avantages de la mobilité (35). »
Les obusiers n’auraient dû, semble-t-il, soulever aucune objection : on s’en prit à leur calibre que l’on trouvait trop faible pour le but qu’ils devaient atteindre : l’attaque des lieux habités.
Les partisans de Gribeauval répondaient : « Il est donc bien démontré que l’obusier ne doit servir en campagne que pour inquiéter l’ennemi derrière les retranchements et hauteurs où le canon ne peut parvenir, et pour brûler les maisons dont il se couvre ; objets dont on pourrait aussi venir à bout avec le canon, à l’aide du ricochet et du tir à boulet rouge, si l’exécution n’en demandait trop de temps et trop d’apprêts ; voilà ce qui fait préférer l’obusier, et l’obusier du calibre le plus portatif parce que ces objets n’exigent pas précisément les éclats ni la grosseur des bombes, qui crèvent d’ailleurs rarement sur le point où on les dirige, ce qui est très différent dans un siège. C’est donc avec raison que l’on a confiné l’obusier de 8P° dans les équipages de siège, et que l’on ne fait usage que de ceux de 6P° pour les affaires de campagne, où on ne les fera point servir à d’autre usage que celui que nous venons de rapporter, à moins que ce ne soit manque de canons, ceux-ci devant toujours être préférés parce que leur tir est plus étendu, plus juste, plus vif et moins dispendieux que celui de l’obusier (36). »
Fabrication. — Les discussions sur l’emplacement des tourillons et l’addition des embases étaient entachées d’erreurs par suite de l’insuffisance des connaissances théoriques sur la matière. L’expérience se prononça plus tard en faveur du nouveau système
« Maritz, fondeur genevois, avait apporté en France, dès 1740, le nouveau mode de fabrication des canons, qui consistait à les couler pleins et à les forer entièrement après le refroidissement, à l’aide de machines perfectionnées. Gribeauval avait seulement adopté et généralisé ce mode de fabrication, qui était vivement attaqué comme devant donner pour les parois de l’âme moins de résistance et de solidité que le procédé antérieur. Les adversaires admettaient que le coulage à noyau, usité depuis plusieurs siècles, donnait à la partie du bronze voisine de ce noyau une sorte de trempe qui servait à assurer la dureté et la durée de l’âme. Ils oubliaient tous les inconvénients du noyau, et prétendaient que les expériences déjà faites sur les nouvelles pièces appuyaient leur opinion. On se rappelle que Gribeauval avait dû revenir au coulage à noyau pour les mortiers ; mais, comme on alésait les âmes de ces bouches à feu pour leur donner un diamètre exact, les adversaires reprochaient encore à ce mode d’enlever aux parois de l’âme une couche du métal le plus résistant, et de diminuer ainsi la résistance et la durée des mortiers.
« Le tournage extérieur de la pièce obligeait à supprimer les ornements gracieux des canons de Vallière, et la nouvelle forme des anses, qui remplaçaient les dauphins, donnait lieu à des critiques de même nature ; mais la nouvelle position des tourillons, dont l’axe était rapproché de l’axe du canon, exigeait dans la forme extérieure une précision plus grande que pour les pièces en usage auparavant ; le tournage était devenu une nécessité, et les nouvelles anses avaient reçu une forme adaptée à leur emploi (37). »
Gargousses. — Les principaux reproches faits à leur emploi étaient d’accélérer trop le tir et de se déformer, ce qui les rendait inutilisables. Les avantages l’emportaient ici de beaucoup sur ces critiques légères.
Projectiles. — On reprochait aux cartouches à boulet de faciliter le gaspillage des munitions.
On n’avait fait sur les cartouches à balles que des expériences insuffisantes. Ces projectiles avaient de plus l’inconvénient sérieux de coûter un prix assez élevé.
Aux avantages de la diminution du vent pour les boulets des canons de bataille, on opposait l’inconvénient réel de ne plus pouvoir employer ces canons au tir des boulets rouges. Cependant, l’introduction des obusiers redonnait à l’artillerie de campagne la propriété incendiaire, sans qu’il fût besoin de recourir à tous les préparatifs et à tous les embarras nécessaires pour chauffer et pour charger dans la pièce les boulets rouges.
Affûts. — Les affûts des nouvelles pièces de bataille furent critiqués comme ces bouches à feu mêmes. On leur reprocha leur poids plus grand pour les nouveaux affûts de 8 et de 12 que pour les affûts des anciennes pièces de même calibre. L’accroissement du nombre des ferrures, boulons, écrous, sous-bandes, ouvrages de serrurerie, occasionnaient un surcroît de dépense considérable, inutile et même nuisible à un certain point de vue, puisque les réparations ne pourraient plus être exécutées, comme elles l’avaient été jusque-là, au moyen des ouvriers en fer pris dans les petites localités voisines du camp.
Bien qu’il y eût quelque chose de fondé dans cette dernière objection, la défense des nouveaux affûts était facile, car l’excédent du poids provenait surtout des coffrets, dont personne ne pouvait nier l’utilité, et des essieux en fer qui diminuaient le tirage. Les ferrures, devenues plus nombreuses, augmentaient la solidité de l’affût ; l’uniformité qui régnait dans leurs dimensions, d’un affût à l’autre, permettait l’introduction des pièces de rechange et donnait une grande facilité aux réparations.
Les essieux en fer furent supprimés par Vallière en 1772 pour les raisons suivantes : « Particulièrement pour les affûts, parce qu’ils coûtent beaucoup plus que ceux de bois, surtout avec les boites de cuivre, sans lesquelles cependant ils détruisent promptement les moyeux ; parce qu’ils exigent des rechanges nombreuses, tant à cause de leur construction propre qu’à cause de l’extrême difficulté de les réparer dans les camps ; au lieu que ceux de bois peuvent être remplacés par un arbre trouvé sur la route, ou par l’essieu de la première voiture, soit en blanc, soit tout fait, dans un moment pressé ; parce qu’avec eux il est presque impossible d’employer le faux essieu, et qu’avec ceux de bois on a toujours cette importante ressource ; enfin, parce qu’ils incommodent considérablement par l’augmentation du recul quand il faut tirer le canon. On ajoutait encore à toutes ces objections que le frottement des fusées d’essieu serait diminué, et que cela faciliterait, il est vrai, le tirage en terrain horizontal, mais que, dans les descentes, les pièces courraient le risque d’être emportées par leur propre poids, ou bien que l’enrayage proposé pour y remédier userait et disloquerait les roues (38). »
On reprochait aux timons de casser trop souvent et de rendre la marche plus pénible aux chevaux dans les chemins. De plus, il fallait des conducteurs plus exercés pour conduire les chevaux au timon, ce qui était un sérieux inconvénient, par suite du procédé de recrutement des charretiers.
Bricoles. — Les objections faites au nouveau système employé pour manœuvrer les pièces à bras sur le champ de bataille furent justifiées par l’expérience ; ce système fut d’ailleurs peu employé.
Prolonges. —La prolonge fut accueillie avec un certain scepticisme, bien qu’aucune objection sérieuse ne fût faite contre elle. C’est grâce à elle cependant que l’artillerie allait pouvoir tirer un si grand parti de sa mobilité nouvelle.
Caissons. — On reprochait aux caissons d’introduire dans les parcs une plus grande variété de voitures diversement compartimentées et chargées, mais leur disposition, favorable à une meilleure conservation des cartouches et à une plus grande rapidité de compensait largement ces légers inconvénients.
Hausse. — Voici, d’après le général Favé, la discussion qui eut lieu sur l’emploi de la hausse :
« Voyons d’abord comment la comprenait Dupuget, le plus redoutable peut-être des nombreux contradicteurs de Gribeauval. Il s’exprimait ainsi qu’il suit :
« De notre temps, après avoir banni le gros et ridicule guidon placé au plus grand renflement du bourrelet, on ne se rappelait pas seulement l’idée de hausse du canonnier (du moins en France), et l’on se contentait, hors des limites du but en blanc primitif, d’observer les coups ; et quand on avait trouvé l’angle de projection convenable, on l’assurait par quelque marque au coin de mire, que l’on fixait...
« Supposé que la nouvelle hausse mobile soit assez solide pour résister aux accidents ordinaires et aux secousses inévitables que le soldat, même attentif, lui donnera dans la vivacité d’une action, assez bien faite pour que le canonnier puisse la lever et la baisser aisément, quand il faudra changer le degré d’élévation, assez stable en même temps pour garder les positions jugées convenables, il faudra, par de bonnes expériences, constater les portées horizontales correspondantes à ces divisions, en dresser des tables, faire apprendre ces tables aux officiers et aux canonniers, accoutumer ensuite les uns et les autres à juger par le simple coup d’œil à quelle distance peut être l’ennemi, afin de prendre la division convenable.
« Les divisions de la hausse mobile correspondant aux amplitudes horizontales ne conviendront pas aux amplitudes de même longueur, mais inclinées au-dessus du sol de la batterie, ou au-dessous, dans quelques circonstances. Ce sera donc une nécessité d’avoir des tables pour les amplitudes obliques, relativement aux divisions de la hausse mobile ; de les faire apprendre comme les premières et de nous former à estimer non seulement les distances, mais encore leur inclinaison sur le sol de la batterie. Il faudra de ces tables pour le tir à boulet ; il en faudra d’autres pour le tir des boîtes à balles.
« Vallière avait supprimé les guidons pour éviter les erreurs de pointage résultant de l’inégalité de hauteur des points d’appui des roues, et Dupuget pensait qu’on ne devait pas tirer le canon en bataille au delà de la distance du but en blanc qui, pour les canons de Vallière, était d’environ 200 toises ; aussi concluait-il ainsi sa dissertation :
« 1° La hausse est un mauvais instrument ; 2° elle ne peut servir presque jamais qu’à tirer lorsqu’on ne devrait pas tirer ; 3° son opération est toujours tâtonneuse et souvent impossible ; 4° elle ne servira, presque jamais, qu’à jeter dans l’erreur.
« Lorsqu’en 1772 Vallière fils avait fait exclure le système Gribeauval, il avait supprimé la hausse, qu’il avait cru remplacer avantageusement par des crans pratiqués au coin de mire ; ces crans ne pouvaient pas produire l’effet de la hausse, surtout en campagne, alors que le point d’appui des roues et de la crosse change après chaque coup. En employant la même hausse pour tirer plusieurs coups, on maintient la même relation entre la ligne de mire, dirigée sur le but, et l’axe de la pièce lié à la trajectoire, tandis que le point de mire placé au même cran maintenait seulement la même relation, c’est-à-dire le même angle, entre les crosses de l’affût et l’axe de la pièce.
« Dans cette discussion, Gribeauval et ses partisans avaient tout l’avantage, car ils présentaient la hausse comme un moyen de rectifier le pointage, quand les coups ne portaient pas à la distance voulue, et de le maintenir quand on avait déterminé la hausse par l’observation des premiers coups. Ils démontrèrent, dans cette polémique, que la différence de hauteur des points d’appui des roues ne pouvait pas produire des erreurs de pointage assez grandes pour annihiler les avantages de la hausse, et que l’inclinaison de la ligne de mire sur l’horizon avait peu d’influence sur la longueur à donner la hausse.
« Quand on songe qu’au moment où Gribeauval est venu apporter ce moyen de pointage, l’ancienne équerre du canonnier était abandonnée, qu’il n’existait plus aucun moyen d’assurer le pointage aux distances plus grandes que le but en blanc, et que le canonnier en était réduit à la plus vague appréciation pour diriger la pièce, on s’étonne que la routine ait pu être assez aveugle pour donner naissance aux appréciations les plus erronées qui furent longuement développées et qui furent soutenues avec une sorte d’acharnement.
« Pour faire apprécier l’influence que la hausse a exercée sur les portées des canons, dans leur emploi à la guerre, il suffit de rappeler ce que l’auteur de l’Essai sur l’usage de l’artillerie dans la guerre de campagne et dans celle de siège, Dupuget, qui fut, comme on vient de le voir, un des adversaires de la hausse, disait des portées auxquelles on devait restreindre l’emploi des canons de Vallière dans les batailles :
« A 400 toises, les coups de canon sont peu assurés ; à 200, ils commencent à devenir certains ; ils ne sont bien meurtriers qu’à 100. Ainsi, lorsque les ennemis sont à la première distance, il faut tirer lentement pour inquiéter leurs manœuvres, en se donnant le temps de pointer ; à la seconde, vivement pour ralentir leur marche ; à la troisième, précipitamment pour les rompre (39). »
Cette discussion étendue et très brillante, à laquelle prirent part de nombreux officiers, permit de traiter toutes les questions relatives au matériel d’artillerie. Dans chacun des deux partis il y eut des erreurs commises : l’expérience des guerres qui suivit montra toute la valeur de l’œuvre de Gribeauval. La France allait pouvoir, grâce à lui, entreprendre la lutte contre l’Europe coalisée avec un matériel d’artillerie léger, solide et uniforme et dont les qualités l’emportaient de beaucoup sur ses minces inconvénients.
§4 — Matériel d’artillerie en 1789
Les tableaux ci-après ont été établis d’après l’étude du capitaine Rouquerol sur « l’artillerie au début de la Révolution » (Revue d’artillerie, mai et juin 1895). Ils donnent la liste complète de tout le matériel d’artillerie, en service en France, à la mort de Gribeauval (1789).
Note 01 : Saint-Remy (Pierre Surirey de), lieutenant-général du grand-maître, mort en 1716. Connu surtout par son gros ouvrage intitulé Mémoires d’artillerie (2 vol.), réédité en 1743 et mis a jour à cette date, formant 3 volumes.
Note 02 : De la Frézelière fut le seul à se servir de ses pièces, les autres généraux les trouvaient trop dangereuses, parce qu’elles brisaient souvent leurs affûts. (Cf. SAUTAI, Les Frézeau de la Frézelière, p. 163)
Note 03 : BRUNET, Histoire de l’artillerie, t. II, p. 144.
Note 04 : La question traitée en détail serait très complexe à cause des différences des charges employées.
Note 05 : BRUNET, loc. cit., p. 145.
Note 06 : VALLIERE, Mémoire touchant la supériorité des pièces d’artillerie longues et solides. (Archives de l’artillerie, carton 4-b-14.)
Note 07 : Ordonnance royale du 7 octobre 1732.
Note 08 : D’après Durlubie, en 1789, le poids des bombes de 12P° était de 145 livres, celui des bombes de 8P°, de 44 livres.
Note 09 : Rapport du maréchal de Belle-Isle (Archives de l’artillerie).
Note 10 : COLIN, Les Campagnes du maréchal de Saxe, t. I, p. 57.
Note 11 : D’après COLIN, loc. cit., p. 58
Note 12 : Archive de l’artillerie, carton 3-b-101.
Note 13 : Ce genre de pièces dont il sera question plus loin venait d’être récemment adopté.
Note 14 : Archives de l’artillerie, carton 3-b-141.
Note 15 : Les pièces suédoises étaient du calibre de 3. Du Brocard, lieutenant-général l’artillerie, fit adopter le calibre de 4, pour simplifier les approvisionnements.
Note 16 : Bélidor (Bernard Forest de), professeur à l’école des élèves de La Fère, démontra le premier que la portée n’était pas proportionnelle à la charge de poudre. Destitué par suite de la haine de ses contradicteurs, il fut réintégré en 1744, et lorsqu’il mourut en 1761, à Arsenal, à 71 ans, il était inspecteur de l’artillerie. Il a laissé de nombreux ouvrages sur les mathématiques et les sciences de l’artillerie et des ingénieurs.
Note 17 : Lorsque les circonstances ne permettaient pas l’usage des hausses, nos bons aïeux avaient recours au pointement par les côtés pour prendre la direction, ou bien ils commençaient par diriger la pièce en pointant vers l’objet ras le métal, et ensuite la relevaient ou la baissaient, et, pour prendre l’angle de projection convenable à l’éloignement, ils employaient le quart de cercle, qu’ils appelaient l’équerre du canonnier, et que chacun compliquait plus ou moins suivant son goût et sa science vraie ou prétendue
« Les anciens auteurs donnent sujet de croire que l’usage des hausses et de l’équerre du canonnier n’avait lieu que contre des forteresses ou dans les exercices d’écoles, et que, dans les actions de campagne, le coin de mire seul était admis ou quelque chose d’aussi simple.
« De notre temps, après avoir banni le gros et ridicule guidon placé au plus grand renflement du bourrelet, on ne se rappelait pas seulement l’idée de hausse ou d’équerre du canonnier (du moins en France) et l’on se contentait, hors des limites du but en blanc primitif, d’observer les coups, et quand on avait trouvé l’angle de projection convenable, on l’assurait par quelques marques au coin de mire, que l’on fixait. Je ne dis pas que celte méthode soit préférable a toute autre, mais en la suivant l’artillerie française eut de grands succès durant les dernières guerres, tant aux sièges qu’aux batailles. »
(Réflexions sur la pratique raisonnée du pointement des canons dans les actions de campagne, par M. de Senneville [Archives de l’artillerie, 1764]
Note 18 : COLIN, loc. cit., p. 60 sqq.
Note 19 : Dans la guerre de Sept ans, les Autrichiens avaient deux pièces de 3 par bataillon traînées par des hommes.
Note 20 : Archives de l’artillerie.
Note 21 : DUCOUDRAY, L’Artillerie nouvelle, p. 13.
Note 22 : DUCOUDRAY, loc. cit., p. 58.
Note 23 : DUCOUDRAY, loc. cit., p. 62 sqq.
Note 24 : DURTUBLE, Manuel de l’artilleur, p. 386.
Note 25 : « On avait proposé de fixer cette variation a six points. Les entrepreneurs, peu accoutumés à la précision, en ont demandé neuf, et on les leur a accordés. Mais on a vu, depuis, par l’usage, qu’on pourra, dès qu’on le voudra, les restreindre aisément à six points. » (Note de Ducoudray.)
Note 26 : DUCOUDRAY, loc. cit., p. 66.
Note 27 : FAVE, Histoire de l’Artillerie, p. 139.
Note 28 : FAVE, loc. cit., p. 137.
Note 29 : DUCOUDRAY, loc. cit., p. 67 sqq.
Note 30 : Dont 160 aux bataillons.
Note 31 : L’étude et la discussion de toutes les brochures qui ont servi à cette polémique auraient entraîné des développements qui, malgré tout leur intérêt, ne rentrent pas dans le cadre de cet expose succinct. On a cru bon cependant, de faire ressortir tout le mal qu’a eu Gribeauval à imposer son système et la justice de certaine des critiques qui lui furent faites. Voir à ce sujet général Favé, loc. cit., p. 130 sqq.
Note 32 : FAVE, loc. cit., p. 131.
Note 33 : FAVE, loc. cit., p. 131.
Note 34 : FAVE, loc. cit., p. 132.
Note 35 : FAVE, loc. cit., p. 134.
Note 36 : FAVE, loc. cit., p. 141.
Note 37 : FAVE, loc. cit., p. 162.
Note 38 : FAVE, loc. cit., p. 138.
Note 39 : FAVE, loc. cit., p. 146 sqq.