Source :
J. Lemoine : " Sous Louis le Bien-Aimé. Correspondance
amoureuse et militaire d’un officier pendant la guerre de sept ans (1757-1765) "
- pages 243-244
Madame de *** à M. de Mopinot
Paris, le 19 octobre 1758.
Le nommé R***, ancien sergent dans le régiment de Normandie, qui a obtenu les Invalides pour récompense d'une blessure reçue au siège de Berg-op-Zoom, est venu plusieurs fois depuis un mois pour avoir de vos nouvelles et de celles de M. de Périgord. L'impossibilité de lui en donner m'a portée à lui conseiller d'aller à Versailles faire sa cour à madame de *** qui le satisferait. Il est de retour, et m'apprend que votre régiment a beaucoup souffert au dernier combat de M. de Chevert, mais que vous et M. de Périgord avez échappé au péril. Je m'en réjouis sincèrement, parce que celui qui, il y a un mois, était l'objet de mon amour, ne peut m'être indifférent aujourd'hui ; il n'appartient qu'à vous de faire succéder des sentiments si opposés ; mon idée ne vous ayant pas occupé pendant le combat, vous avez oublié que, m'intéressant à vous, je devais être dans de vives alarmes ; vous m'y laissez, je me garderai bien de troubler vos plaisirs par l'ennuyeux récit de tout ce que je souffre d'un changement que je ne craignais pas, parce que je croyais mieux connaître votre coeur que je ne le connais réellement. Je m'aperçois trop tard pour mon repos que tous les hommes sont les mêmes et que les plus belles apparences ne sont que des illusions. Je vous souhaite la possession d'un coeur tel que vous le méritez.